Exquis Cadavre Exquis, la seconde récap !
Arrêt sur image, venez découvrir l’état de notre exquis cadavre exquis…
Déjà 28 épisodes…
et bientôt ce sera à vous de tenir le scalpel !
Bonne dégustation…
L’exquis cadavre Exquis de Collectif Polar
Pour ceux qui n’auraient pas suivi
Les 16 premiers chapitres sont Ici
Pour les autres voici les épisodes 17 à 28
Episode 17 by Noëlle
Dans le passé de Camille
Sebastián se retrouve avec plus de grain à moudre qu’il n’en voudrait. Car de son côté il n’a pas chômé. Il a commencé à creuser le passé de Camille. Elle a été élevée avec sa sœur par leur mère. Pas de trace du père biologique. Les filles ont 15 ans lorsqu’un beau-père entre dans leur vie. Bruno Lalande, d’origine bordelaise, issu de la noblesse du bouchon. Cadre commercial supérieur dans une société de négoce de thés et café bios, il est licencié lors de son rachat par un groupe étranger. Les filles ont alors 22 ans et ont quitté le nid pour terminer leurs études. Aigri, Lalande devient violent. La relation de couple est conflictuelle et le beau-père disparaît du paysage au bout d’un an. Deux ans plus tard, Carole, la jumelle de Camille, trouve la mort dans un accident de voiture. Ses restes carbonisés sont retrouvés près de Strasbourg.
La mère, déjà ébranlée par sa séparation explosive, ne se remet pas du choc. Depuis le décès de son enfant, Laure Longchamps a été internée à plusieurs reprises au service psychiatrique de Lariboisière. La perte de sa dernière fille l’a plongée dans un tel état qu’elle est à nouveau internée après une tentative de suicide.
Il va falloir creuser les infos de Valérie, enquêter dans le milieu de l’industrie agroalimentaire, s’intéresser aux connections avec l’Allemagne. Leurs effectifs sont insuffisants pour obtenir des réponses rapides. A ce rythme, Fantômette peut continuer de flinguer à tout va.
Revoici son téléphone qui carillonne. C’est, cette fois, le fixe du bureau qui s’en donne à cœur joie. Une telle insistance, ça sent les emmerdes. Le juge Fabre vient aux nouvelles.
– Lerot, vous en êtes où dans cette enquête ? Il y a désormais deux morts, un assassin dans la nature et toujours pas de mobile connu. Des résultats sont attendus. On m’en demande et je vous en demande. Alors ?
– Monsieur le Juge, nous suivons plusieurs pistes. Il y a des points de convergence même s’il est prématuré de…
Fabre le coupe sèchement. Son verni de bonne éducation vole en éclat sous la pression exercée en hauts lieux.
– Vous vous démerdez pour trouver des éléments tangibles, et fissa. C’est votre boulot. Ras le bol de cette enquête au point mort. J’ai toujours détesté Fantômette et nous avons passé l’âge des enfantillages, bordel !
Fin de la conversation. Sebastián est aussi dépité que le juge. Certes, il aime son boulot, même s’il est de ceux qui font vieillir prématurément. A trop côtoyer la mort, il sait qu’elle n’attendra plus longtemps son dû. La fatigue qu’il ressent entraîne l’inattention, fatale pour un policier. Il se lève et secoue ses idées noires. Dormir, juste quatre heures. Il en a besoin. Il éteint la lumière et d’un pas lourd quitte son bureau, sans un regard pour ses dossiers. Vu l’heure, il est déjà demain.
Episode 18, by Lolo la brodeuse
Frida Gold
Assise en tailleur au pied du canapé, elle écoutait en boucle « 6 billionen », le succès de Frida Gold, en examinant, avec nostalgie, les photos récupérées chez Camille Longchamps, sur lesquelles elles posaient toutes les deux.
Pourtant, dès leur première rencontre, elle en connaissait déjà la fin : la mort de Camille.
Ce qu’elle n’avait pas prévu, l’attirance mutuelle qui, petit à petit, s’est immiscée dans leur vie, et placée en travers de leur chemin.
Camille, cette journaliste passionnée par son métier, mais fragilisée par la prise d’anxiolytiques et en mal d’amour, l’avait touchée ; elle, pourtant si forte, réputée insensible et déterminée à ne jamais s’éloigner du but fixé par son commanditaire : abattre Camille Longchamps.
Sa robe rouge, la perruque noire et les escarpins étaient négligemment posés sur le bras d’un fauteuil. Il était temps de passer en revue toutes les pages contenues dans l’enveloppe qu’elle avait enfin pu récupérer des mains de celui qu’elle avait été obligée de tuer, d’une balle dans la tête, pour obtenir le précieux sésame. Tout en examinant, avec attention, ce qui ressemblait à des numéros de comptes bancaires, notés sur trois feuillets, ainsi que l’alignement de chiffres qui n’avaient pour elle aucune signification, elle prenait conscience d’avoir, peut-être, été trop curieuse.
