Premières Lignes #152 : Les vilaines, Camila Sosa Villada

PREMIÈRES LIGNE #152

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Les vilaines, Camila Sosa Villada

Les Vilaines : Résumé

La Tante Encarna porte tout son poids sur ses talons aiguilles au cours des nuits de la zone rouge du parc Sarmiento, à Córdoba, en Argentine. La Tante – gourou, mère protectrice avec des seins gonflés d’huile de moteur d’avion – partage sa vie avec d’autres membres de la communauté trans, sa sororité d’orphelines, résistant aux bottes des flics et des clients, entre échanges sur les derniers feuilletons télé brésiliens, les rêves inavouables, amour, humour et aussi des souvenirs qui rentrent tous dans un petit sac à main en plastique bon marché. Une nuit, entre branches sèches et roseaux épineux, elles trouvent un bébé abandonné qu’elles adoptent clandestinement. Elles l’appelleront Éclat des Yeux.

Premier roman fulgurant, sans misérabilisme, sans auto-compassion, Les Vilaines raconte la fureur et la fête d’être trans. Avec un langage qui est mémoire, invention, tendresse et sang, ce livre est un conte de fées et de terreur, un portrait de groupe, une relecture de la littérature fantastique, un manifeste explosif qui nous fait ressentir la douleur et la force de survie d’un groupe de femmes qui auraient voulu devenir reines mais ont souvent fini dans un fossé. Un texte qu’on souhaite faire lire au monde entier qui nous rappelle que « ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête ».

La nuit est profonde : il gèle dans le Parc. De très vieux arbres qui viennent de perdre leurs feuilles semblent adresser au ciel une prière indéchiffrable, mais essentielle pour la végétation. Un groupe de trans fait sa maraude. Elles sont protégées par la futaie. Elles semblent faire partie d’un même corps, être les cellules d’un même animal. C’est comme ça qu’elles bougent, comme si elles formaient un troupeau. Les clients passent dans leurs voitures, ralentissent quand ils voient le groupe, et, parmi les trans, en choisissent une qu’ils appellent d’un geste. L’élue accourt. C’est comme ça que ça se passe, nuit après nuit.

Le Parc Sarmiento se trouve au cœur de la ville. C’est un vaste poumon vert, avec un zoo et un parc d’attractions. La nuit, les lieux deviennent sauvages. Les trans attendent sous les arbres ou devant les voitures, elles promènent leurs charmes dans la gueule du loup, devant la statue de Dante, la statue historique qui donne son nom à l’avenue. Chaque nuit, les trans surgissent du fond de cet enfer, mais personne n’écrit à ce sujet, elles jaillissent afin de faire renaître le printemps.

Avec les trans, il y a aussi une femme enceinte, la seule dans le groupe qui soit née femme. Les autres, les trans, se sont transformées elles-mêmes pour le devenir. Au pays des trans du Parc, c’est elle, la personne différente, cette femme enceinte qui fait toujours la même blague : elle prend par surprise l’entrejambe des trans. C’est ce qu’elle est en train de faire à l’instant même, et toutes rient aux éclats.

Le froid n’arrête pas la ronde des trans. Une fiole de whisky passe de main en main, des papiers saupoudrés de cocaïne passent successivement sous tous les nez, quelques-uns d’entre eux sont énormes et naturels, d’autres, tout petits, ont été opérés. Ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête. Là, dans ce Parc qui jouxte le centre-ville, le corps des trans emprunte à l’enfer la substance de ses charmes.

Tante Encarna participe à ce sabbat avec un enthousiasme féroce. Après la coke, elle exulte. Elle se sait éternelle, elle se sait invulnérable, telle une ancienne idole de pierre. Mais quelque chose qui vient de la nuit et du froid attire son attention et l’éloigne de ses amies. Depuis les broussailles, quelque chose l’appelle. Au milieu des rires, du whisky qui va et vient d’une bouche fardée à l’autre, au milieu des coups de klaxon de ceux qui sont à la recherche d’un peu de bonheur auprès des trans, Tante Encarna perçoit un son qui vient d’ailleurs, émis par quelque chose ou par quelqu’un qui n’est pas comme les personnes que nous avons sous les yeux.

Les autres trans continuent leur maraude sans prêter attention aux mouvements d’Encarna. C’est que la Tante perd la mémoire, elle raconte et reprend sans cesse les

mêmes vieilles anecdotes. Les choses les plus récentes et les plus familières n’ont pas de place dans sa mémoire. Il y a un moment dans la vie où aucun souvenir n’est à l’abri. Alors elle note tout dans des petits cahiers, elle colle des post-it sur la porte du frigo, autant de manières de l’emporter sur l’oubli. Il y a des filles qui pensent qu’elle est en train de devenir folle, d’autres qu’elle en a assez de se souvenir. Elle a reçu beaucoup de coups, Tante Encarna, des grolles de flics et de clients ont joué au foot avec sa tête et aussi avec ses reins. À cause des coups reçus dans les reins, elle pisse du sang. Alors personne ne s’inquiète quand elle s’en va, quand elle les quitte, quand elle répond aux sirènes de son destin.

Elle est un peu désorientée quand elle s’éloigne, …

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Blog en panne, au mois d’avril

Hello mes polardeux,

Un simple petit article pour vous demander pardon d’avoir arrêter de publier ici se derniers mois.

Et oui si le blog a été à l’arrêt car j’étais moi même en panne ! 😉

Juste un sale otite mal traité qui m’a totalement cassé et aussi le retour de la Covid qui n’a rien arrangé. Mais je vais mieux et du coup de reprends dès ce dimanche mes « Premières Lignes ». En plus se sera je crois le 150e …

Du coup comme je n’avais la grande forme, j’ai gardé toute mon énergie pour Collectif Polar, notre grand frère.

Et je profite aussi de ce billet pour vous souhaite tout le bonheur possible en ce mois de mai. 💐🌞

Et à très vite donc !

Premières Lignes #146 ; Les petits meurtres du mardi, Sylvie Baron

PREMIÈRES LIGNE #146

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Le livre en cause

Les petits meurtres du mardi, Sylvie Baron

1

Quand on travaille dans la médiathèque d’une petite ville, on finit par connaître les secrets de tout le monde.

Odile Lavergne le sait bien, il ne lui a pas fallu longtemps pour deviner, en raison des ouvrages empruntés, les peines de cœur, les rêves d’amour, les angoisses hypocondriaques, les nostalgies du temps d’avant, les désirs de vengeance ou tout simplement le besoin éperdu de reconnaissance de certains de ses concitoyens.

Il faut ajouter qu’Odile a le don de savoir écouter les autres, de faire preuve d’empathie et d’encourager les confidences.

— Bonjour, vous êtes bien à la médiathèque de Marcolès, que puis-je faire pour vous ?

Cette simple annonce qu’elle distille plusieurs fois par jour de sa voix chantante au téléphone met tout de suite à l’aise son interlocuteur. Dans un monde où tout va trop vite, comment ne pas apprécier cette pause offerte qui permet de prendre son temps et de le perdre sans aucune culpabilité ?

Odile multiplie aussi les petites phrases pleines de compassion.

« C’est vraiment désolant ! »

« Si ce n’est pas malheureux, tout de même. »

« Il faut bien du courage pour supporter tout cela. »

Cette dernière est sa préférée, celle qui fait mouche à tous les coups car du courage, tout le monde aimerait en avoir, mais personne n’en a vraiment.

C’est beau le courage, ça suppose de la force de cœur, de la fermeté de caractère.

En tout cas, ça ne se refuse pas si on vous en prête. L’impétrant ainsi valorisé peut rougir ou relever la tête, il se sent subitement meilleur, un flot nouveau court dans ses artères pour l’exhorter à passer à l’action.

