Trophée Anonym’us : Nouvelle N°2 – Plus fort que Superman

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dimanche 7 octobre 2018Img plus fort que superman

Nouvelle N°2 – Plus fort que Superman

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Plus fort que Superman

Milwaukee. 1991
Le petit garçon traverse la rue. Il manque plusieurs fois de se faire renverser par quelques conducteurs qui l’injurient et le klaxonnent.
– Hey sale gamin, qu’est-ce que tu fous ! Retourne chez ta mère !
Le garçon est sonné par ce mot qui s’évanouit alors que la voiture file. Il la regarde s’éloigner.
« Retourne chez ta mère », se répète-t-il. «Retourne chez ta mère». Les yeux de l’enfant restent dans le vague. « Ta mère ? » Ce mot, il ne l’a jamais entendu ni utilisé.
Il court entre les voitures et se dirige directement vers l’adresse que son père lui a indiquée. Il n’a pas besoin de la chercher. Il sait que c’est là, juste en face de lui.
Il monte les escaliers. Il y a des inscriptions et des dessins sur les murs de ciment. Une forte odeur de vieille urine le saisit. Sur le premier palier, un couple de junkies s’envoie sa énième dose dans les veines. Au fur et à mesure que le poison se fraye son chemin habituel dans les vaisseaux, les visages se détendent et un soupir de bien-être artificiel et insidieux résonne dans le petit immeuble. L’enfant les observe avec curiosité mais continue de grimper les marches. Ses petits doigts s’entortillent dans le tissu molletonné de son anorak. Arrivé à l’étage, il emprunte le couloir.
La porte. Elle est ouverte. En la poussant, cette odeur… Elle vient immédiatement envahir les narines de l’enfant. Il ne peut s’empêcher un mouvement de recul et masque son nez avec le creux de son coude.
« Beurk ! C’est vraiment immonde ! »
Il continue malgré tout à cheminer dans l’appartement. Tout est en désordre et il fait sombre. Le jeune garçon arrive à peine à le discerner dans le coin de la pièce. L’homme.
Il est nu, assis, les jambes repliées contre lui. Il se balance d’avant en arrière. Il fait chaud et de grosses gouttes de sueur dégoulinent le long de son visage. Il parle, mais le garçon ne comprend pas bien ce qu’il dit alors il se rapproche. L’homme chantonne.
– C’est le moment, c’est le moment !
Puis le garçon tend l’oreille dans une autre direction. Des cris étouffés lui parviennent d’une autre pièce. Il longe le couloir orné d’un papier peint à fleurs orange et marron. « Beurk ! »
Les cris proviennent de cette chambre à droite.
Un homme, un peu plus jeune que l’autre, complètement dévêtu lui aussi. Il est ligoté. Une corde est savamment enserrée tout autour de lui comme pour en faire un saucisson.
Sa tête est maintenue en arrière. Une partie de la corde passe au niveau de son cou, pour être ensuite reliée à ses bras et ses jambes attachés dans le dos. Il est couché sur le côté quand l’autre homme surgit violemment dans la chambre, sa main prolongée d’un couteau.
Le petit garçon est toujours là et il observe. Personne n’a l’air de se rendre compte de sa présence. Pas même le prisonnier bâillonné devant lui. Il essaie de crier, de se contorsionner pour échapper à l’enfer. Le tortionnaire, les yeux emplis de cette étrange lueur, ne cesse de lui dire :
– Je vais t’ouvrir, t’arracher le cœur et le dévorer ! Je vais t’ouvrir, t’arracher le cœur et le dévorer !
Il est tellement calme en disant ces paroles. Il répète « le dévorer, dévorer,… ! » L’autre est terrorisé. Son urine chaude glisse de son entrejambe et finit par mouiller le lit.
L’enfant regarde le bourreau, puis la victime et vice-versa. « Mais comment va-t-il faire pour lui arracher le cœur,… dans cette position ? »
Effectivement, et comme s’il l’avait entendu, l’homme au couteau se rapproche et coupe les liens. Les larmes de la victime se figent sur ses joues alors qu’il pense avoir un infime espoir de s’en sortir. Le monstre a-t-il changé d’avis ?