Remettant tout en place dans l’enveloppe, elle s’empressa de contacter Bruno Lalande, son commanditaire.
– Allô, Mr Lalande ?
– Bonjour, avez-vous pu récupérer l’enveloppe ?
– Oui, mission accomplie, mais ce fut plus compliqué que prévu.
– Que voulez-vous que ça me fasse ? Je vous paie en conséquence, non ?
– Exact, mais abattre une seconde personne, pour atteindre mon but, n’était pas prévu dans le tarif !
– C’est votre boulot ! Je vous ai laissé toute liberté et cette mission était largement payée pour combler les petits imprévus, comme vous dites !
– Justement, parlons imprévus ! Camille était bien plus proche de moi que vous n’auriez pu le penser. Je la connaissais bien, suffisamment pour l’avoir mise dans mon lit avant de passer à l’épisode final. Ces moments d’intimité furent aussi propices aux confidences ! Camille ne supportait plus le harcèlement téléphonique venant d’un numéro ouvert au nom de Carole Longchamps, sa sœur jumelle décédée. Aucun doute sur ce décès puisque les analyses ADN sont formelles. Elle savait que c’était vous qui étiez derrière ces intimidations, et que vous aviez commandité le meurtre de la journaliste allemande qui avait découvert vos magouilles financières avec votre demi-frère, Pierre Blanchard. Tout va bien, Mr Lalande ? Une petite rallonge au paiement effectué s’impose, non ? Rendez-vous au lieu habituel, demain 21h.
Episode 19 by Mystère
Tous à table
Avec tout l’art du chantage qu’elle possédait, Fantômette régalait son compte en banque sur le dos de son commanditaire piégé. Pendant ce temps, nos deux inspecteurs, Sebastián et Valérie, se rendaient à l’évidence qu’il fallait changer d’auberge et sortir de leur pré carré d’investigation. Ils devaient se mettre à la table strasbourgeoise s’ils ne voulaient pas mourir de faim, faute d’indice !!! Il y avait urgence, pas une minute à perdre ! Mais pourtant ils prirent tout leur temps et commencèrent par se poser devant un café fumant. Un grand calme les envahissait, comme avant la tempête, contrastant avec la discussion avec le juge. Comme une grande respiration avant une longue et profonde plongée, ils écoutaient leur silence partagé comme pour mieux sentir la détermination de l’autre. Ils prirent le dossier de leurs confrères allemands. Ils en étaient convaincus, cette affaire similaire devait être la clef du mystère de cette Fantômette. Elle devait, à coup sûr, leur permettre de remonter à la source du mobile. Qui trouvait son intérêt dans cette mise en scène meurtrière ? Ils décidèrent de passer à table en commençant par soulever le couvercle du mystère allemand. Religieusement, ils ouvrirent le dossier, assoiffés de nouvelles pistes à renifler. La truffe plongée dans la cellulose germanique, ils retenaient leur souffle, les yeux écarquillés, la lèvre tombante. La journaliste allemande avait bien été tuée de la même manière mais dans ce dossier, les comptes de l’entreprise agro-alimentaire allemande révélaient un scandale bien plus explosif qu’une simple affaire de fraude fiscale et financière. Une ligne comptable indiquait un produit inhabituel, voire illicite, dans l’agro-alimentaire.
Soudain Valérie rompit le silence en s’exclamant :
– Là, on le tient ce mobile, je le sens ! Oui, il faut flairer dans cette direction-là ! Camille devait certainement connaitre le tueur ou le commanditaire du crime de la journaliste allemande. Nous devrions rendre visite à Max. Il en sait peut-être davantage sur cette affaire. A cette époque, il était régulièrement en contact avec un ami journaliste.
Pendant ce temps, intrigué par la mystérieuse enveloppe qui lui était passée sous le nez, Max décidait d’appeler Friedrich Sonnen.
Episode 20, By Nicolas Duplessier
Le début des emmerdes
Ciel d’un noir d’encre. Air saturé d’humidité. Un orage pas loin.
Sebastián et Valérie s’engouffrèrent dans le parking souterrain. Des dizaines de bagnoles. Garées pare-chocs contre pare-chocs. Une Audi A8 s’arrêta, moteur au ralenti, juste derrière leur voiture banalisée. Derrière le volant, un mec tiré à quatre épingles dans un costard noir, et à la gueule de Jason Statham dans Le Transporteur.