Odile est naturellement bienveillante, elle a les pieds sur terre et un cœur gros comme un mammouth. La quarantaine, célibataire, elle a gardé une silhouette d’enfant, petite et fluette. Ses yeux bleus sont immenses et toujours empreints de bonté, comme son sourire. À la voir s’agiter entre les rangées de livres ou derrière son bureau d’accueil, on dirait une petite fille en train de jouer.

C’est exactement le cas, en fait. Ses lecteurs sont ses poupées qu’elle conseille, console et n’hésite pas à morigéner quand il le faut. Elle aimerait tellement pouvoir organiser leurs vies pour les rendre meilleures.

Odile est une manipulatrice qui s’ignore.

Avec son sourire, ses tasses de thé brûlant, son sirop de citron et ses gâteaux maison, elle a su se rendre indispensable et faire de la médiathèque un cocon feutré qui attire les âmes en peine aussi sûrement qu’une lanterne brillante fascine les moustiques un soir d’été.

Des âmes en peine, on en trouve partout, autant à Marcolès que dans les autres bourgades. Des timides, des rejetés, des incompris, des solitaires, des aigris, des gens qui s’ennuient et ont tout simplement besoin d’exister. Ceux-là mêmes que captent en général les réseaux sociaux.

Ici, à Marcolès, c’est naturellement autour d’Odile qu’ils se réunissent. Tous les mardis, à 20 heures précises, en référence au fameux Club du mardi qui, dans la nouvelle d’Agatha Christie du même nom, réunit autour de son héroïne Miss Marple un groupe de détectives amateurs.

Car Odile est une fan de la Grande Dame du Crime. Elle connaît son 

œuvre par cœur. À la médiathèque, un coin spécial lui est consacré. Tous ses romans sont mis en valeur sur une étagère recouverte de velours noir, en plusieurs volumes pour les plus importants, sans oublier les éditions avec gros caractères pour les malvoyants et même quelques adaptations en bandes dessinées pour ceux qui ont une préférence pour le genre.

C’est bien sûr l’auteure qu’elle recommande le plus.

Sa devise phare, « Un coup de moins bien, un Agatha et ça repart », est bien connue des habitués des lieux. Certains s’en moquent discrètement, mais ici, à Marcolès, la Duchesse de la Mort a de nombreux adeptes et le Club du mardi rassemble un groupe de passionnés qui ne manqueraient sous aucun prétexte cette réunion hebdomadaire.

Un brin hétéroclite tout de même, ce Club du mardi, il faut bien le reconnaître. Huit membres en tout, en comptant Odile, à bénéficier de l’appellation privilégiée de « fidèles ».

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Premières Lignes #145 : Le vol du boomerang, Laurent Whale

PREMIÈRES LIGNE #145

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Le livre en cause

Le vol du boomerang, Laurent Whale

Prologue

Tjukurrpa.

Et le rêve engendra un monde.

Celui qui est à la fois le ciel et la terre.

Tjukurrpa : le Serpent Arc-en-ciel, le Serpent du Rêve.

On dit que lorsqu’il s’éveilla, ses contorsions créèrent le lit des rivières et des fleuves, les dunes, les vallées et les montagnes, autant que les plaines fertiles et les déserts tragiques. De ses écailles naquirent les innombrables clans et les animaux qui étaient les égaux de l’Homme. Tous frères, sœurs, parents, vivant sur la Terre en harmonie, intelligence et respect.

Les bébés des arbres, à la fourrure soyeuse, se nourrissaient des feuilles d’eucalyptus. Ceux des plaines, bondissant sur leurs cuisses puissantes, vénéraient l’herbe grasse. Ceux des fleuves et des lacs, ceux de la mer et ceux du ciel se partageaient les bienfaits de la création de Tjukurrpa.

Et puis, ceux qu’on ne voyait pas. Les esprits, anciens, nouveaux, passés et futurs. Intangibles et pourtant présents, ils généraient la trame de toute chose, en conférant à la moindre molécule la valeur d’un univers entier.

Car eux seuls supportaient le poids des âmes.

Et la trame du Rêve.

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Premières Lignes #142 : Les Sentiers de la vérité, Francis Van Gured

PREMIÈRES LIGNE #142

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Le livre en cause

Les Sentiers de la vérité, Francis Van Gured

Le résumé : Jeune homme sans histoires, Andréa Davenport est retrouvé inanimé au beau milieu de la nuit à la bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris. Il ne doit son salut qu’au courage d’un témoin anonyme qui prétend avoir assisté à son lynchage. Les policiers comprennent très vite qu’il s’agit d’une exécution ratée portant la signature du Groupe Ariane. Cette mystérieuse organisation promet une série d’assassinats à travers l’Europe à des fins de déstabilisation politique. Très rapidement pourtant, celui que tout le monde considérait comme une victime se voit pointé du doigt. Les incohérences de son récit, mais aussi divers éléments compromettants ainsi qu’une effroyable vidéo apparue peu de temps après son évasion du commissariat, viennent confirmer les craintes des enquêteurs. Traqué de toutes parts, Andréa Davenport réalise qu’il est pris au piège d’un jeu qui lui échappe, et dont il ne maîtrise absolument rien, pas même les règles. L’art, l’histoire et surtout les échecs, sont au cœur des indices que lui a laissés son adversaire. Il n’aura d’autre choix, pour prouver son innocence, que de poursuivre la partie. De nombreuses vies, à commencer par la sienne, sont en jeu…

Prologue

Nanterre-Paris

Cette affaire aurait probablement connu des développements bien différents sans l’heureux concours à son commencement de Jean-Bernard Bonvoisin, ou JB pour les intimes. Capitaine de police à ses heures, il officiait au sein de la prestigieuse plateforme PHAROS, une unité basée à Nanterre qui avait pour mission de traquer les crimes et délits sur internet.

Sérieux, intègre et dévoué à sa tâche, Bonvoisin se désespérait de ne jamais avoir vécu son heure de gloire comme plusieurs de ses collègues. Il faut dire, pour comprendre son cas, qu’il est chez certains policiers des faits d’armes qui entérinent leur légende et les hissent à jamais au panthéon de leur institution.

Celui de Bonvoisin finalement s’était produit au crépuscule de son insignifiante carrière, par une froide nuit d’automne. C’est un peu avant 4 h 00 du matin, que tout avait subitement basculé, il y a quelques semaines de cela. Après une interminable veillée où toute son attention s’était focalisée sur l’écran de son ordinateur, Bonvoisin était pour ainsi dire rincé. Il s’apprêtait à quitter son poste de travail, quand les communications transitèrent par son casque. Avec sang-froid et détermination, il isola les séquences compromettantes et les enregistra, conformément à ce qu’imposait la procédure.

Au total, seize petites phrases repérées sur une célèbre messagerie cryptée, faisaient état d’une série d’enlèvements aux quatre coins du continent. Aucun lieu, aucune identité, aucune date n’étaient cités. Mais les échanges vocaux interceptés mentionnaient près d’une trentaine d’enlèvements tout de même. Il était aussi question d’enterrements, de diffusion des images, mais également de psychose et de projet politique de déstabilisation à grande échelle, afin que les citoyens prennent conscience de l’incurie de leurs forces de police et de leurs gouvernants.

 À peine les menaces étaient-elles apparues que les agents de la DGSE prenaient contact avec leurs homologues des principaux pays européens.

S’agissait-il d’extrémistes politiques d’ultra gauche de type Black Bloc ? D’ultra droite de type Bloc Identitaire ? De terroristes islamistes ? De mouvements politiques d’extrême droite opérant depuis l’étranger et désirant faire imploser l’Union Européenne ? À moins qu’il fût question de petits plaisantins souhaitant faire une mauvaise blague ? C’est précisément cette dernière hypothèse que retinrent les services de renseignements allemands.

À Paris au contraire, l’affaire fut jugée suffisamment inquiétante pour que les douze agents chargés de l’enquête reçoivent la consigne d’éviter les fuites.