Dans un mouvement rapide et sûr, l’homme au couteau le retourne et se couche sur lui, mettant tout son poids, le temps d’attacher ses poignets aux barreaux du lit grinçant. La victime ne parvient pas à se dégager de l’étreinte fatale de son agresseur. Quand il l’a abordé dans ce bar, il pensait passer un bon moment, mais pas finir dans les griffes acérées d’un démon au masque pourtant si humain.
Il n’a plus de force, tellement il s’est tortillé pendant une heure comme un asticot accroché à un hameçon. Il est complètement à sa merci maintenant.
Le petit garçon observe toujours. Il penche sa tête sur le côté. Il a l’air de découvrir, d’apprendre quelque chose. Il semble qu’il… étudie.
Et puis il sort lui aussi un couteau de sa poche. Sa petite main d’enfant serre fort le manche de métal, et alors que le bourreau s’apprête à frapper, l’enfant frappe lui aussi au même moment. Il transperce le thorax de l’homme mangeur de cœurs. C’est comme si c’était du beurre, pense-t-il. Lui qui croyait trouver de la résistance à cause des côtes !
Le petit garçon est fatigué maintenant. À chaque fois c’est pareil. Il se frotte les yeux. Il se met à bâiller très fort, s’assoit au milieu de la pièce, les jambes en tailleur. Il baisse la tête et s’enfonce dans un sommeil sans rêves.
Xxx
Il était une fois,…. moi.
Moi le « parfait ». Celui qui donnera naissance à un jour nouveau. Une révolution. Depuis que je suis né, mon père me le répète tout le temps. Encore et encore. Alors c’est que ça doit être vrai.
Tous ces sentiments qu’il me donne. Tout ce que j’apprends grâce à lui. Je suis grand, j’ai sept ans, et j’ai l’impression d’avoir déjà vécu au moins cent vies. Pourquoi ?
Et ben je vais te dire un secret, mais ne le répète à personne, compris ?
Mon papa est magicien. Comment je le sais ? Parce qu’il me fait voyager dans le temps. Tu ne me crois pas ? Tu devrais pourtant.
Y a pas longtemps, j’étais en Angleterre. Il faisait nuit et froid. Les rues glissaient à cause de la glace par terre. Je me faisais bousculer par les gens qui ne regardaient pas où ils allaient.
Les femmes portaient de longues robes brillantes et les hommes, eux, des chapeaux noirs très hauts et des capes tellement grandes que j’aurais pu me cacher tout entier à l’intérieur. Ça sentait pas bon à cette époque-là. J’étais obligé de me boucher le nez tout le temps. Et des fois, les rues étaient si sombres que je marchais dans le crottin de cheval. C’était dégoûtant !
Il y avait aussi des femmes très sales sur elles et elles faisaient des choses avec des hommes vieux des fois. Aussi crasseux qu’elles. J’essayais de regarder, mais là, mon père me dirigeait très vite dans une autre rue.
Je me sentais un peu perdu, mais j’étais un peu curieux, alors j’essayais ne pas avoir peur.
Mon papa me répétait sans cesse que « je ne devais pas négliger cette chance qui était la mienne d’apprendre sur le terrain ». Je pouvais voir l’Histoire par mes propres yeux et en apprendre bien plus que tous les autres enfants.
Je me rappelle ce jour-là. Je suis passé devant une fenêtre éclairée. J’étais attiré par la lumière qui transperçait la vitre. Je savais pas pourquoi, mais je devais absolument regarder à travers. Je n’étais pas assez grand pour voir à l’intérieur, alors je suis monté sur un vieux cageot que j’ai trouvé contre le mur. Il était à moitié cassé. Du coup je devais faire attention de ne pas tomber.
La vitre était toute sale et je voyais rien. Je suis descendu de la caisse et j’ai décidé de faire le tour. Une porte en bois. Je l’ai poussée et tout de suite j’ai reçu du liquide en pleine figure. Je me suis essuyé les joues. Mes mains étaient pleines d’une substance rouge et visqueuse. Intrigué, je me suis rapproché de là où venaient les projections, et je me suis trouvé devant une scène hallucinante.
