De mort lente de Michaël Mention, lecture 4
Et si on lisait le début
Voilà la suite de votre lecture du début de ce super bouquin qui a été un pur coup de coeur pour moi.
De mort lente de Michaël Mention
Chapitre 4

5
3 mars 2010
« Édition spéciale consacrée à la tempête Xynthia. Rappelons que quarante-sept personnes sont décédées et que huit cent mille foyers sont privés d’électricité. Un bilan que le Premier ministre François Fillon a qualifié de “catastrophe nationale”. »
— C’est eux, la catastrophe nationale !
— Chéri…
— Mais c’est vrai ! Ils fliquent les chômeurs, ils assèchent les hôpitaux et ils veulent nous faire bosser jusqu’à ce qu’on crève ! Ils arrêtent pas de nous entuber !
— Chéri, s’il te plaît !
Marie lui désigne leur fils, à l’extrémité du salon, sur son tapis de jeu. Léonard, 3 ans, désormais passionné par les puzzles. Et ce qui devait arriver se produit :
— Papa ? C’est quoi, « entuber » ?
Marie fusille Nabil du regard.
— Hein, papa ? C’est quoi ?
— C’est rien.
Nabil éteint la télé. Il rejoint son fils – « Alors ? Ce puzzle, ça avance ? » – et Léonard lui montre fièrement où il en est. Être parents ou l’art de la diversion. Marie regagne la cuisine. Son homme a plié le linge, alors c’est à elle que revient la pâte à crêpe. Elle s’y attelle tandis que Nabil complète le puzzle avec leur fils. Instant de partage, où chaque pièce ajoutée est une victoire pour l’enfant. En ce moment, il en a besoin, quelque peu fragilisé par l’étape « maternelle ». Les règles, la collectivité, tout ça lui échappe encore, mais ça viendra. Tout vient.
Le puzzle terminé, son père et lui le défont aussitôt. Ils mélangent les pièces quand survient un vacarme assourdissant. Nabil et Léonard sursautent.
— Chérie ???
Nabil s’élance vers la cuisine. Choc. Au sol, assiettes brisées. Et Marie, étalée sur le dos, les yeux mi-clos. Il s’accroupit auprès d’elle.
— CHÉRIE ! OH !
Léonard arrive à son tour et se fige, choqué, en découvrant sa mère. Marie reprend ses esprits. Elle se rétablit, fébrile, s’assoit sur une chaise. Son fils se blottit contre elle.
— Maman ! Ça va ?
— Oui…
— Non, ça va pas ! s’emporte Nabil, ça t’arrive de plus en plus !
— Je suis crevée, c’est tout… faut que je dorme…
— C’est ce que tu fais depuis des mois ! Il faut que t’ailles consulter !
— Crie pas, s’il te plaît… Allez, viens là…
Nabil la fixe avec inquiétude. Il se contient, puis se décide à l’enlacer tendrement, comme leur fils.