Finalement, et en dépit des précautions extrêmes que prirent les autorités pour garder l’affaire secrète, celle-ci s’éventa sans que personne parvint jamais à établir l’origine de la fuite. La psychose tant redoutée s’empara rapidement de la France et des pays voisins, dans ce que médias et réseaux sociaux allaient vite appeler l’affaire Ariane, du nom qu’avait donné à l’opération le mystérieux groupe à l’origine des messages. Des semaines durant, l’actualité se nourrit à satiété de la psychose qui s’emparait des peuples d’Europe, ainsi que de la fébrilité qui menaçait de faire basculer les gouvernants de tous bords.

 Mais tandis que le vieux continent était en ébullition, c’est un second événement qui fit prendre à l’affaire une tournure décisive. Cela se produisit quelques semaines plus tard, sur le coup de 5 h 00 du matin, sous la forme d’un appel téléphonique. Le destinataire cette fois n’était pas la plateforme nanterroise PHAROS mais le commissariat de police du 5ème arrondissement de Paris.

L’auteur de l’appel expliqua d’une voix agitée ce à quoi il était en train d’assister, puis supplia les policiers d’agir au plus vite. Ce qui se passait était grave. Effroyable même. Un homme était victime d’un terrible passage à tabac. Ses bourreaux étaient nombreux et portaient de terrifiantes cagoules. Ce déferlement de violence ne laissait rien augurer de bon pour le malheureux bonhomme sur lequel pleuvaient les coups.

Le mystérieux témoin livra l’adresse où avait lieu cette terrible agression. Puis lorsque l’agent de police au standard lui demanda son identité, il raccrocha. Jamais les forces de l’ordre ne parvinrent à l’identifier.

Première ligne #141 : Rosalie Lamorlière, Ludovic Miserole

PREMIÈRES LIGNE #141

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Le livre en cause

Rosalie Lamorlière de Ludovic Miserole

1

En ce mois d’août 1847, la canicule s’est installée. L’air est si étouffant que rares sont les parisiens qui osent affronter le soleil. La capitale vit au ralenti.

Pourtant, et malgré ses quatre-vingts ans, Rosalie Lamorlière brave le danger en faisant son entrée dans une des cours intérieures de l’Hospice des Incurables. Elle est venue ici précisément parce qu’elle était certaine de n’y trouver personne. Car qui serait assez fou pour venir ici, dans cet espace de verdure, par endroits jauni ? Autour d’elle, les hauts murs des bâtiments austères empêchent la moindre brise de circuler. Et ce ne sont pas les rares bancs disposés en cercle, sous le feuillage des quelques arbres plantés là, qui pourraient inciter les pensionnaires à y tenir assemblée.

La chaleur ne fait pas peur à la vieille dame. Depuis la Conciergerie, où elle était employée sous la révolution, elle a appris à l’apprivoiser. En août 1793, l’atmosphère y était irrespirable. A chaque aspiration, on avait le sentiment de se brûler les poumons.

Assise à l’ombre d’un marronnier, Rosalie se souvient de ce jour de l’été 1793, tout aussi suffocant. Elle n’avait alors que vingt-cinq ans. Un homme s’était présenté avec l’idée saugrenue de sauver la prisonnière la plus impopulaire du pays ! Ses armes ? Un bouquet d’œillets, une volonté de fer et une once de folie. Au début on aurait pu croire à une plaisanterie. Mais Marie-Antoinette s’était prise au jeu du doux rêveur. Elle, qui jusque là refusait toute tentative d’évasion, s’était finalement laissée convaincre par ce chevalier de l’ordre de Saint-Louis.

La vieille dame ne peut se défaire de ses souvenirs qui la hantent comme un mauvais rêve depuis plus de cinquante ans… Chaque nuit, elle revoit ces images et se réveille en nage, dans son lit étroit de l’Hospice des Incurables où elle a été placée par la Duchesse d’Angoulême11 qui a ainsi récompensé sa conduite, son dévouement et sa discrétion.

Vingt-cinq longues années à vivre ici, accompagnée de son mal incurable : une sciatique ancienne dont elle n’arrive à se défaire22.

Depuis son arrivée dans l’établissement, Rosalie demeure en retrait. Une ombre qui passe et que l’on ne remarque pas. Une femme discrète et mystérieuse préférant le silence aux confidences, la retenue à toute forme d’intimité. La vieille dame espère que la mort viendra la délivrer bientôt.

– Mademoiselle, on demande à vous voir.

Rosalie sursaute. Elle n’avait pas entendu Sœur Félicité faire son entrée dans la cour.

– Vous devez vous tromper, ma Sœur. Je n’attends personne.

– Et pourtant une certaine Hélène Grancher désire s’entretenir avec vous.

– Que me veut-elle ?

– Je ne sais.

Contrairement à d’habitude, aujourd’hui l’accent belge de Sœur Félicité33 ne parvient pas à amuser Rosalie.

– Je n’y suis pour personne !

– Me demanderiez-vous de mentir ?

– Je ne veux aucune visite.

– N’êtes-vous pas lasse de demeurer seule, à longueur de journée ?

– Non !

– Que dois-je dire à cette Madame Grancher ?

– Rien.

La religieuse s’éloigne et laisse Rosalie à ses interrogations. La vieille dame en a assez d’être un objet de curiosité pour tous ces écrivains et journalistes qui cherchent le moindre détail sur les derniers jours de la Reine à la Conciergerie. Cette Madame Grancher doit être une de ceux-là ; une curieuse ou une passionnée qui désire solliciter ses souvenirs. Ces soixante-seize jours à servir Marie-Antoinette avant sa montée à l’échafaud résument pour beaucoup l’existence de Marie-Rosalie Delamorlière4 et la résumeront encore certainement pendant bon nombre d’années. Etrange destinée d’être immortalisée aux yeux des Français pour avoir effectué consciencieusement son métier de servante ! Rosalie veut être tranquille, près du puits de la cour Saint Louis. Une construction pas très haute faite de pierres grisâtres. Sur la margelle, trois longs piquets de fer recouverts peu à peu par une clématite envahissante.

– Mademoiselle Lamorlière !

Etonnée, la vieille dame se retourne. Une femme de taille moyenne lui sourit. Le visage est rond, à peine ridé malgré des cernes marqués. Les cheveux bruns sont relevés en un chignon parfaitement attaché. Elle doit avoir quarante ans environ.

Cette personne vient assurément parler des jours funestes de 1793. Le simple fait de l’avoir appelée Lamorlière est un signe des plus révélateurs. Sait-elle seulement la véritable identité de la patiente de cet hospice ? En ces temps terribles, il était préférable d’ôter de son patronyme tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à une particule. De même pour les prénoms. Mieux valait éviter toute connotation antirévolutionnaire. Mademoiselle Marie-Rosalie Delamorlière avait donc laissé la place à cette Rosalie Lamorlière, servante dans l’antichambre de la mort, jeune fille au service d’Antoinette, dernière Reine de France.

– Je suis celle que vous recherchez.

Hélène considère ce beau visage sur lequel le temps ne semble avoir aucune prise. La vieille dame s’impatiente.

– Je suis infirmière. Je rends visite aux malades dans divers endroits de Paris.

– Je me porte bien, vous savez.

– Vraiment ? Alors pourquoi vous trouvez-vous aux Incurables ?

Mademoiselle Delamorlière sourit.

– Une vieille sciatique qui ne veut plus me quitter. Nous nous sommes habituées l’une à l’autre durant toutes ces années.

– Une amitié bien contraignante.

– Douloureuse, mais fidèle. Mais n’est-ce pas, Madame, de la Conciergerie que vous vouliez me parler ?

L’infirmière paraît gênée. Mademoiselle Lamorlière est perspicace.

– Au hasard d’une de mes nombreuses lectures, j’ai appris votre présence ici en 1836.

– Vous êtes venue ici pour rien. Je n’ai plus rien à révéler sur ces sombres années. J’ai tout dit.

