Exquis Cadavre Exquis, la première récap !
Arrêt sur image, venez découvrir l’état de notre exquis cadavre exquis…
Déjà 16 épisodes…
et bientôt ce sera à vous de tenir le scalpel !
Bonne dégustation…
L’exquis cadavre Exquis de Collectif Polar
Les 16 premiers chapitres
Episode 1
by Isabelle Bourdial
Camille
L’odeur d’humus la prend à la gorge, sature ses narines, s’engouffre dans ses poumons, met le feu à ses bronches. Elle suffoque, comme si on l’enterrait vivante. L’angoisse, cette vieille compagne qui surgit à chacune de ses crises d’asthme, la submerge, telle une lame de fond. Elle fouille ses poches avec frénésie. Ses doigts rencontrent l’inhalateur de ventoline. Vite, elle glisse l’embout dans sa bouche, actionne la mini pompe. L’effet est immédiat, sa respiration s’apaise… jusqu’à la prochaine crise. Il était temps ! Une ombre contourne l’immense ficus tout proche. Elle cherche Camille qui s’aplatit un peu plus sur la terre meuble, derrière un rhododendron. Un nuage masque soudain la lune, plongeant la forêt exotique dans l’obscurité. Ce soir, au dîner, l’assassin a croisé son regard, y a lu la peur et le dégoût. Camille sait ce qui s’est passé et cette vérité la condamne. Elle doit disparaître. Elle aurait pu se confier aux autres, ou même appeler la police. Seulement voilà, elle a voulu braver le danger. Encore ce foutu orgueil qui affecte son jugement et la pousse à agir seule… Mais cette nuit, la mort lui colle aux basques. Une mort poisseuse, pugnace, de celles qu’on peine à feinter. Poursuivie, elle a cru la semer en allant se cacher dans la serre tropicale. Mauvaise idée pour une phobique de la chlorophylle. Camille exècre la nature, qui le lui rend bien. Elle est allergique à vingt variétés de pollen et probablement davantage, les allergologues ayant renoncé à les dénombrer toutes. Le moindre attroupement végétal lui déclenche de graves crises d’asthme. Une simple balade à la campagne peut s’avérer mortelle. Alors une partie de cache-cache avec l’assassin dans une forêt sous verre… Son intrusion nocturne a réveillé les perruches. Leur piaillement affolé a alerté l’autre. Et maintenant Camille réalise que le face à face est imminent et que personne ne viendra la sauver.
Elle passe en revue la cascade d’évènements qui a précipité sa perte. Tout a commencé lundi dernier, lorsqu’est arrivée l’invitation pour la réouverture du Museum.
Episode 2
By Lou Vernet
Max
A l’intérieur, glissée comme une menace, une branche de gui séchée. Inoffensive en l’état, il en fallait un peu plus pour lui déclencher une crise, le message subliminal n’en était pas moins clair. Le gui est une plante saprophyte. Un parasite qui croît en puisant sa nourriture dans les tissus de l’arbre hôte. Tout un symbole pour dénoncer sa vocation journalistique et l’insulte préférée de ses détracteurs. Surtout depuis un an. Depuis qu’elle avait écrit ce foutu article qui avait valu la fermeture provisoire du Muséum. Le gestionnaire, Pierre Blanchard, s’était vu contraint de rendre des comptes et d’expliquer la main basse faite sur 1 million d’euros durant ses dix années de bons et loyaux services. Camille ne doutait pas un instant que cette invitation vienne de lui. Même du fond de sa prison, l’homme avait le bras long comme un rhizome. Du chiendent de la pire espèce.
Et pourtant, elle avait négligé l’avertissement.
Ou du moins, l’avait-elle relégué, nonchalamment.
Son métier comportait ce genre de risques. Combien de lettres ou d’appels anonymes avait-elle déjà reçus ? Combien de petits cercueils en bois envoyés au journal ou glissés sous son paillasson ?
Les malversations financières, que Camille traquait et dénonçait de sa plume acérée, visaient des hommes haut placés. Des dirigeants qui ne se salissaient jamais les mains. Qui, pour les basses besognes, faisaient appel à des sbires.
Et pourtant, elle s’en était toujours tirée.
Car Camille avait un atout.
Un « atout maitre » bien plus vicelard et retors que cette bande de malfrats.
Max. Son ami et mentor, Max.
Un type qu’il ne fallait pas trop chatouiller. Surtout s’il était question de justice et de vérité. Et, plus encore, s’il s’agissait de Camille.