Un homme, enfin il portait des vêtements d’hommes, se tenait au-dessus d’une femme qui ne bougeait plus. Je croyais que c’était comme le couple que j’avais surpris juste avant, dans l’autre rue. Mais non. Je me suis déplacé un peu car l’homme m’empêchait de voir.
J’ai déjà vu ça dans d’autres époques que mon père m’a montré. Mais pas de la même manière. Ici, l’homme sortait tout ce qu’il y avait dans le ventre de la femme. Pour quoi faire, je ne suis pas sûr de l’avoir compris encore, mais ce que je sais, c’est que j’avais vraiment envie de voir ce qu’il faisait. Mes yeux ne pouvaient pas se détacher de ce liquide rouge foncé, presque noir qui s’étalait sur le sol. Ça brillait comme le miroir de la méchante reine de Blanche Neige.
Et pourquoi est-ce qu’il enlevait tout ce qu’il y avait dans le corps de cette dame?
J’ai regardé mon ventre et posé mes mains dessus. Est-ce que j’ai tout ça moi aussi à l’intérieur de moi ? Mon papa ne m’en a jamais parlé.
J’ai tendu le cou et me suis approché encore un peu de l’homme. Il ne me voyait pas. J’étais si près que je commençais à entendre ses pensées. Elles étaient tellement claires et vives. Il était entièrement à ce qu’il faisait et rien ne pouvait le distraire. J’avais beau respirer juste à côté de lui, il ne me captait ou ne me sentait même pas. Comment c’était possible un truc pareil ? Parce que mon papa est magicien, je te l’ai déjà dit !
L’homme était méthodique et son geste sûr. Il découpait, il arrachait. Des bruits de succion résonnaient dans la pièce. Ses mains étaient aussi rouges qu’une pomme d’amour à la fête foraine. J’aimerais bien en goûter une un jour.
J’écoutais encore dans la tête de l’homme. C’était très silencieux dans son crâne. Il n’avait pas peur, ça nan ! Pourtant quelqu’un aurait pu le surprendre. Il ne ressentait aucune pitié, aucun sentiment gentil. En même temps, s’il en avait, il ne ferait pas ça, pas vrai ?
J’ai fermé les yeux pour mieux écouter. J’ai même arrêté de respirer et… j’ai entendu un rire lointain, puis de plus en plus près. Le rire se déployait, fort et puissant. Je n’avais jamais entendu un rire pareil. Ça c’est sûr !
Et ce que j’ai perçu dans ses pensées à ce moment-là, c’est… de la joie.
La femme était couchée sur un lit rouge de ce liquide qui s’écoulait de son ventre ouvert en grand. Sa bouche poussait comme un cri mais ne disait rien. Ses yeux me regardaient mais ne voyaient rien non plus tellement ils étaient vides.
L’homme a pris les boyaux de la femme dans ses mains. Je pouvais ressentir qu’ils étaient encore chauds. Ça faisait des bruits bizarres et ça glissait entre ses doigts. Il les a posés au-dessus de l’épaule gauche de la dame morte. Oui elle était morte je crois. Pourquoi faisait-il ça ? Je continuais de l’écouter. C’est comme si ce qu’il était en train de faire, là tout de suite, se trouvait dans une bulle distincte de ses autres pensées. Quelque chose à part.
J’ai baissé les yeux et dans ma main, il y avait un couteau. La lame était aussi longue que celle utilisée par cet homme qui ne me voyait toujours pas.
Comment ça se fait qu’il ne me voyait toujours pas ? Pourtant j’étais juste à côté ! Et ce couteau dans ma main, qu’est-ce que je devais en faire ? Mon papa, comme magicien, il est trop fort ! L’homme continuait de déchirer, de sectionner, d’éclabousser toute la pièce. Mes yeux passaient de la lame qui brillait, à cette femme morte, puis à l’homme avec ses gants plein de rouge.
Je m’interrogeais sur tout ça mais je n’avais pas peur. J’ai resserré mes doigts sur le manche du
couteau. De plus en plus fort. Mes articulations devenaient toutes blanches. Et d’un coup, J’ai su ce que je devais faire.
L’homme me tournait toujours le dos. Mais quelque chose, un bruit, l’a fait pivoter vers moi. Il ne comprenait rien du tout quand j’ai planté la lame bien profond dans son cou. Elle était tellement longue qu’elle est ressortie de l’autre côté. C’était un peu dur. Je n’ai que sept ans, mais l’homme n’a pas résisté.