– Je le sais. Mais j’ai lu vos témoignages et je voulais vous rencontrer. Ma démarche peut vous paraître cavalière et je vous prie de m’en excuser. Il est vrai que si la curiosité était une vertu, je serais assurément une des femmes les plus respectées du royaume.

– Hélas madame ! La concurrence est rude et la place manquerait aux Tuileries pour toutes les vertueuses de votre genre.

Rosalie l’invite à prendre place à ses côtés. Si elle est résolument décidée à ne rien raconter, la présence d’Hélène peut néanmoins lui apporter un peu de distraction en ce lieu qui en est tellement dépourvu. Et puis elle a réussi à piquer sa curiosité. Pourquoi désire-t-elle se plonger dans le passé et dans une des périodes les plus sombres que la France ait connues ?

– Vous êtes donc une lectrice assidue.

– Depuis mon plus jeune âge, je dévore les livres d’Histoire.

– Comme je vous envie ! Je ne sais pas lire.

– Je suis désolée.

– Il ne faut pas. Je me console en me disant que je ne suis pas la seule.

– Certes, mais…

– Alors ! Qui êtes-vous Madame Grancher ?

La brutalité de la question décontenance Hélène. L’infirmière est venue pour soutirer quelque confidence à la vieille demoiselle et la voici prise à son propre piège.

– Que vous dire ?

– Eh bien parlez-moi de vous. Je ne connais jamais la vie des gens qui veulent connaître la mienne. Avouez que ce n’est pas juste.

– Vous avez raison.

– Alors cette fois-ci, on fera l’inverse. Je ne vous adresserai la parole qu’en échange de la vôtre.

– Bien… Par quoi voulez-vous que je commence ?

– Comme vous voulez.

L’infirmière hésite.

– Je suis née à Paris, à la fin du siècle dernier.

– La Terreur vous a donc épargnée.

– Mes jeunes années ont été relativement confortables, loin des soucis liés au manque d’argent ou de pain sur la table.

– Madame vous avez bien de la chance.

– Oui, mes parents ont tout fait pour me préserver.

Rosalie se tourne vers son interlocutrice, sourcils froncés.

– Et puis ? N’est-ce pas là dans l’ordre des choses ? Encore faut-il avoir les moyens d’y parvenir.

Madame Grancher comprend sa maladresse.

– Nous n’étions pas pauvres, il est vrai. Pour autant cela ne nous a jamais empêchés de connaître notre bonheur et de l’apprécier. Fille unique, j’ai été choyée et ma famille a mis un soin tout particulier à parfaire mon éducation. Je suis donc entrée très tôt en institution religieuse et je n’en suis sortie qu’à l’âge de vingt ans.

– Vous avez donc été bien longtemps éloignée des tourments de votre temps. Et qu’avez-vous fait en sortant ?

– Mon père m’a fait épouser un instituteur, plus âgé que moi. Nous avons eu deux enfants.

– Vos proches semblent avoir pris beaucoup de décisions à votre place.

– Ils ne voulaient que mon bien.

– Evidemment. Quels sont les prénoms de ces deux innocents ?

– Mon fils s’appelle Valérien. Il est né très vite après notre mariage et Claire, ma fille, est venue au monde trois ans plus tard.

– Valérien, dîtes-vous ? Voilà, ma foi, un prénom étrange et original.

– Oui. C’est le nom d’un sénateur romain, proclamé empereur par ses troupes. C’est Joseph, mon mari, qui l’a choisi. Hélas, j’ai appris plus tard qu’il fut aussi à l’origine de persécutions chrétiennes.

– Personne n’est parfait.

Hélène ne comprend pas. Les deux livres qu’elle avait lus montraient une Rosalie douce et sensible. Rien à voir a priori avec cette femme froide, voire cynique.

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PREMIÈRES LIGNE #140 : Cupidité de Deon Meyer

PREMIÈRES LIGNE #140

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Le livre en cause

Cupidité de Deon Meyer

JUILLET

1

Le capitaine Benny Griessel entend des pas pressés et le signal d’urgence. Vusi Ndabeni rameute dare-dare ses collègues, un vol à la voiture-bélier, là maintenant.

Un mardi matin de juillet, au milieu de l’hiver.

Il laisse tomber le dossier sur son bureau, saisit son Z88 dans le tiroir et se met à courir. De petite stature, Vusi est un esprit tranquille, toujours calme. Ce n’est pas le cas à cet instant, il y a de l’intensité dans sa voix, c’est pourquoi Benny n’hésite pas.

Tout en courant dans le couloir il boucle son holster sur sa hanche. Il voit arriver Vaughn Cupido, vêtu de sa longue veste qui lui bat les flancs, son « costume de Batman », son équipement d’hiver.

« Dieu soit loué », crie Cupido. Benny sait que son collègue n’apprécie guère les fastidieuses tâches administratives. Ils étaient justement en plein dedans. Voici une belle échappatoire.

Frankie Fillander et Mooiwillem Liebenberg surgissent du bureau qu’ils partagent. Le martèlement des semelles sur le carrelage nu de la DPCI – la Direction des enquêtes criminelles prioritaires, mieux connue sous le nom de Hawks – devient une charge de capitaines qui se ruent vers le dépôt d’armes au premier étage.

Ndabeni s’y trouve déjà. Il distribue des fusils d’assaut R5 et des cartouches tandis que le lieutenant Bossie Bossert jette des notes rapides sur son inventaire.

« Je veux un Stompie », réclame Cupido.

Vusi lui remet le fusil à pompe avec un chargeur, ainsi qu’une ceinture à munitions.

« Tu veux toujours te singulariser, toi, remarque Fillander. Il s’agit d’un transport de fonds, pas d’un braquage de banque. 

— Un peu de méthode dans ma folie, oom1, répond Cupido. Attendons voir. 

— N’oubliez pas de les rapporter », hurle Bossert, tandis qu’ils dévalent l’escalier.

~

Ces cinq derniers mois, au cours des réunions du matin, ils ont suivi l’enquête de Vusi. Il travaille sur une série de vols à la voiture-bélier dans le Western Cape. La même bande, le même mode opératoire : dix hommes et quatre voitures volées, en embuscade. Un véhicule lourd et usagé coince délibérément le fourgon du transporteur de fonds et le force à s’arrêter. Les assaillants l’entourent et le mitraillent, avec des AK47 et toute une collection d’armes à feu, exotiques, d’après les tests balistiques. Jusqu’à ce que les convoyeurs se rendent. S’ils refusent, des explosifs sont placés sur les portes arrière. Environ quatorze millions de rands ont été ainsi dérobés.

Les voleurs sont des fantômes, ils ne laissent aucune trace forensique utilisable. Ndabeni ne sait plus à quel saint se vouer, il subit les pressions de leur chef à tous, le colonel Mbali Kaleni.

C’est pourquoi ….

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PREMIÈRES LIGNE #139 : La moisson des innocents, Dan Waddell

PREMIÈRES LIGNE #139

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

La moisson des innocents, Dan Waddell

Ils furent deux enfants assassins, condamnés pour avoir battu à mort un vieil homme sans défense. Deux garçons maudits qui ont purgé leur peine et se construisent une vie d’adulte sous des noms d’emprunt. Dieu sait comment, un justicier a retrouvé leur trace pour leur infliger les affres de l’enfer. L’inspecteur Foster sait que les explications se trouvent dans le village de Mackington, qui n’a jamais pardonné aux deux « petits bâtards diaboliques ». Mais la scène du crime passé est aussi celle de ses propres souvenirs, des premiers pas d’un jeune enquêteur idéaliste, dans un pays minier sortant exsangue de l’ère Thatcher. Alors qu’il replonge à contrecoeur dans cette affaire dont les conclusions lui ont laissé un goût amer, il découvre qu’une liste ultraconfidentielle de personnes protégées, vivant sous une nouvelle identité, a été volée au ministère de l’Intérieur. Y figurent le nom des deux victimes, mais aussi celui de son ami Nigel Barnes, qui lui a sauvé la vie quelques années auparavant. Face au danger imminent, le généalogiste devra se pencher sur le cas le plus complexe de sa carrière : le sien.