A qui, il y a une semaine, elle avait délégué le problème et qui, pourtant, ce soir n’était pas là.
Ça aurait dû l’alerter de ne pas le voir à l’inauguration. Ça aurait même dû la faire fuir. Sans Max à ses côtés, Camille n’était plus qu’une brindille de 49 kg qu’un assassin au regard vitreux allait bientôt anéantir.
Le danger ne vient jamais de là où on l’attend, pensa-t-elle trop tard, alors que l’ombre finissait de la recouvrir et qu’un coup de feu fit voler en éclat ses derniers espoirs.
Episode 3
By Aurore Z
Le langage des fleurs
L’inspecteur Sebastián Lerot entre dans la serre en tenant son mouchoir de coton serré sur son visage.
Depuis toujours il traîne une intolérance au pollen. Les allergologues sont formels, à part une légère réaction au bouleau, aucune allergie. C’est psychosomatique. Psychosomatique ! Et allergique au bouleau, cela lui en a valu des quolibets de la part de ses collègues !
Les éternuements qu’il tente de réprimer et les démangeaisons qu’il sent croître dans ses yeux sont bien réels et exacerbés dans cet environnement saturé en chlorophylle.
Il n’ose penser à l’image qu’il renvoie : grand échalas à la carrure de rugbyman aux yeux rougis et au crâne lisse. Pathétique. II a renoncé à sa chevelure il y a 15 ans quand il a commencé à blanchir précocement. Les femmes lui trouvent des airs de Yul Brynner, et ses lunettes rondes, façon John Lennon, n’enlèvent rien à son charme. Bien au contraire.
Les TIC sont déjà sur place et s’affairent autour du cadavre, tels un bouquet de pâquerettes exécutant une danse à la chorégraphie parfaitement maîtrisée. Leur ballet lui inspire la Valse des Fleurs de Tchaikovsky. Selon les informations qui lui ont été communiquées au petit matin, la victime s’appelle Camille Longchamps, une journaliste spécialisée en criminalité financière.
En l’apercevant, Sebastián ne peut s’empêcher de la détailler : peau d’albâtre, cheveux noir de jais coupés à la garçonne, robe de soirée rouge carmin. Plutôt jolie. Allongée sur le côté, en chien de fusil, un regard non averti pourrait l’imaginer se reposant en ce lieu incongru, si ce n’était ce coquelicot mortel sur sa tempe et son regard émeraude inexpressif.
Mille questions se mettent à tourner dans sa tête.
Que venait-elle faire dans cette serre au milieu de la nuit ? Un indic à rencontrer ? Un rendez-vous galant ?
Refoulant un énième éternuement, Sebastián s’agenouille près du corps et saisit toute l’ironie de la situation : une jeune femme, morte, au milieu des rhododendrons, symbole du danger.
Près de la main de Camille, son regard est attiré par une fleur écrue frangée de bleu: une passiflore.
La présence de cette fleur l’intrigue, Camille l’aurait-elle cueillie alors qu’elle parcourait les allées de la serre ou est-ce le tueur qui aurait laissé cette fleur de la passion, macabre message expliquant son crime ?
En se relevant, Sebastián aperçoit le directeur du Musée qui les a prévenus.
Episode 4
By Cécile Pellault
Les Nuisibles
Sebastián hésitait en s’approchant du directeur entre la limace ou l’insecte, celui qui éveille en chacun le désir irrépressible de se transformer en tueur sans pitié et seulement rassasié à la vue du sang et d’un reste de pattes ! En commençant à parler avec lui, Sebastián opta définitivement pour l’insecte à écrabouiller, ce type allait lui réveiller son eczéma. Il sentait les picotements annonciateurs des plaques rouges. C’était l’archétype du con fini.
«…l’administration m’a obligé à l’inviter et voilà, elle se fait assassiner sous mon toit. Nous allons devoir fermer encore une semaine, les comptes d’exploitations vont plonger pour ce trimestre. Déplorable publicité, déplorable !
– Effectivement, déplorable que cette courageuse journaliste ait été assassinée au milieu de vos géraniums et autres pâquerettes, quel manque de savoir-mourir, franchement ! Par ailleurs, avez-vous noté autre chose lors de cette soirée à part bien entendu les manières navrantes de Mademoiselle Camille Longchamps ? Quelque chose de vaguement intéressant pour que nous puissions quitter votre carré de pommes de terre au plus vite et remonter vos comptes d’exploitation ? Un clandestin parmi les invités ? Un membre du personnel dont l’attitude aurait pu être jugée suspecte ? Auriez-vous reçu des menaces personnelles récemment ? Une chance que ce soit vous qui ayez été visé par le meurtrier ?