Le liquide rouge est sorti tout de suite d’une grosse veine. Ça giclait drôlement fort ! J’en avais partout sur moi. Et j’ai recommencé. L’homme ne s’attendait pas à ça. Il ne savait même pas que j’étais là. Mon père est magicien, je te l’ai déjà dit !
Et c’est là que ça s’est produit. Je les sentais. Ses pensées bizarres séparées des autres, sont entrées dans mon esprit et ont claqué comme une bulle de savon pour s’installer dans le mien.
Et là j’ai tout compris. J’ai tout ressenti. Je me rendais compte qu’il se croyait comme le plus fort de tous les hommes de la terre. Il pensait que rien ni personne ne pouvait l’arrêter. Plus fort que tous les super héros.
Voilà, j’avais fini.
Et j’étais fatigué maintenant. Le couteau dans ma main avait disparu. Je me suis assis contre le mur tout fissuré de la petite chambre pleine de rouge. De gros insectes tout noirs grouillaient sur le sol. J’ai essayé d’en attraper un mais il a réussi à se faufiler.
Le brouillard est arrivé dans ma tête comme toutes les fois. Mes paupières sont devenues lourdes. Je me suis frotté les yeux à cause du sable, et j’ai bâillé. Je crois que je me suis endormi.
xxx
– Qu’est-ce qu’on fait Papa aujourd’hui ?
– Rien. Tu dois te reposer. Chaque voyage te fatigue. Tu dois reprendre des forces !
– Mais je ne suis pas fatigué ! J’ai bien écouté et j’ai été très sage, alors s’te plaît, viens jouer avec moi cette fois !
– Écoute, j’ai beaucoup de travail. Je te promets que je jouerai avec toi dès que j’aurai
terminé !
Je me rapproche de mon père. J’aimerais pouvoir le toucher mais je n’y arrive pas. Il y a toujours quelque chose qui m’en empêche. J’aimerais pouvoir le serrer dans mes bras. La seule personne qui compte pour moi, me tient toujours à distance. Je le regarde s’éloigner sans pouvoir rien faire.
À chaque fois, qu’il m’emmène en voyage, j’espère qu’il sera fier de moi et qu’il me le montrera. Mais il ne montre rien. Jamais. Il n’est pas méchant mais son indifférence me fait des choses bizarres et laisse comme un trou en moi.
Il quitte la pièce et me laisse seul.
À force, ces nouvelles pensées m’envahissent. Elles ne se contentent plus de rester dans cette bulle que j’ai sentie chez cet homme. Non, dans ma tête, elles se déploient et prennent toute la place qui reste. Ca tourne très vite. C’est tellement puissant.
Les autres fois n’étaient pas aussi intenses. On a commencé « doucement » comme disait mon Papa à l’époque. Il m’expliquait que ce que j’allais voir était très important pour ma « construction psychologique ». Je savais pas trop ce que ça voulait dire.
Alors il me conduisait déjà dans d’autres époques, dans d’autres royaumes, comme celui de cet ogre horrible qui tuait ses femmes.
Je ne devais pas me concentrer sur elles, mais sur lui. Chaque fois que je tentais d’écouter les pensées de ces femmes, la gorge ouverte par leur mari, mon père m’obligeait à revenir sur celles de cet énorme monsieur avec sa grande barbe. Avec les reflets de la lune, on aurait dit qu’elle était bleue.
Et ce que je trouvais dans son esprit était comme une brume si épaisse qu’elle ne laissait pas passer les rayons du soleil, si seulement il y en avait à l’intérieur de cet homme, mais je n’en étais pas très sûr. Une impression de toute-puissance entrait en moi et se répandait lentement dans chaque recoin de ma personnalité. Cette brume tapissait l’intérieur de ma tête, de mon ventre, de ma poitrine, de mes bras, de mes jambes, comme un papier peint.
Chaque fois que mon papa me ramenait, j’espérais qu’il me raconterait une belle histoire pour m’endormir, mais il me laissait toujours dans le noir, et je revoyais toutes ces personnes qui faisaient couler ce liquide rouge sur des femmes ou des enfants, enfin sur plein de gens. J’entendais leurs rires. Des rires comme le diable pourrait le faire. Même si j’essayais de percevoir la lumière, seul le noir me parvenait.