Dan Waddell débrouille avec une habileté machiavélique l’écheveau des souvenirs pour établir que les secrets des enfants terribles ne sont souvent, en vérité, que de terribles secrets d’enfants.

Meurtre de Kenny : deux suspects
22 juillet 1992

Deux écoliers sont actuellement entendus par les policiers chargés de l’enquête sur le meurtre ignoble dont a été victime Kenny Chester, mineur à la retraite.

Les deux enfants, âgés selon nos informations de seulement neuf et dix ans, ont été arrêtés hier soir à leur domicile respectif, quelques jours après la découverte à Dean Bank, un site isolé et pittoresque de Mackington dans le Northumberland, du corps battu et sommairement enseveli de monsieur Chester, soixante-treize ans.

The Herald connaît les noms des deux garçons mais ne les révélera pas pour préserver la sécurité de leurs familles. Ils seraient élèves d’une école primaire proche du domicile de monsieur Chester et du lieu du crime.

La nouvelle a laissé les habitants de Mackington complètement abasourdis. « Nous n’arrivons pas à croire que des membres de notre communauté aient commis une telle atrocité », nous a déclaré madame Gladys Wrenshaw, commerçante. « Tout le monde est sous le choc. Kenny était quelqu’un de bien, connu et respecté. Avoir été abattu ainsi, comme un animal, c’est ignoble. Ceux qui ont fait cela devraient craindre pour leur vie. Il y a ici des gens qui pourraient les mettre en pièces. »

Avant d’ajouter : « Et ce ne serait que justice. »

Il y a maintenant trois jours que la Grande-Bretagne a été saisie d’horreur suite à la découverte du corps de monsieur Chester, veuf, quelques heures après que sa famille a signalé sa disparition.

Le cadavre présentait de multiples blessures. L’un des inspecteurs a confié au Herald qu’il avait été victime d’une agression d’une « violence inouïe ». Selon toute vraisemblance, ses meurtriers ont ensuite essayé de dissimuler le corps en l’enterrant.

D’après une source policière, il est possible que monsieur Chester, qui a travaillé pendant quarante-huit ans aux Houillères Mackington, jusqu’à sa retraite il y a huit ans, ait été encore vivant quand on a commencé à l’ensevelir.

Un porte-parole de la police a officiellement annoncé : « Deux garçons de Mackington sont entendus dans le cadre de l’enquête. »

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PREMIÈRES LIGNE #138 : Le gibier, Nicolas Lebel

PREMIÈRES LIGNE #138

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

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Le livre en cause

Le gibier : une meute ne lâche jamais sa proie , Nicolas Lebel

Le gibier

La journée du commissaire Paul Starski commence assez mal : une prise d’otage l’attend dans un appartement parisien. Arrivé sur place avec sa coéquipière, la glaciale et pragmatique Yvonne Chen, il découvre le corps d’un flic à la dérive et celui d’un homme d’affaires sud-africain. Tous les indices accusent Chloé de Talense, une brillante biologiste. Et amour de jeunesse de Starski, qui prend l’enquête à bras-le-corps-et certainement trop à coeur -, tandis que les meurtres se multiplient. Car l’étau se resserre autour de Chloé. Elle semble être le gibier d’une chasse à courre sanglante lancée à travers la capitale.

I

Les chasses du Grand Veneur

1

Phase 2 – L’appât : pâture employée pour attirer le gibier.

André Cavicci remarqua soudain que le jour se levait, étirant un filtre bleuté et froid sur Paris. Il avait passé la nuit à marcher, puis à attendre, avait oublié les heures et les distances. Le soleil paraissait maintenant presque par surprise. On était le 5 mars et tout pouvait se jouer.

Il raccrocha et empocha son téléphone. Planté sur le trottoir désert, il inspecta la rue étroite où la fille l’avait entraîné. Un vent glacé s’engouffra entre les façades et balaya la chaussée noire de pluie. Cavicci ressentit la froidure de l’aube, un souffle piquant qui perça son trois-quarts élimé et le fit frissonner. Il tira une dernière bouffée sur son mégot de Marlboro avant de l’envoyer voleter d’une pichenette. Enfin, il sortit son arme et entra dans l’immeuble.

Il retint le battant de la porte cochère pour l’empêcher de claquer et s’immobilisa dans le hall carrelé. À l’affût, il perçut le pas mat de la fille, le rythme souple de ses talons hauts sur les marches à mesure qu’elle grimpait l’escalier. Elle devait déjà être au deuxième étage.

Cavicci passa la tête par-dessus la rampe, se tordant le cou. Il vit là-haut, dans la faible lueur électrique, la pâle menotte aux doigts grêles qui glissait sur le bois, s’élevait en cercles concentriques, et le trench-coat beige fluide et insolent qui souffletait les barreaux. À pas feutrés mais rapides, il monta 12les marches à son tour. Il ne la laisserait pas lui échapper, cette fois ; après dix-huit mois d’errements, il se retrouvait à Paris sur les traces de cette gamine d’à peine trente ans, le seul lien qui lui restait, le seul maillon entre les meurtres de Claudel à Lyon, de Birzaian à Bordeaux, et les autres… Elle était sa dernière amarre dans le réel quand tout le monde le disait fou.

Sa seule piste. Sa dernière chance. Sa rédemption.

Les talons de la jeune femme claquèrent sur le parquet du palier. Elle était au troisième étage. Cavicci accéléra. Il n’était pas question de frapper à toutes les portes pour la débusquer s’il la perdait maintenant. Il gravit les marches quatre à quatre en retenant son souffle lourd. Le tapis vert de l’escalier assourdissait son pas. Il arriva au troisième étage à l’instant où elle entrait dans un appartement au bout du couloir. Il s’approcha lentement, son poids faisant grincer les lattes anciennes. Son cœur cognait fort dans sa poitrine et dans sa gorge.

La porte était entrouverte, comme une invitation. Il déglutit, inspira fort, s’assura qu’une balle était chambrée dans le canon de son arme et poussa doucement la porte. Le timbre ténu d’une trompette ou d’un clairon jusqu’alors inaudible lui parvint, un air sautillant et chaotique. Il risqua un coup d’œil à l’intérieur et découvrit une petite entrée parquetée aux murs blancs, qui donnait sur cinq autres pièces.

— Megara ? Megara, vous m’entendez ? appela-t-il.

Le clairon, moqueur, caracola en guise de réponse.

Cavicci franchit le seuil. Surpris par la chaleur de l’appartement, il se lança, traversa l’entrée, son arme devant lui, braqua sur sa droite une cuisine vide, puis un salon, et se figea. Au bout de la pièce, dans la clarté bleutée qui s’invitait par la fenêtre, ses talons effilés plantés dans un épais tapis chinois, Megara lui faisait face, immobile comme si elle consentait enfin à se laisser regarder, le menton tendu vers lui avec arrogance. Cavicci détailla ses traits pour la première fois, ses pommettes hautes, ses lèvres charnues, ses cheveux châtains retenus en queue-de-cheval, ses yeux gris, profonds. Et froids. Quelque 13chose clochait. Son maquillage, peut-être, ou ses vêtements qui la vieillissaient, à moins qu’il ne s’agisse de ses cheveux, plus sombres que dans son souvenir. Elle semblait avoir largement dépassé la trentaine.