– Mais je ne vous permets pas, je vais en parler à votre hiérarchie. Je …
– Je pense que vous allez avoir autant de chances avec ma hiérarchie que moi avec vos informations ! Je vous laisse avec ma valeureuse collègue, I’inspectrice Rémini. Valérie, tu m’accompagnes jusqu’à la sortie, s’il te plait ?
Sebastián sentait maintenant la brûlure de l’eczéma et refrénait avec peine le désir de se gratter comme celui de coller un pain au directeur. Finalement, cela n’avait pas été une bonne idée d’arrêter de fumer le matin même.
« Je ne te connaissais pas cet amour pour le quatrième pouvoir, Sebastián ?
– Je crois que j’aurais même défendu un collecteur des impôts du Moyen Âge contre lui, c’est dire ! Tu continues l’interrogatoire, je crois que ce sera plus constructif !
– Oui, je crois ! Un peu de subtilité ne nous fera pas de mal !
– Oui, clairement ! De toute façon, j’ai entraperçu un vieil ami qui fouine par là-bas ! On se tient au jus !
-Oui, on fait ça et n’oublie pas : Respire ! »
Max Lindberg, son vieil emmerdeur presque personnel, ils avaient commencé ensemble leurs carrières, l’un dans le journaliste, l’autre dans la police. Une étrange relation les liait, oscillant entre le respect et la haine de la profession de l’autre. Dire que c’était la relation la plus longue qui l’unissait à un autre être humain le déprimait, même ses mariages n’avaient pas tenu aussi longtemps. C’était décidément la nuit de tous les nuisibles.
Episode 5
By Élias Awad
Une arme de barbouze
Trois dosettes de café. De l’eau jusqu’à l’encoche 4-6 tasses. Elle appuie sur le bouton. La cafetière commence son gargouillis en même temps que s’allume 06 :32 sur le cadran-horloge de la machine. Son aîné a encore fait pipi au lit ! Eh oui, ça ne se fait pas d’imposer l’arrivée d’un petit frère à un garçonnet qui jusque-là avait ses parents que pour lui. Ça lui passera, sourit Valérie. Le petit frère, lui, fait ses nuits. Elle sait qu’elle est tranquille jusqu’à sept heures. L’inspecteur Rémini est normalement en congé maternité. Mais le boulot, c’est le boulot ! Et puis bon, du moment qu’elle est là pour les biberons… Pour quelques-uns en tout cas… Les autres, c’est la mamie qui s’en charge. Elle a emménagé chez sa fille « le temps qu’il faudra ! », a-t-elle dit en la serrant dans ses bras.
La mort est intervenue autour de 23 h. En sirotant son café très chaud, l’inspectrice détaille le rapport d’autopsie une première fois, puis une deuxième. Il confirme, avec tous les détails techniques de routine, les constatations préliminaires faites lors de la levée de corps. La balle est entrée au-dessus de la tempe gauche, un peu en arrière, et est sortie à la hauteur du maxillaire supérieur droit en emportant une prémolaire. Le rapport relève d’importants dégâts au niveau du cerveau. L’extinction des feux a dû être instantanée ! Vu l’angle du tir, et sauf si la journaliste était accroupie, le meurtrier doit faire son bon mètre quatre-vingts, voire plus. Aucune trace de résistance. Une exécution-surprise !
07 :14
« J’ai une bonne nouvelle et une mauvaise, patronne. »
– Accouche, Gilbert ! s’impatiente Valérie, le portable collé à l’oreille. Et puis, je ne suis pas ta “patronne” ! Alors ?
– Nous avons trouvé la douille et même la balle. A quelque 30 cm dans la terre, qu’elle s’était fichée !
– Et donc ?
– Ben, elles ne portent aucune strie, patronne ! Pardon, inspecteur Rémini !
– Merde ! Une arme en plastique ! Une arme de barbouze ! Le salaud !