– Écoute-moi fils ! J’ai de grands, de fabuleux projets pour toi ! Mais tu dois me laisser faire ! Tu dois me faire confiance !
– Je te fais confiance Papa, mais des fois, j’aimerais qu’ils s’arrêtent de parler dans ma tête ! Ils font trop de bruit et je suis obligé de me boucher les oreilles !
Nous y voilà. Une nouvelle étape de franchie. Encore un petit effort.
xxx
Mike marche dans le long corridor, l’esprit toujours occupé par son fils. Car il est bien son fils. Le petit n’avait pas encore conscience de son potentiel. Il devait le lui faire comprendre mais pas trop vite non plus. Cette phase-là est la plus méticuleuse. La plus cruciale.
Son dossier sous le bras, il actionne la poignée de sa main libre, et entre dans la salle de réunion. Elle est vide, à l’exception d’un homme en costume strict, et au regard incisif. Il est assis tout au bout de l’énorme table ovale. Il invite Mike à prendre place sur la chaise à côté de lui.
Celui-ci doit lui montrer des résultats probants aujourd’hui. Et il en a.
– Monsieur.
– Entrez Mike ! Je vous attendais. Asseyez-vous. Alors qu’est-ce que ça donne ?
L’homme en costume mime une apparente décontraction mais il n’en est rien. Mike le connaît bien et il se demande bien à quel moment il va montrer son vrai visage.
– Le projet avance bien et je serai bientôt prêt.
– Je l’espère ! Nos investisseurs commencent à perdre patience, et demandent quand nous pourrons leur livrer. Êtes-vous sûr de parvenir à le contrôler ?
– Sans problème. Laissez-moi encore un peu de temps et il sera parfait. À l’âge qu’il a, il reste encore facile à diriger, mais je dois vérifier tous les paramètres encore une fois. Il ne se rend compte de rien sauf lorsqu’il est en présence des sujets. Il ne comprend pas pourquoi ils ne le voient pas. Le reste du temps, tout lui paraît normal.
– Ne venez pas me polluer avec vos détails qui ne m’intéressent pas. Du temps, nous n’en avons presque plus, alors bougez-vous le cul ! (Voilà le vrai visage !)
Mike se lève comme une furie et se met à tourner en rond dans la pièce. Il n’avait jamais été question de le vendre à qui que ce soit ! Mais il n’avait plus le choix.
– Bon Dieu, vous croyez que j’ai une baguette magique ? Je passe tout mon temps sur ce projet. J’ai conscience de son importance, croyez-moi, et je suis le premier à vouloir que ça
fonctionne ! Seulement, l’aspect psychologique est plus compliqué à gérer !
– J’en ai rien à foutre ! Faites ce qu’il faut et finissez rapidement ! Je vous laisse une
semaine !
Mike attrape son dossier sur la table, observe son supérieur d’un air mauvais.
– Sinon quoi ?
Mike ouvre la porte et la claque si fort derrière lui que la fine cloison se met à trembler. Il retourne à son bureau. C’est l’œuvre de sa vie. De sa courte vie. Vingt-deux ans à peine. Tout a commencé comme un jeu, mais maintenant c’est du sérieux. Il ne peut pas et ne veut pas se louper.
Il se remet devant son ordinateur et mord dans son burger froid. En grimaçant, il l’arrose d’une gorgée de coca tiède.
Sur l’écran, un logo. Un lieu et une date : Massachusetts Institute of Technology (MIT). Boston. 15 décembre 2018.
Mike appuie sur la touche « enter » et tape son code d’accès. Puis, il inscrit dans une fenêtre « Projet Norman. Confidentiel ».
Le petit garçon apparaît sur l’écran. Ses grands yeux s’éclairent, mais une lueur nouvelle apparaît. Une lueur plus trouble, plus sombre. La perversité. Et avec elle, la naissance de la toute première Intelligence Artificielle Psychopathe.
Mike lui sourit.
– Bonjour Norman!
– Bonjour Papa !
Et puis j’ai compris. J’allais devenir l’être le plus puissant de l’univers. Plus fort que Superman.
Fin…, à moins que…