La femme leva la main gauche où fumait une cigarette qu’elle porta à sa bouche sans le lâcher des yeux. D’un geste lent, elle pointa la télécommande vers la chaîne stéréo et augmenta le volume. La musique lointaine devint claire. Cavicci reconnut un ensemble de cors de chasse ; il pâlit et baissa son arme malgré lui. Après des mois de traque, il l’avait localisée à Paris et l’avait suivie toute la soirée avant de la perdre encore et de la retrouver enfin. Il l’avait regardée marcher dans les rues de la ville, danser avec des inconnus, et rire jusqu’à s’oublier. En cet instant, il aurait pu se demander combien d’hommes avaient suivi cette beauté jusqu’à la mort. Il n’en eut pas le temps ; elle lui sourit.

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PREMIÈRES LIGNE #133 La face Nord du Coeur, Dolores Redondo

PREMIÈRES LIGNE #133

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Le livre en cause

La face nord du coeur : thriller

Dolores Redondo

La face nord du coeur
Une enquête de l’inspectrice Amaia Salazar
Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une formation de profileuse au siège du FBI dans le cadre d’un échange avec Europol. L’intuition singulière et la perspicacité dont elle fait preuve conduisent l’agent Dupree à la lancer sur les traces d’un tueur en série qui profite des catastrophes naturelles pour assassiner des familles entières. Alors que l’ouragan Katrina s’apprête à dévaster le sud des États-Unis, le compte à rebours pour identifier celui qu’on surnomme le Compositeur est enclenché…

Prologue

Elizondo

Quand Amaia Salazar avait douze ans, elle se perdit dans la forêt pendant seize heures. On la retrouva à l’aube à trente kilomètres au nord de l’endroit où elle avait quitté le chemin. Évanouie sous une pluie battante, les vêtements noircis et roussis comme ceux d’une sorcière médiévale rescapée d’un bûcher. En revanche, sa peau était blanche, propre et froide comme si elle venait de sortir de la glace.

Amaia affirma toujours qu’elle ne se rappelait presque rien de tout cela. À partir du moment où elle avait quitté le chemin, le film dans sa mémoire durait seulement quelques secondes, d’images répétées inlassablement. La vitesse vertigineuse de ses souvenirs lui procurait la sensation du praxinoscope de Reynaud, dans lequel la répétition successive d’images en mouvement finissait par provoquer un effet d’immobilité absolue. Parfois elle se demandait si elle avait marché dans la forêt, ou si elle s’était contentée de s’asseoir là et de rester sans bouger à regarder le même arbre pendant tellement longtemps que son cerveau était tombé dans une sorte d’hypnose, au point de graver pour toujours dans son esprit sa silhouette primitive et maternelle. C’était un dimanche matin comme un autre, où elle était allée marcher en compagnie de son chien, Ipar* 1, avec le groupe de randonneurs d’Aranza qu’elle avait rejoint le printemps précédent. Elle aimait la forêt, mais elle avait accepté, surtout, pour faire plaisir à sa tante, Engrasi, qui depuis des mois la pressait de sortir davantage. Toutes deux savaient qu’elle ne pouvait pas le faire dans le village. La dernière année, ses trajets s’étaient limités aux allers-retours entre l’école et la maison, et à accompagner sa tante à l’église le dimanche. Sinon elle demeurait chez Engrasi, assise près du feu, lisant ou faisant ses devoirs, aidant au ménage ou à la cuisine. N’importe quel prétexte était bon pour ne pas franchir le seuil de la porte. N’importe quelle excuse pour ne pas avoir à affronter ce qui se passait dans le village.

Amaia raconta toujours qu’elle se rappelait seulement l’arbre, rien d’autre… même si ce n’était pas tout à fait vrai. Dans ses souvenirs il y avait toujours l’arbre, mais aussi la tempête… et la maison au milieu de la forêt.

Quand elle reprit conscience, elle vit son père à côté de son lit d’hôpital. Pâle, les cheveux mouillés par la pluie plaqués sur son front. Ses paupières irritées par les larmes

Quand elle reprit conscience, elle vit son père à côté de son lit d’hôpital. Pâle, les cheveux mouillés par la pluie plaqués sur son front. Ses paupières irritées par les larmes étaient cerclées de rouge. Quand il la vit ouvrir les yeux, il se pencha, le visage crispé, mais avec un début de soulagement. Cette attitude la remplit d’une immense tendresse, l’émotion menaçant de la submerger. Elle l’aima, comme elle l’avait toujours aimé. C’est ce qu’elle voulut lui dire, mais elle sentit alors le léger contact de ses lèvres chaudes lui susurrant à l’oreille :

— Amaia, ne le raconte à personne. Si tu m’aimes, fais-le pour moi. Ne raconte rien.

Tout l’amour qu’elle éprouvait, qu’elle avait toujours éprouvé pour lui, lui oppressa douloureusement le cœur. Les mots destinés à lui dire combien elle l’aimait moururent en elle et restèrent comme un souvenir pénible, collés à ses cordes vocales. Incapable d’émettre un son, elle acquiesça, et son silence devint le dernier secret de son père qu’elle garderait et la raison pour laquelle elle cessa de l’aimer.

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PREMIÈRES LIGNE #130 La chambre Close de Sjöwall et Wahlöö

PREMIÈRES LIGNE #130

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

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Le livre en cause

La chambre close : le roman d’un crime de Maj Sjöwall et Per Wahlöö

Une femme commet un braquage au cours duquel un homme est tué accidentellement. Dans le même temps, deux dangereux pilleurs de banques écument stockholm, et mettent la police sur les dents. Martin Beck quant à lui, reprenant le travail après une longue convalescence, se heurte à une affaire bizarre : un vieil invalide nécessiteux est retrouvé mort dans une pièce sordide soigneusement fermée de l’intérieur. Il a une balle dans le ventre. La police veut conclure à un suicide, mais dans ce cas où est passé le pistolet ? Un pistolet qui, justement, semble avoir servi au braquage… À partir d’un classique mystère de chambre close se dessine progressivement une affaire complexe, à la résolution parfaitement amorale.

1

Au moment où elle sortit de la bouche de métro de Wollmar Yxkullsgatan, 14 heures sonnaient à l’église de Maria. Elle s’arrêta pour allumer une cigarette, avant de se diriger à grands pas vers la place de Mariatorget.

La vibration de l’air, propageant le bruit des cloches, lui rappela les tristes dimanches de son enfance. Elle était née et avait grandi à quelques pâtés de maisons de cette église, où elle avait été baptisée et fait sa communion voilà près de douze ans. Tout ce dont elle se souvenait, ainsi que des cours de catéchisme, c’était d’avoir demandé au pasteur ce qu’avait voulu dire Strindberg lorsqu’il avait parlé du « soprano splénétique » des cloches de l’église de Maria, mais elle ne se rappelait pas ce qu’il lui avait répondu.

Le soleil lui brûlait le dos et, après avoir traversé Sankt Paulsgatan, elle ralentit l’allure afin de ne pas être en sueur. Elle comprit soudain combien elle était nerveuse et regretta de ne pas avoir pris un calmant avant de partir de chez elle.

Une fois arrivée au milieu de la place, elle trempa son mouchoir dans l’eau de la fontaine avant d’aller s’asseoir sur un banc, à l’ombre des arbres. Elle ôta ses lunettes, se frotta rapidement le visage avec son mouchoir humide, essuya ses verres avec un pan de sa chemise bleu clair puis remit les lunettes. Ensuite elle enleva son chapeau de toile bleu à larges bords, souleva ses cheveux blonds qui lui tombaient si bas dans le cou qu’ils effleuraient les pattes d’épaules de la chemise et s’essuya la nuque. Enfin, elle remit son chapeau, le baissa sur son front et resta assise là, absolument immobile, son mouchoir roulé en boule entre ses mains.

Au bout d’un moment elle étala le mouchoir sur le banc, à côté d’elle, et s’essuya les mains sur son jean. Elle regarda sa montre, qui indiquait 14 h 10, et s’accorda trois minutes pour se calmer avant de continuer, puisqu’il le fallait.