Outils et processus de fabrication laissent leurs marques sur les différentes pièces d’une arme en acier. En effet, la combinaison des différentes traces laissées sur le percuteur, l’éjecteur, l’extracteur, le canon etc. détermine l’unicité d’une arme à feu. Ces marques vont à leur tour laisser des traces sur les douilles et projectiles entrant en contact avec ces différentes pièces. De ce fait, chaque arme possède sa propre signature. Rien de tout ça avec une arme en matière plastique qu’aujourd’hui on peut même fabriquer avec une imprimante 3D.
Episode 6
By Marylène LB
Comprendre
Tout cela projeta Rémini, dans le passé. Elle était intervenue sur une affaire similaire où le tueur s’était servi aussi de cette arme de barbouze. Rémini en gardait des souvenirs brûlants et amers, car on n’avait pas pu trouver le tueur et il réapparaissait maintenant dans cette affaire où l’amie de Max, Camile, venait de trouver la mort de la même façon que dans l’affaire de la médiathèque. La bibliothécaire avait été tuée par une arme de barbouze identique, lors de l’ouverture de la bibliothèque. L’enquête fut longue et elle ramenait toujours à un dossier de malversations. Le lieu seul changeait ici : une journaliste dans une serre. Quelle allait être l’issue de cette affaire, quel était réellement le rapport avec la précédente ? En outre, la journaliste était une amie de Max.
Reprenant ses notes, Rémini contacte Max avec lequel elle travaille et avec qui elle avait eu une aventure dans le passé. Ils avaient une confiance totale l’un dans l’autre et pourraient échanger leurs informations.
Comprendre chaque subtilité des recherches et le raisonnement du tueur, cela parait simple mais le protagoniste, lui, sait rendre les choses terrifiantes et dures. En effet le tueur s’en est pris de nouveau à un policier en faction devant le tribunal de la ville. Ce policier était là pour la sécurité d’un magistrat qui devait auditionner un banquier mis en cause dans une affaire de malversation.
Arrivés sur les lieux, Max et l’inspecteur Sebastián recherchent la douille qui permettra de confondre l’arme. C’est en fouillant dans une poubelle éventrée qu’ils la trouvent.
Elle est comme les autres, sans aucune strie. C’est encore l’œuvre du tueur à l’arme de barbouze qui a sévi.
Aussitôt, Rémini est informée par Max. Elle ajoute les informations au tableau de l’enquête et à la fiche qu’elle prépare. Il ne lui reste plus qu’à demander à un homme du service d’aller chercher le dossier de l’affaire qui devait être entendue au tribunal ce jour. Elle ajoutera les photos du policier, du banquier et du magistrat, pour croiser les parcours de chacun, et les actes du tueur pour comprendre les éléments reliant les affaires.
Comprendre, comprendre, cela n’est plus qu’un cri dans l’esprit de Rémini, Comprendre pour résoudre ces meurtres et interpeller cet homme sans foi ni loi.
Valérie sursauta, désorientée. Elle mit un moment à réaliser où elle se trouvait. Elle paniqua un instant en remarquant qu’elle avait un biberon à la main mais pas de bébé, puis se rappela qu’elle avait bien remis son fils dans son berceau. Elle paniqua encore en songeant au policier et à la bibliothécaire tués et surtout aux mains de Max sur son corps, puis réalisa qu’elle n’avait fait que rêver ou plutôt cauchemarder ! L’incompréhension était finalement le fil conducteur de sa nuit.
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Episode 7 –
by Michèle France
Les lendemains difficiles
« Sale tronche ce matin, Valérie ! Tes monstres à couches t’en ont fait baver ?
– Une horreur ! Et la vague impression qu’ils attendent la nuit où leur grand-mère se décide de courir le guilledou pour chanter toute la putain de nuit !
– C’est pour ça que j’ai pas d’enfants et que des chats !
– Tu n’as pas de chat, Sebastián !
– Ah oui, j’aime pas les chats, non plus ! Par contre, j’ai croisé deux, trois cafards dans ma cuisine dernièrement, je ne sais pas si l’on peut en tirer la conclusion que je suis un homme à cafards !
– Je crois que tu me donnes autant mal à la tête que mes enfants, Sebastián et eux, je leur pardonne parce que je les aime ! On peut en revenir au dossier et fais-moi un autre café !
– Tu es pire que ma troisième femme, Valérie ! Vivement qu’ils aient 20 ans tes mouflets et qu’ils fassent leurs nuits, que tu puisses reprendre visage et esprit humains !
– Je t’emmerde, Lerot ! Va chercher le café !
-Ok, Rémini mais à l’allure où vont les choses, tu risques de ne jamais devenir ma femme numéro 4… Quoique !