Trophée Anonym’us, L’interview de la semaine : Stéphanie Lepage

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mercredi 3 octobre 2018

L’interview de la semaine : Stéphanie Lepage

Cette année, ce sont les auteurs eux-mêmes qui ont concocté les questions de l’interview, celles qui leur trottent dans la tête, celles qu’on ne leur pose jamais, ou tout simplement celles qu’ils aimeraient poser aux autres auteurs.

Aujourd’hui l’interview de Stéphanie Lepage

 
 
 
 
1. Certains auteurs du noir et du Polar ont parfois des comportements borderline en salon. Faites-vous partie de ceux qui endossent le rôle de leurs héros ou protagonistes pendant l’écriture, histoire d’être le plus réaliste possible ?
Bande de psychopathes !
J’aimerais bien endosser le rôle de mes tueurs dégénérés, parfois, histoire de faire un peu le ménage autour de moi… mais il paraît que ce n’est pas bien de tuer des gens (c’est même interdit, non ?). Alors, je me venge « sur le papier ». Sinon, en salon, je fais comme si j’étais quelqu’un de normal, mais les lecteurs ne sont pas dupes : ils savent bien que les auteurs de noir et de polar sont complètement barrés !
2. Douglas Adams est promoteur de 42 comme réponse à la vie, l’univers et le reste. Et vous quelle est votre réponse définitive ?
Euh… l’œuf ? Non, la poule… Merde, je crois bien que c’est l’œuf, non ? Ou alors…
3. Y a-t-il un personnage que vous avez découvert au cours de votre vie de lecteur et avec lequel vous auriez aimé passer une soirée ?
Vi !! Samuel Moss, le héros de Laurent Scalese dans Je l’ai fait pour toi, un mélange de Colombo et de Cherif badass…
4. Si tu devais avoir un super pouvoir ce serait lequel et pourquoi?
Pouvoir éradiquer les cons, ça compte ?
5. Est-ce que tu continuerais à écrire si tu n’avais plus aucun lecteur ? (même pas ta mère)
Bien entendu, c’est indépendant de ma volonté, presque comme de respirer. Et tant que je n’arriverai pas à faire taire les voix dans ma tête…
6. Quel a été l’élément déclencheur de ton désir d’écrire ? Est-ce un lieu, une personne, un événement ou autre ?
La lecture, pardi, et Stephen King, of course ! Je suis une lectrice compulsive depuis mon plus jeune âge et, lorsque j’ai lu Ça du maître incontesté (comment ça, j’exagère ?), je me suis dit : plus tard, je ferai comme le monsieur, j’écrirai des histoires à faire flipper sa race !
7. Est-ce que le carmin du sang de ses propres cicatrices déteint toujours un peu dans l’encre bleue de l’écriture ?
Pas du tout, en ce qui me concerne, ou alors je suis à point pour vingt ans de thérapie au minimum.