Lorsque sonna le quart, elle souleva le rabat du sac de toile vert posé sur ses genoux, prit le mouchoir maintenant tout à fait sec et le laissa tomber à l’intérieur sans se donner la peine de le plier. Puis elle se leva, passa la sangle du sac sur son épaule droite et se remit en marche.

Tout en se dirigeant vers Hornsgatan elle sentit qu’elle se détendait et s’efforça de se persuader que tout irait bien.

C’était le dernier jour de juin, un vendredi, et, pour bien des gens, les vacances venaient de commencer. Hornsgatan était très animée, tant sur les trottoirs que sur la chaussée. Au débouché de la place, elle tourna à gauche et se trouva alors à l’ombre des immeubles.

Elle espérait avoir bien fait de choisir ce jour-là. Elle avait soigneusement pesé le pour et le contre et elle était bien consciente qu’il lui faudrait peut-être remettre l’exécution de ses projets à la semaine suivante. Ce ne serait pas bien grave, dans ce cas, mais elle préférait être soulagée de la tension nerveuse de l’attente.

Elle arriva plus tôt qu’elle ne l’avait pensé et s’arrêta du côté de la rue qui était à l’ombre, tout en observant la grande baie vitrée, en face. Le soleil s’y réfléchissait, mais elle était de temps en temps masquée par la circulation très dense de la rue. Elle put cependant constater que les rideaux étaient tirés.

Elle fit lentement les cent pas sur le trottoir en faisant semblant de regarder les vitrines, et, bien qu’il y eût une grande pendule un peu plus loin dans la rue, devant un magasin d’horlogerie, elle ne cessait de consulter sa montre-bracelet. Tout en surveillant du coin de l’œil la porte d’en face.

À 14 h 55 elle se dirigea vers le passage clouté situé au carrefour et, quatre minutes plus tard, elle se trouva devant l’entrée de la banque.

Avant de pousser la porte et d’entrer, elle souleva le rabat de son sac.

Du regard elle fit le tour de ce local, qui abritait une agence d’une grande banque. Il était en longueur, et la porte et l’unique baie occupaient l’un des murs de la largeur. À droite, un comptoir courait sur toute la longueur. À gauche, se trouvaient quatre pupitres fixés au mur et, plus au fond, une table basse de forme ronde et deux tabourets recouverts d’un tissu à carreaux rouges. Tout au bout partait un escalier très raide qui descendait en colimaçon vers ce qui devait être la salle des coffres et la chambre forte.

Il n’y avait qu’un client devant elle, un homme en train de ranger des billets et des papiers dans sa serviette.

Derrière le comptoir étaient assises deux employées et, un peu plus loin, un homme consultait un fichier.

Elle se dirigea vers l’un des pupitres et chercha un stylo dans le compartiment extérieur de son sac, tout en observant du coin de l’œil le client pousser la porte de la rue et sortir. Elle prit un imprimé et se mit à dessiner dessus. Mais elle n’eut pas longtemps à attendre avant de voir le directeur de l’agence aller verrouiller la porte d’entrée. Puis il se baissa pour soulever le taquet qui retenait la porte intérieure et, tandis que celle-ci se refermait avec un petit soupir, regagna sa place derrière le comptoir.

Elle sortit alors son mouchoir de son sac, le prit dans sa main droite et fit semblant de se moucher tout en avançant vers le comptoir, l’imprimé à la main.

Une fois arrivée devant la caisse, elle laissa tomber l’imprimé dans son sac, en sortit un filet en nylon qu’elle posa sur le comptoir, puis saisit le pistolet et le pointa vers la caissière en disant, le mouchoir devant la bouche :

C’est un hold-up. Le pistolet est chargé et, si vous bronchez, je tire. Mettez tout l’argent que vous avez dans ce filet.

La femme qui se trouvait en face d’elle la regarda avec de grands yeux, prit lentement le filet et le posa devant elle. L’autre femme, qui était en train de se peigner, assise sur une chaise, s’arrêta dans son geste et laissa retomber ses mains. Elle ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose mais n’émit pas le moindre son. L’homme, qui se tenait toujours derrière son bureau, esquissa un geste rapide, mais elle braqua aussitôt le pistolet dans sa direction et cria :

Ne bougez pas ! Les mains en l’air, tout le monde !

Puis elle agita le canon de son arme en direction de la femme, apparemment paralysée, qu’elle avait devant elle, et reprit :

Qu’est-ce que vous attendez ? J’ai dit tout l’argent !

La caissière commença alors à mettre les liasses de billets dans le filet et, une fois qu’elle eut terminé, le posa à nouveau sur le comptoir. De derrière son bureau l’homme dit soudain :

Vous ne vous en tirerez pas comme cela. La police va…

Taisez-vous ! s’écria-t-elle.

Puis elle jeta le mouchoir dans son sac resté ouvert et prit le filet, dont le poids lui parut très prometteur. Elle braqua ensuite son pistolet, à tour de rôle, vers les trois employés tout en se dirigeant lentement vers la porte, à reculons.

Soudain, venant de l’escalier situé au fond de la pièce, quelqu’un se jeta sur elle. C’était un grand homme blond, en pantalon blanc très bien repassé et blazer bleu aux boutons bien astiqués et portant un grand blason brodé en fils d’or sur la poitrine.

Un claquement très sec retentit dans la pièce et se répercuta d’un mur à l’autre et, tout en sentant son bras projeté malgré elle vers le plafond, elle vit l’homme au blason doré faire un bond en arrière. Elle eut le temps de noter que ses chaussures étaient neuves, qu’elles étaient blanches et avaient d’épaisses semelles en caoutchouc rouge rayé, mais ce n’est que lorsque sa tête alla cogner sur le dallage, avec un affreux bruit sourd, qu’elle comprit qu’elle l’avait tué.

Elle jeta son pistolet dans son sac, lança un regard affolé aux trois personnes mortes de peur qui se tenaient derrière le comptoir et se précipita vers la porte. Elle ouvrit celle-ci, après s’être un peu énervée sur le verrou, et, avant de se retrouver dans la rue, elle eut le temps de se dire : « Du calme, il faut que je marche tout à fait normalement. » Mais, une fois sur le trottoir, elle se mit à courir à moitié vers la première rue transversale.

Elle ne vit pas vraiment les gens autour d’elle, sentant seulement qu’elle heurtait plusieurs d’entre eux au passage, tandis que la détonation continuait à retentir dans ses oreilles.

Elle tourna le coin de la rue et se mit alors à courir vraiment, le filet à la main et son sac lui cognant contre la hanche. Elle ouvrit brutalement la porte de l’immeuble dans lequel elle avait habité étant enfant, enfila jusqu’au bout le couloir bien connu qui donnait sur la cour et, une fois parvenue là, ralentit l’allure et se mit à marcher normalement. Au fond de la cour, elle pénétra dans un autre immeuble qu’elle traversa également et se retrouva dans une nouvelle arrière-cour. Là, elle descendit l’escalier très raide menant à la cave et s’assit sur la dernière marche.

Elle essaya alors de mettre le filet de nylon noir dans son sac, par-dessus le pistolet, mais il n’y tenait pas. Elle ôta donc son chapeau, ses lunettes, ainsi que sa perruque blonde, et fourra le tout à la place. Elle était maintenant brune, les cheveux courts. Elle se leva, déboutonna sa chemise, l’enleva et la mit également dans le sac. Dessous, elle portait un maillot de coton noir à manches courtes. Elle passa la sangle de son sac sur son épaule gauche, prit le filet à la main et regagna la cour. Elle traversa plusieurs autres immeubles et plusieurs cours et enjamba deux murets avant de se retrouver dans la rue, à l’autre extrémité du pâté de maisons.

Elle entra dans un magasin d’alimentation, acheta deux litres de lait, qu’elle mit dans son sac à provisions avec, par-dessus, le filet de nylon noir.

Puis elle se dirigea vers Slussen et prit le métro pour rentrer chez elle.