– Mais c’est ce bon vieux Sebastián Lerot !
Ironie dans la voix. Sebastián sentit sa nuque se hérisser.
– Qu’est-ce que tu fous ici ?
– Moi aussi, ça me fait plaisir de te voir, Sebastián.
– Qu’est-ce que tu veux ?
– Pourquoi cette question ? Je suis ici pour déguster la meilleure chouchoute de la région.
– Ne joue pas au plus malin. Pas avec moi.
L’homme hocha la tête. Sourire satisfait.
– Mes petits oiseaux m’ont dit que tu bossais sur la mort de Camille Longchamps.
– Tes petits oiseaux ? Qu’est-ce que tu racontes ?
Nouveau sourire. L’homme alluma une cigarette.
– C’est interdit de fumer ici.
– L’homme souffla des ronds de fumée parfaits, répliqua :
– Tu vas me coller un PV ?
Sebastián serra les poings mais ne broncha pas. Réaction prévisible.
– C’est bien ce que je pensais, Seb.
Grosse bouffée. L’homme souffla sa fumée au visage de l’inspecteur.
Sebastián se tourna vers Valérie puis retour vers l’homme :
– Qu’est-ce que vous avez tous à m’appeler Seb. Vous vous êtes passé le mot ou quoi ?
L’homme se mit à rire. Il se régalait.
– Toujours aussi soupe au lait, le père Lerot.
Valérie se mit à rire. De bon cœur.
Regard noir de Sebastián. Valérie s’empourpra. Sebastián tapota sa montre.
– Allez viens, on se tire.
– L’homme lui prit le bras. Sebastián tressaillit.
– T’excite pas, ok ? J’ai reçu un mail de Mademoiselle Longchamps.
– Un mail ?
L’homme fit craquer ses phalanges.
– Camille se sentait menacée. Elle a programmé l’envoi automatique d’un mail que j’ai reçu ce matin. Si elle n’avait pas été tuée, elle aurait annulé cet envoi.
L’inspecteur retint son souffle un instant.
– Il dit quoi ce mail ?
– Je ne suis pas ici pour te parler de son contenu mais pour te dire que j’enquête de mon côté.
Valérie s’en mêla :
– Obstruction à l’enquête, ça vous parle ?
L’homme jeta sa cigarette, démarra et renchérit :
– Et le secret professionnel entre un détective privé et sa cliente, ça vous parle ?
– Ta cliente ?
– Camille Longchamps m’a engagé il y a, maintenant, plusieurs mois.
– Engagé ? Putain, engagé pour quoi ?
Un haussement d’épaules.
– A toi de trouver, Lerot. C’est toi la bleusaille. Pas moi.
Le vrombissement du V8 couvrit les questions de Sebastián.
Valérie secoua la tête, interrogea son collègue :
– Il s’est passé quoi là, Sebastián ?
– Xavier Costes…
Une pause puis :
– … Le début des emmerdes.
Chapitre 21 by Yannick Provost
Un monde de bousiers
Friedrich Sonnen répondit à la seconde sonnerie.
-Salut, Max au téléphone. Comment ça va au Spiegel ? Toujours prêt à sortir des papiers sur les frasques d’Angela ?
-Ah mon ami, ça fait un bail qu’on laisse ça au Bild. Je suppose que tu ne m’appelles pas pour prendre des nouvelles de mon emphysème ?
-J’aimerais bien, mais t’imagines bien que non !
-Vas-y, je t’écoute, mais fais vite car je dois passer un article à la censure de mon Oberleutnant !
-Klatschmohn Aktion, ça te dit quelque chose ?
-Pourquoi, ça devrait ?
-Friedrich, on a passé l’âge de jouer à ça tous les deux. Camille, tu te souviens de la petite que je t’avais envoyé en stage ? Ben elle est morte. Et mon petit doigt me susurre que ça pourrait être lié.
-Le silence se fit sur la ligne. Max tripota son stylo d’une main alors qu’il tenait son smartphone de l’autre.
-Attends, je ferme la porte de mon bureau et je reviens, répondit Friedrich.
Max était partagé entre sa volonté de voir surgir la vérité, son sacerdoce, et la nécessité de venger la mort de Camille. Sa délicieuse Camille, une gamine qui promettait dans le métier. Et puis il y avait cette femme au pistolet et cette enveloppe qui changeait de mains. Le bruit d’une main qui saisissait le téléphone le sortit de sa torpeur.
-Ok, on est tranquille. Enfin je crois. On va faire vite. Pour te parler des coquelicots, faut déjà que je te dresse le décorum.
-Je suis tout ouïe.