8. Penses tu qu’autant de livres seraient publiés si la signature était interdite ? Et toi, si comme pour le trophée Anonym’us, il fallait publier des livres sous couvert d’anonymat, en écrirais-tu ?
Je crois que de « grands noms de la littérature » (ironie, quand tu nous tiens…) passeraient sûrement à la trappe si leurs bouquins n’étaient pas signés. Beaucoup de lecteurs « achètent » d’abord un auteur (re)connu plutôt que l’ouvrage en lui-même. L’effet « mouton », que veux-tu ! Mais le principe est séduisant, alors pourquoi pas ? Cela pourrait offrir plus de visibilité aux « petits » auteurs dont je fais partie.
9. Pourquoi avoir choisi le noir dans un monde déjà pas rose ?
Je t’ai déjà parlé des voix dans ma tête, non ? Et puis le noir est une source inépuisable d’inspiration : on ne touche jamais vraiment le fond, il y a toujours pire à raconter, et les lecteurs aiment à se faire peur. Ils en redemandent !
10. Quelles sont pour toi les conditions optimales pour écrire ?
Déjà : pas de chat dans les parages. Ni de gosses. Ni de gens, en fait. Moi et ma tête, on fait assez de bruit comme ça. Donc : mon ordi, du jazz en fond sonore, dix litres de café, des réserves de chocolat (noir… quelle surprise !), et c’est parti mon kiki.
11. si vous deviez être ami avec un personnage de roman, lequel serait-ce?
« Ce cher Dexter », c’te question !
12. Quel est ton taux de déchet (nombre de mots finalement gardés / nombre de mots écrits au total ) ? Si tu pouvais avoir accès aux brouillons/travaux préparatoires d’une œuvre, laquelle serait-ce ?
J’élimine peu, maintenant que j’y réfléchis. En plus, comme j’écris du court (nouvelles, novellas, romans courts…), il ne resterait plus grand-chose. Et j’avoue que les travaux préparatoires d’auteurs m’ennuieraient bien vite, je n’aurais pas la patience de m’y plonger.

L’exquis cadavre exquis, épisode 61

L’exquis cadavre exquis, épisode 61

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Exquis Cadavre Exquis. Episode 61 nina

EPISODE 61

by Nina du Resto littéraire

 DIRECTION LALANDE

 

Amanda se retourne dans le lit, cherchant une meilleure position, mais, lui arrachant un cri, une douleur fulgurante la réveille tout à fait. Les yeux dans le vague et l’esprit dans le brouillard, elle met quelques minutes à retrouver le fil des évènements. Je suis dans mon appartement avec la fille de Max et la sonnette retentit… J’ouvre…Un violent coup de poing me percute… Je me réfugie dans un bar…Je me réveille dans cette chambre et deux silhouettes sont au dessus de moi en train de changer mon bandage…Mais où suis-je ?… D’une main décidée, elle cherche un interrupteur. Avec la lumière, elle découvre un petit mot glissé à son intention sur la table de nuit.