– Mais ce n’est pas possible, pas ce matin, Lerot, pas ce matin, mon arme de service me démange ! Les dommages collatéraux du burn out maternel sont un sujet à la mode en ce moment, fais attention ou tu risques de devenir une fashion victim sous peu »
Depuis que Sebastián avait ramené le café en guise d’offrande de paix, ils étaient tous les deux plongés dans leurs dossiers. Valérie se redressa et se balança sur sa chaise. Sebastian leva les yeux de son dossier.
« On n’a pas fichtrement avancé d’un cheveu ! Elle n’a pas donné grand-chose, ta nouvelle entrevue avec le directeur !
– Non, rien vu, rien entendu, rien de rien, à part le trou dans son compte d’exploitation !
– Au journal de Longchamps, ils m’ont remis toutes les lettres anonymes et les cercueils qu’elle a reçus mais ils ont refusé de me donner ses dossiers, sacro-sainte liberté de la presse. Faut que je voie ce qu’on peut faire de ce côté-là. Et j‘ai envoyé le tout à la scientifique pour les empreintes et les traces ADN.
– Et du côté de l’ancien gestionnaire Blanchard ?
– Lui et son avocat se retranchent pour l’instant derrière l’instruction en cours sur le détournement de fonds ! Et la brigade financière fait un peu de rétention d’infos pour le moment !
– Reste ton meilleur ami ?
-Hein ?
-Max Lindberg !
– Le petit cafard de mon cœur, tu veux dire ! Oui, je crois que je vais aller m’inviter pour un petit café inopiné chez mon ami Max !
– D’accord, je vais voir avec mes contacts à la financière. Contrairement à toi, j’ai des amis autres que des nuisibles!
– Moi aussi, je t’aime, Valérie ! »
Sebastián attrapa sa veste au porte-manteau en évitant avec une certaine dextérité et habitude l’agrafeuse en provenance de l’autre côté de la pièce. Il était temps qu’il ait une discussion à cœur ouvert avec Max sur la petite Camille pour laquelle il avait remarqué, chez son camarade, une certaine détresse à la découverte de sa mort. C’était assez inhabituel pour être intrigant !
Episode 8
By Maryse
Passion poison
Comprendre les lendemains difficiles était certes le pain quotidien de Sebastián mais ce matin-là, la confusion s’installa au rythme de sa longue marche rapide, comme un brouillard enveloppant sa proie à la tombée d’une nuit ordinaire. Pour la première fois de toute sa carrière, notre inspecteur frissonna à l’idée de l’horreur humaine.
Subitement, l’enquête lui semblait perdre de son évidence. Trop simple ce scénario : un mobile, une enquête financière, une victime et un assassin, quoi de plus banal pour la Crim’. Il accéléra jusqu’au bout de la rue, comme pour échapper à cette tourmente naissante.
Son esprit prit pendant quelques instants un chemin d’écolier comme pour survivre et échapper à l’aphasie d’une réalité invisible, terrassé par une douleur imprévisible, une ombre qui vous poursuit.
Sebastián ressentait une grande lassitude, une fatigue inattendue, impuissant face au rouleau compresseur du temps qui ne remonte jamais.
A cet instant-là, Il aurait voulu transformer ce temps et avouer à Valérie ces tendres mots, ceux qu’une douce passion naissante révèle, à notre insu, au plus profond de nous-même. Mais à la place de cette passion il y vit celles qui défigurent la part d’humanité, vitriol de l’être en dépendance, dévoré par un sentiment souterrain qu’on nommerait Démon.
Son esprit vagabondant revint à la réalité policière. Il songea à Max. Qui fréquentait-il ? Quelle était réellement sa relation avec Camille Longchamps ? Et si sa détresse et son trouble, face au cadavre de la victime, étaient en réalité le constat de sa propre monstruosité ?
Le directeur du Museum, lui, semblait plus affecté par son résultat financier et le trou dans la caisse que celui dans la tête de Camille ! La victime, justement, qui avait intérêt à la faire taire ? Sa mort était-elle destinée à apaiser la souffrance extrême d’un bourreau ? L’assassin serait-il né d’une blessure mortelle, de celles qui à tout moment enfantent la torture et ses horreurs chez un être ordinaire, un monsieur tout le monde ?
Une chose l’intriguait : Camille avait délégué l’enquête financière à son ami Max, et pourtant elle s’était rendue seule à la soirée d’inauguration. Pourquoi ?