-Comme tu le sais, L’Europe, le FMI et tout le reste des lobbies tablent sur un doublement de la production agricole d’ici 2050. Alors t’imagines bien que des boîtes comme Bayer, Monsanto ou BASF vont tout faire pour s’extraire des prix imposés et viser des hauts rendements. A ça tu ajoutes les changements climatiques et tu peux être sûr que les risques chimiques ou microbiologiques vont passer, comment dites-vous, dans le puits.
-Non, à la trappe.
-Exact ! Quoi qu’il en soit, le temps du chlordécone et du glyphosate est révolu. Les multinationales s’en fichent. On ne parle plus de contaminations de l’environnement mais bien d’action des polymères cancérigènes.
-Et les coquelicots ?
-Klatschmohn Aktion, c’est un nom de code. Le projet Daphne, tu vois ce que c’est ?
-Hé, ne m’insulte pas ! Je suis toujours dans le métier.
-Eh bien Klatschmohn aktion, c’est la même chose. Une enquête journalistique avec du joli monde, des scientifiques, des économistes et des journalistes. Tous travaillent sur la mise en évidence des modifications de l’ADN chez l’homme dues à de nouvelles substances qui ont été utilisées sans autorisation officielle.
-On parle donc de millions de dollars.
-Non, de milliards. L’affaire de Woodward et Bernstein, c’est du pipi de chien, à côté.
-De chat, Friedrich, de chat. Et qui est derrière cela ?
-On cherche, Max. A minima une ou deux très grosses multinationales.
-Pourquoi Coquelicot ?
Parce qu’il n’y en a plus dans nos champs. Tu penses vraiment que c’est par hasard ?
-Pas davantage que de retrouver une journaliste morte alors qu’elle mettait son nez là où certains ne voulaient pas.
-Klatschmohn regroupe pas loin de 80 personnes, tant les ramifications sont nombreuses. Camille s’occupait de la partie française de l’enquête. Tu devrais parler à un certain Costes. Je l’avais mis en contact avec lui.
-C’est qui ?
-Un fouille-caca diablement doué, dans son milieu.
-Un fouille-merde, Friedrich !
-Ja ! Toujours est-il qu’il a de nombreux contacts dans le monde des lobbistes qui touche à l’agrochimie.
Après avoir fini sa conversation avec les salutations d’usage et les promesses de proches retrouvailles, Max fit crisser son stylo sur le papier jusqu’à le briser.
Risquer sa vie pour des coquelicots… Devait-il s’en ouvrir à Sebastián ? C’était encore trop tôt pour en juger. Mais en mémoire de Camille, il était prêt à descendre dans les tréfonds de la haute finance et du commerce mondial. Après tout, remuer la merde et en sortir une pépite, c’était son métier.
Episode 22 by Pascal Bataille
Un frontignan
La petite camionnette de livraison était rentrée très lentement dans la cour gravillonnée de l’ancienne ferme isolée. Le chauffeur avait été prévenu d’arriver tout juste après la tombée de la nuit et le plus discrètement possible, afin d’éviter d’attirer l’attention du voisinage. Faute d’autres distractions, l’occupation principale des habitants de la région était d’épier leurs voisins et toutes leurs allées et venues. Mieux valait être prudent.
Le chauffeur arrêta son moteur et se dirigea vers l’arrière de la camionnette dont il ouvrit, grand, les deux portes. A l’intérieur, se trouvaient trois palettes d’environ un mètre cube chacune, chaque palette constituée de dizaines de petits cartons de la taille d’une boîte à chaussures. Ces palettes étaient très lourdes, dans les 400 kg chacune. Sur le film plastique qui les enveloppait, on pouvait lire Imprimerie Lacroix.
Rapidement, deux hommes étaient sortis par une petite porte de la ferme. Après avoir salué le livreur, ils avaient commencé à faire avec lui une chaîne pour rentrer les cartons, un à un, à l’intérieur d’une vaste pièce occupée par différentes machines et un important système de convoyeurs. Il y avait 4 sortes de cartons. Sur leur côté était imprimé : « Lot SJ », « lot B », « lot P » et « lot M ». Le plus âgé des deux hommes, qui devait être le chef, ouvrit un carton de chacun des lots. Il vérifia méticuleusement la qualité du papier, celle de l’impression et de la coupe. Tout était juste parfait et en tout point conforme à la qualité que l’on attendait. L’imprimeur avait fait, cette fois-ci encore, du très bon travail.
Il sortit son portable de la poche de son bleu de travail et composa le numéro qu’il avait enregistré sous le nom de « big boss ».
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« Allô, Monsieur Lalande ? Nous venons juste de recevoir toutes les étiquettes ; celles du Bordeaux, du Pomerol, du Margaux et du Saint-Julien. Elles sont conformes.