L’exquis cadavre exquis, épisode 9

L’exquis cadavre exquis, épisode 9

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Leriot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

La suite c’est vous qui l’inventez


L’exquis cadavre exquis

Episode 9.

Exquis Cadavre Exquis. Episode 9 Danielle

Faux semblants

by Danielle Thiéry

A moitié allongé, les pieds sur son bureau plongé dans la pénombre, Sebastián ruminait. Il avait éteint toutes les lampes à cause du mal de tête qui lui serrait les tempes. Dans le silence des locaux désertés, l’ambiance était propice à la synthèse. Il aurait voulu partager ces instants avec Valérie mais, une fois de plus, elle l’avait lâché une partie de la journée parce qu’un de ses rejetons avait de la fièvre. Il en avait profité pour reprendre tout le dossier depuis le début. Eclairer les zones d’ombre, lever les doutes, étayer les suspicions. Il était maintenant persuadé que la piste des fleurs était de l’enfumage.

Ainsi le symbole du gui. Attachement, vie et amour éternels, je m’attache ou je meurs. Mais aussi parasitisme, nocivité, menace de mort ou cri d’amour, au choix. Rémini y avait ajouté la passiflore, l’expression de la passion. Et à quoi ça les menait tout ça, sinon à Max Lindberg ? Qui aurait mal vécu une passion secrète pour la victime. Non partagée, forcément. Et qui aurait fait exprès de ne pas aller à la soirée au Museum pour qu’on le soupçonne aussitôt d’avoir commis le meurtre. Et qui se serait servi d’une arme à feu de barbouze, à moins qu’il n’ait payé un barbouze pour exécuter celle qui l’avait repoussé. Ça ne tenait pas debout. Max pouvait se venger de Camille bien autrement. Et il avait une bonne excuse pour ne pas aller à la soirée : il n’était pas invité. Et il avait un alibi : il avait passé la soirée avec sa mère et sa fille, dans un restaurant où cinquante témoins l’avaient vu.

Sebastián éclaira son écran d’ordinateur, seul point lumineux supportable, et relut les dernières pièces de procédure. Le résultat des analyses ADN était tombé en fin d’après-midi. Au moins, maintenant, quelques heures suffisaient pour les obtenir. Les traces trouvées sur Camille ne correspondaient à personne de connu au FNAEG. Et elles n’avaient aucun rapport avec les affaires présentant des similitudes avec celle-ci. C’était une piste morte. Mais pas entièrement, car la douille trouvée dans une poubelle (on se demandait bien pourquoi l’avoir jetée là au lieu de l’embarquer purement et simplement) portait, elle, une belle empreinte digitale et un ADN dont le propriétaire avait du souci à se faire quand le juge ordonnerait une comparaison avec tous les invités de la soirée. Pour commencer. Sur qui tomberait-on ? L’actuel directeur ? Ce pleutre sans relief, qui n’avait pas inventé le fil à couper le beurre ? C’était peu probable, il n’était pas assez malin pour avoir des choses à cacher et il n’était pas du style à cultiver des relations avec des barbouzes. L’ancien directeur ? Il pouvait avoir commandité le meurtre, bien sûr. Mais la vengeance comme ressort criminel relevait plus souvent de la littérature que de la réalité. Et dans son cas, l’affaire était pliée, les preuves rapportées et, si longtemps après, Sebastián n’y croyait guère. Max Lindberg ? Inconcevable pour le moment. Quoique la passion et le dépit amoureux puissent parfois faire faire des conneries et même des grosses. D’ailleurs que savait-on de Camille Longchamps, en dehors de sa sulfureuse passion pour l’agitation et la provocation et de sa réputation de fouille-merde ? Célibataire, mystérieuse, vie privée ultra-protégée. Une lueur traversa l’esprit embrumé de migraine de Sebastián. C’était à ça qu’il devait s’atteler maintenant : creuser ses sillons autour de la victime même si cela semblait politiquement incorrect et si l’opinion publique ne pourrait que s’en offusquer. Et fouiner bien au-delà du travail de journaliste de la jeune femme. Qui sait si ce n’était pas l’arbre qui cache la forêt ?

Le signal d’arrivée d’un message le mobilisa tout à coup. C’était envoyé par le photographe officiel de la soirée auquel Sebastián avait adressé une réquisition judiciaire. Objet : photos soirée Museum. Tout à coup bien réveillé, le flic ouvrit impatiemment le fichier. Il fit défiler les photos prises au moment des discours et celles de la foule des invités pendant la réception. Il repéra Camille, inratable avec sa robe rouge et ses cheveux noirs coupés au carré. Elle figurait sur pas mal de clichés, jolie et souriante. Là, elle était de dos, un gros plan sur la robe rouge la faisait paraître plus ronde. Sebastián passa à la suivante puis, saisi d’un doute, revint en arrière. Camille de dos, les épaules un rien trop larges, des anneaux d’oreille qu’elle ne portait pas quand on avait trouvé son corps…Étrangement, il ne la reconnaissait pas. Il agrandit l’image et se rapprocha de l’écran. Dans la foule, une autre tache rouge, à quelques mètres de l’autre, lui sauta aux yeux. De face, Camille fixait l’objectif. Ou plutôt, jugea-t-il en considérant son expression contrariée, elle fixait l’autre femme. L’inconnue dont on ne voyait pas le visage et qui, ce soir-là, au Muséum, portait la même robe qu’elle.

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