Sebastián ressentit un profond malaise devant cette piste broussailleuse. Il ne sortirait pas indemne de cette affaire empoisonnée, semée de fleurs et de passions.
Episode 9.
Faux semblants
by Danielle Thiéry
A moitié allongé, les pieds sur son bureau plongé dans la pénombre, Sebastián ruminait. Il avait éteint toutes les lampes à cause du mal de tête qui lui serrait les tempes. Dans le silence des locaux désertés, l’ambiance était propice à la synthèse. Il aurait voulu partager ces instants avec Valérie mais, une fois de plus, elle l’avait lâché une partie de la journée parce qu’un de ses rejetons avait de la fièvre. Il en avait profité pour reprendre tout le dossier depuis le début. Eclairer les zones d’ombre, lever les doutes, étayer les suspicions. Il était maintenant persuadé que la piste des fleurs était de l’enfumage.
Ainsi le symbole du gui. Attachement, vie et amour éternels, je m’attache ou je meurs. Mais aussi parasitisme, nocivité, menace de mort ou cri d’amour, au choix. Rémini y avait ajouté la passiflore, l’expression de la passion. Et à quoi ça les menait tout ça, sinon à Max Lindberg ? Qui aurait mal vécu une passion secrète pour la victime. Non partagée, forcément. Et qui aurait fait exprès de ne pas aller à la soirée au Museum pour qu’on le soupçonne aussitôt d’avoir commis le meurtre. Et qui se serait servi d’une arme à feu de barbouze, à moins qu’il n’ait payé un barbouze pour exécuter celle qui l’avait repoussé. Ça ne tenait pas debout. Max pouvait se venger de Camille bien autrement. Et il avait une bonne excuse pour ne pas aller à la soirée : il n’était pas invité. Et il avait un alibi : il avait passé la soirée avec sa mère et sa fille, dans un restaurant où cinquante témoins l’avaient vu.
Sebastián éclaira son écran d’ordinateur, seul point lumineux supportable, et relut les dernières pièces de procédure. Le résultat des analyses ADN était tombé en fin d’après-midi. Au moins, maintenant, quelques heures suffisaient pour les obtenir. Les traces trouvées sur Camille ne correspondaient à personne de connu au FNAEG. Et elles n’avaient aucun rapport avec les affaires présentant des similitudes avec celle-ci. C’était une piste morte. Mais pas entièrement, car la douille trouvée dans une poubelle (on se demandait bien pourquoi l’avoir jetée là au lieu de l’embarquer purement et simplement) portait, elle, une belle empreinte digitale et un ADN dont le propriétaire avait du souci à se faire quand le juge ordonnerait une comparaison avec tous les invités de la soirée. Pour commencer. Sur qui tomberait-on ? L’actuel directeur ? Ce pleutre sans relief, qui n’avait pas inventé le fil à couper le beurre ? C’était peu probable, il n’était pas assez malin pour avoir des choses à cacher et il n’était pas du style à cultiver des relations avec des barbouzes. L’ancien directeur ? Il pouvait avoir commandité le meurtre, bien sûr. Mais la vengeance comme ressort criminel relevait plus souvent de la littérature que de la réalité. Et dans son cas, l’affaire était pliée, les preuves rapportées et, si longtemps après, Sebastián n’y croyait guère. Max Lindberg ? Inconcevable pour le moment. Quoique la passion et le dépit amoureux puissent parfois faire faire des conneries et même des grosses. D’ailleurs que savait-on de Camille Longchamps, en dehors de sa sulfureuse passion pour l’agitation et la provocation et de sa réputation de fouille-merde ? Célibataire, mystérieuse, vie privée ultra-protégée. Une lueur traversa l’esprit embrumé de migraine de Sebastián. C’était à ça qu’il devait s’atteler maintenant : creuser ses sillons autour de la victime même si cela semblait politiquement incorrect et si l’opinion publique ne pourrait que s’en offusquer. Et fouiner bien au-delà du travail de journaliste de la jeune femme. Qui sait si ce n’était pas l’arbre qui cache la forêt ?