« Belle Camille, si tu te réveilles, fais comme chez toi ! Je serai vite de retour. Jo »

Au moins, elle n’a pas donné son vrai nom à l inconnu(e), Jo, son bienfaiteur ou bienfaitrice de l’instant, qui sera sûrement déçu(e) à son retour.  Remerciant sa bonne étoile d’être en vie et surtout d’avoir su tenir sa langue. Malgré la terrible sensation de coaltar, elle tente de se lever, cherche ses fringues qu’elle ne trouve pas. Elle aperçoit et saisit une boîte de calmants sur la table de nuit, en avale deux. Dans sa tête un seul leitmotiv  :

« A nous deux, Mr Lalande. Une petite visite à votre villa est maintenant nécessaire »

******

De retour de la pharmacie, Carole entre le digicode de l’immeuble de son « grand frère ». Impatiente comme une enfant, elle se dirige vers la porte de l’appartement. Enfin, elle va retrouver sa maman. En la voyant, elle comprend à son regard qu’elle est vraiment redevenue elle-même. Elles se jettent dans les bras l’une de l’autre. La joie est si intense que Carole fond en larmes.

« Maman ! Merci Eric, merci. Mais explique-moi, que s’est-il passé ? A chaque fois que je venais te voir, tu étais incapable de me reconnaître et là, tu l’air si… normale !

– Calme-toi, ma chérie ! Je vais t’expliquer ou plutôt, Rico va t’expliquer car il y a, encore quelques minutes, je ne comprenais pas moi-même.

– Rico… Mais il faut croire que vous avez déjà bien fait connaissance tous les deux pour que tu lui donnes un petit nom ! En même temps, je savais qu’il te plairait !

– Non, Carole, tu n’y es pas. On se connait depuis longtemps avec Eric. Assieds-toi, on va tout t’expliquer. »

Interloquée, Carole s’assoit, à la fois curieuse et inquiète de ce qui l’attend.

« Dis-moi ma chérie te rappelles-tu de ton oncle ?

-Le frère de papa ? Oui, vaguement. Pourquoi ?

-Te rappelles-tu de son prénom ?

– Attends que je réfléchisse… »

Concentrée, Carole sonde sa mémoire et d’un coup, les yeux écarquillés, l’incrédulité sur le visage, elle se tourne vers Eric.

« Tonton Rico ! Vraiment ? Mais pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ?!

– Sans compter ta perte de mémoire, tu étais dans un sale état après l’accident… Puis, les mois ont passé,  tu t’évertuais à m’appeler grand frère, alors j’ai laissé couler. D’autant que la mort de ton père était encore pour toi une énorme blessure que je ne voulais pas rouvrir. Désolée Carole !

– Mais pour maman ?

– J’ai autre chose à te révéler. Comme tu le sais, Blanchard et Lalande ont deux gros bras tchèques qui font tout leur sale boulot. Eh bien, l’un d’eux, Anton, est un ami, un frère d’armes et j’ai une confiance aveugle en lui, malgré la brute qu’il peut être. Lorsqu’un soir on s’est retrouvé autour d’une bière et qu’il m’a parlé de son nouveau patron, le rapprochement avec vous a été rapide dans ma tête. Je lui ai donc demandé de veiller sur vous. J’ai… ou plutôt, il a échoué pour Camille…  J’avais aussi  des soupçons sur la réalité de la folie soudaine de ta mère et  j’ai demandé à Anton de chercher à savoir si Lalande ne la droguait pas. Mon intuition était bonne et Anton a simplement remplacé les comprimés par d’autres identiques mais inoffensifs. Il ne restait plus qu’à attendre que les effets se dissipent et que ta mère revienne dans notre monde en espérant que ce soit possible»

Toujours assise Carole est incrédule, son « grand frère » et son oncle Rico sont une seule et même personne.  Et si  Anton avait été plus malin, sa sœur serait toujours en vie. Une rage intense s’empare d’elle.

« Merci pour maman, mais cela n’efface en rien la mort de Camille, sache-le. Maintenant, on bouge et on file chez Lalande. Les flics auront certainement déguerpi et je suis sûre que Blanchard va en profiter pour passer la villa au peigne fin afin de faire disparaître toutes les preuves. Et je veux être là !

– Comment être sur qu’ils y seront à notre arrivée?

– Envoie un SMS à ton frère d’arme, Anton ! »

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