Le signal d’arrivée d’un message le mobilisa tout à coup. C’était envoyé par le photographe officiel de la soirée auquel Sebastián avait adressé une réquisition judiciaire. Objet : photos soirée Museum. Tout à coup bien réveillé, le flic ouvrit impatiemment le fichier. Il fit défiler les photos prises au moment des discours et celles de la foule des invités pendant la réception. Il repéra Camille, inratable avec sa robe rouge et ses cheveux noirs coupés au carré. Elle figurait sur pas mal de clichés, jolie et souriante. Là, elle était de dos, un gros plan sur la robe rouge la faisait paraître plus ronde. Sebastián passa à la suivante puis, saisi d’un doute, revint en arrière. Camille de dos, les épaules un rien trop larges, des anneaux d’oreille qu’elle ne portait pas quand on avait trouvé son corps…Etrangement, il ne la reconnaissait pas. Il agrandit l’image et se rapprocha de l’écran. Dans la foule, une autre tache rouge, à quelques mètres de l’autre, lui sauta aux yeux. De face, Camille fixait l’objectif. Ou plutôt, jugea-t-il en considérant son expression contrariée, elle fixait l’autre femme. L’inconnue dont on ne voyait pas le visage et qui, ce soir-là, au Museum, portait la même robe qu’elle.
Episode 10
by Fleur
Fana de shopping
Cela changeait tout, l’expression de son visage laissait supposer que ce n’était pas seulement le plagiat vestimentaire qui était malvenu. Cette femme savait peut-être quelque chose sur le meurtre de Camille. Il fallait à tout prix qu’il trouve qui elle était ! Mais comment ?!
Il reprit les photos et les scruta méticuleusement en quête d’une autre image de cette femme. La chance ne devait pas être avec lui. Elle n’apparaissait que sur deux autres photos, et aucune n’était exploitable. Tandis qu’elle était encore de dos sur l’une, elle était cachée par une tierce personne sur l’autre. Il ne restait plus qu’à aller interroger le directeur qui saurait peut-être les renseigner sur son identité. Mais s’il continuait comme depuis le début de l’enquête, Sebastián risquait fort de se déplacer pour rien. Sinon il pouvait toujours se rabattre sur les quelque quatre-vingts invités de la soirée. Quelqu’un avait forcément dû lui parler, à commencer par ceux qui lui faisaient face sur les photos. Il allait également falloir les identifier. Retour au point de départ ! Foutu directeur !
Il ferma les yeux un instant pour réfléchir. Le corps inerte de Camille dans la serre lui apparût, puis son visage dans l’objectif ; ses cheveux de jais, ses yeux en amande, sa peau blanche… Il se laissa guider ainsi par ses pensées. Soudain, une image s’imposa à lui. D’abord trouble, elle se précisa et ses contours s’affinèrent en même temps que sa réflexion. La robe ! Pourquoi n’y avait-il pas pensé avant ? Si les deux femmes portaient la même, c’est qu’il devait y avoir une boutique qui la vendait à proximité !
Il saisit son téléphone et appela Valérie pour lui faire part de ses réflexions et des avancées de l’enquête.
« – Allô Sebastián ?
-
Salut ma chère ! J’ai enfin reçu les photos de la soirée. Une mystérieuse femme porte la même robe que Camille et vu comment Camille la dévisage, elle ne devait pas la porter dans son cœur. Mais impossible de trouver une photo exploitable et j’ai peur des réticences du directeur à nous donner la liste des invités. Sans compter qu’il ne devait pas connaître la moitié des personnes présentes. Si je t’envoie les photos de la robe, tu penses que tu saurais trouver de quelle boutique elle vient ?
-
J’ai une amie fana de shopping, je vais me renseigner. Je te tiens au courant.
-
Et de ton côté, Valérie, rien de nouveau ?
-
Enfin, aucun élément nouveau. Par contre, je me suis repenchée sur l’enquête de la fraude du Museum, et devine quoi ? Camille n’était pas la seule à couvrir l’évènement. J’ai appelé Max, il m’a dit qu’elle avait travaillé avec un de leurs collègues. D’ailleurs, il n’a pas l’air de l’apprécier beaucoup ! Ce journaliste pourra sûrement nous en dire plus sur le travail de Camille concernant ces affaires. Peut-être que ça ne mènera à rien, mais cela vaut le coup d’essayer.
-
Je penche plutôt pour un crime passionnel, mais oui, pourquoi pas ? C’est vrai qu’utiliser ce type d’arme n’est pas courant. Autre chose : Max aime faire cavalier seul, mais de là à détester un confrère… Il t’a dit pourquoi il ne pouvait pas l’encadrer ?
-
Je n’ai pas bien saisi la raison. Je crois qu’ils ont une conception très différente de leur métier. Et, si j’ai bien compris, ce journaliste aurait côtoyé les voyous d’un peu trop près, ces derniers temps.
-
OK, je vais aller l’interroger cet après-midi. Je te dirai ce que j’en aurai tiré.
-
Dac, Sebastián. Je t’envoie ses coordonnées ! Au fait, devine quoi ?!
-
Je t’écoute ?
Episode 11 –
By Aurélie
Fantômette
-
Sacré nom de Dieu, mais qui c’est cette bonne femme ?! Ce n’est tout de même pas Fantômette !
Les enquêteurs passaient un sale quart d’heure dans le bureau d’Edouard Fabre, juge d’instruction récemment saisi de l’affaire… Une affaire qui prenait une fâcheuse tournure malgré les nombreuses investigations déjà opérées : pas le moindre indice n’avait permis à Sebastián et Valérie d’avancer… L’expertise ADN n’avait rien donné, pas plus que les photos de la soirée… Pas même cette fichue robe ! L’amie de Valérie était formelle : si la robe était d’une qualité remarquable, elle n’était pas non plus exceptionnelle… C’était seulement le dernier modèle en vogue d’une grande marque… Dès lors, cela ne leur avait rien appris de plus, si ce n’est que Camille était à la mode… Tout comme « Fantômette », donc…
Car ça lui allait plutôt bien comme surnom, Fantômette, à cette invitée mystère… D’ailleurs invitée, elle ne l’était pas : cet abruti de directeur n’était pas d’une grande utilité, mais il avait au moins pu les renseigner en leur fournissant, à contrecœur, la liste des personnes conviées à la soirée. Si Fantômette avait pu se rendre au Museum, on ne savait pas comment elle était entrée puisqu’elle n’était pas listée. Et on avait suffisamment étrillé les agents d’accueil pour s’assurer qu’ils n’étaient en rien responsables de son infiltration. Quant aux invités eux-mêmes, s’ils se rappelaient avoir pu discuter avec Camille, personne ne semblait avoir remarqué une seconde personne avec une robe pourtant si voyante… Un comble ! Rarement Sebastián n’avait autant piétiné sur une enquête… Et les derniers éléments que Valérie lui avait communiqués n’étaient pas pour arranger les choses…
Edouard Fabre reprit :
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On s’est focalisé sur le job de la victime et son entourage professionnel, mais peut-être avons-nous omis un détail, ou alors on fait fausse route depuis le début. La piste de Max Lindberg aurait pu s’avérer fructueuse s’il n’avait un alibi en bêton, et celle de leur confrère non plus, même si elle avait de quoi séduire, puisqu’il se trouvait à l’heure du meurtre en garde à vue… Bien joué l’ami, ça aussi c’est indiscutable, comme alibi ! Quant à ces foutues plantes, force est de constater que là non plus, ça n’a rien donné. Nous reste Fantômette. La victime semblait la connaître, alors on doit bien retrouver sa piste quelque part ! Si les photos comme la robe n’ont rien donné, vous allez me vérifier les vidéos surveillance du quartier jusqu’aux sorties de métro les plus proches, ça nous permettra de couvrir un champ suffisamment large pour voir d’où elle venait, elle n’a pas pu apparaître au Museum par magie ! Ah oui, et la téléphonie ? Vous ne m’avez rien dit sur la téléphonie. Qu’est-ce qu’elle a donné ?
Voilà, le moment était venu pour Sebastián d’annoncer la douloureuse. Il pensait – espérait plutôt – avoir mal compris ce que Valérie lui avait dit au téléphone… Mais non, il avait très bien compris. Avec un air de chien battu qui ne lui était guère coutumier, Sebastián prit son inspiration et lâcha tout de go :
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Eh bien… justement Monsieur le Juge, on a un problème. On a effectivement vérifié les mails, appels et messages dans le téléphone de la victime… On n’a retrouvé qu’un seul texto, daté de lundi, en lien avec la soirée…
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Lerot, vous m’énervez ! Ça partait plutôt bien comme avancée, alors où est le problème ? N’avez-vous pas pu identifier l’expéditeur ?
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Si, si. Seulement la ligne appartient à Carole Longchamps. C’est… c’était la sœur jumelle de Camille. Elle est morte il y a trois ans…
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Putain de merde ! lâcha sans réfléchir Edouard Fabre, comme si une n’était déjà pas suffisante, nous voilà face à deux Fantômettes, désormais !