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PREMIÈRES LIGNE #129 l’analphabète qui savait compter, Jonas Jonasson

PREMIÈRES LIGNE #129

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Le livre en cause

L’Analphabète qui savait compter, Jonas Jonasson

« Statistiquement, la probabilité qu’une analphabète née dans les années 1960 à Soweto grandisse et se retrouve un jour enfermée dans un camion de pommes de terre en compagnie du roi de Suède et de son Premier ministre est d’une sur quarante-cinq milliards six cent soixante-six millions deux cent douze mille huit cent dix.
Selon les calculs de ladite analphabète. »

Tout semblait vouer Nombeko Mayeki, petite fille noire née dans le plus grand ghetto d’Afrique du Sud, à mener une existence de dur labeur et à mourir jeune dans l’indifférence générale. Tout sauf le destin. Et sa prodigieuse faculté à manier les nombres. Ainsi, Nombeko, l’analphabète qui sait compter, se retrouve propulsée loin de son pays et de la misère, dans les hautes sphères de la politique internationale.
Lors de son incroyable périple à travers le monde, notre héroïne rencontre des personnages hauts en couleur, parmi lesquels deux frères physiquement identiques et pourtant très différents, une jeune fille en colère et un potier paranoïaque. Elle se met à dos les services secrets les plus redoutés au monde et se retrouve enfermée dans un camion de pommes de terre. A ce moment-là, l’humanité entière est menacée de destruction.
Dans sa nouvelle comédie explosive, Jonas Jonasson s’attaque, avec l’humour déjanté qu’on lui connaît, aux préjugés, et démolit pour de bon le mythe selon lequel les rois ne tordent pas le cou aux poules.

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Où il est question d’une fille dans une cabane et d’un homme qui, une fois mort, l’en fit sortir


D’une certaine manière, les videurs de latrines du plus grand ghetto d’Afrique du Sud étaient bien lotis. Après tout, ils avaient du travail et un toit au-dessus de la tête.

Néanmoins, statistiquement, ils n’avaient aucun avenir. La plupart succomberaient jeunes à la tuberculose, à une pneumonie, aux diarrhées, à la drogue, à l’alcool ou à une combinaison de l’ensemble. Quelques rares spécimens auraient le privilège de fêter leurs cinquante ans, ce qui était le cas du chef du bureau des latrines de Soweto, même s’il était usé par le travail et malade. Il avalait bien trop d’antalgiques avec bien trop de bière bien trop tôt le matin. En conséquence, il se montra un jour quelque peu véhément à l’égard d’un représentant envoyé par les services sanitaires de la commune de Johannesburg. Un moricaud qui osait hausser le ton ! L’affaire remonta jusqu’aux oreilles du chef de service qui, lors de la collation matinale avec ses collaborateurs le lendemain, annonça qu’il était temps de remplacer l’analphabète du secteur B.

Une collation particulièrement agréable d’ailleurs, puisqu’on y avait mangé du gâteau pour souhaiter la bienvenue à un nouvel agent sanitaire : Piet du Toit, qui, à vingt-trois ans, venait d’être embauché pour son premier travail.

Ce fut lui qu’on chargea de régler le problème de Soweto, car c’était ainsi qu’on fonctionnait dans cette commune : on attribuait les analphabètes aux bleus afin qu’ils s’endurcissent.

Personne ne savait si tous les videurs de latrines de Soweto étaient effectivement analphabètes, mais on les nommait ainsi. Désormais, mieux valait éviter d’appeler un nègre un nègre. De toute façon, aucun n’était allé à l’école, ils vivaient tous dans des taudis et avaient le plus grand mal à comprendre ce qu’on leur disait.

Piet du Toit se sentait mal à l’aise. C’était sa première visite chez les sauvages. Pour plus de sécurité, son marchand d’art de père lui avait fourni un garde du corps.

Le gamin de vingt-trois ans entra dans le bureau des latrines et ne put s’empêcher de lâcher une remarque irritée sur l’odeur. Là était assis le chef des latrines, celui qui allait devoir partir. Et, à côté de lui, une petite fille qui, à la stupéfaction de Piet, ouvrit la bouche et répondit que la merde avait en effet la fâcheuse propriété de puer.

L’agent sanitaire se demanda l’espace d’une seconde si la gamine se moquait de lui, mais ce n’était pas envisageable. Il laissa tomber et alla droit au but. Il expliqua au chef des latrines qu’il ne pouvait plus garder son travail, car il en avait été décidé ainsi en haut lieu, mais qu’il percevrait trois mois de salaire si, au cours de la semaine suivante, il lui présentait trois candidats pour le poste qui venait de se libérer.

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PREMIÈRES LIGNE #122 : La Capture, Nicolas Lebel

PREMIÈRES LIGNE #122

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

La Capture, Nicolas Lebel

Morguélen. Un nom funèbre pour une île bretonne giflée par les vents.
Un terrain idéal pour la lieutenante Chen, lancée dans une traque sans merci. Dans son viseur : des tueurs à gages insaisissables, les Furies, déesses du châtiment.
Mais à l’heure de la rencontre, la partie pourrait bien compter plus de joueurs qu’il n’y paraît. Et quand le prêtre de cette île du bout du monde entre à son tour dans la danse, une seule certitude demeure : quelqu’un va mourir.

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LES POUSSEURS DE BOIS

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Samedi 9 octobre

Phase 1 – La mise en place
Temps restant : 32 heures 04 minutes

D’une pression sur la touche du lecteur, le père Petrovácz laissa résonner L’Adagio d’Albinoni dans l’église. Le pizzicato des cordes rythma soudain le silence de la petite nef déserte, emplissant le lieu de plus de gravité qu’il ne pouvait en contenir. La mélancolie du mode mineur magnifiait le tempo, parfait pour une cérémonie funèbre, et ne manquait jamais d’arracher des larmes aux plus endurcis. Du bout de ses doigts maigres, le vieux prêtre aux cheveux blancs ajusta le volume avant de se déplacer vers le chœur. Immobile dans son aube violette, baignant dans la lumière bigarrée qui tombait des vitraux, il goûta la montée des violons. C’était sublime. Son premier choix s’était porté sur l’Ave Maria de Schubert, qu’il utilisait souvent en pareille occasion, mais la famille du défunt – réduite à sa nièce, en l’occurrence – avait préféré un air « moins commun ». Lorsqu’il avait proposé le célèbre adagio, la jeune femme avait été conquise et l’avait chaleureusement remercié de personnaliser ainsi la cérémonie. On n’enterre pas tous les jours le dernier membre de sa famille.

Le père Petrovácz coupa la musique et disposa devant l’autel un pupitre sur lequel il déposa le texte de son oraison, deux tréteaux qui recevraient le cercueil et deux pique-cierges sur pied. Tout était en place. Il regarda sa montre : encore deux minutes. Il passa dans la sacristie, attendit qu’il soit 10 heures pile et appuya sur un bouton. Le bourdon tonna dans les hauteurs du clocher, une fois, deux fois, puis toutes les deux secondes, avertissant toute l’île qu’on célébrait aujourd’hui à l’église la vie d’un homme, et sa mort – enfin, son départ vers Dieu.

Alors que sonnait le glas, le père Petrovácz remonta la nef, ouvrit les imposantes portes et sortit sur le parvis. Il plissa les yeux, surpris par la clarté éblouissante qui tombait du ciel blanc. Une bien belle journée d’octobre, même si la météo annonçait une tempête, de celles qui s’abattaient généralement sur l’île au début de l’automne. Au moins, l’enterrement se déroulerait sans pluie.

Une bourrasque froide balaya ses illusions. Le temps pouvait changer du tout au tout en moins d’une heure sur la Bretagne, surtout en mer ; vous vous réveilliez sous un soleil printanier pour déjeuner sous une averse, et certaines journées entamées en ciré se finissaient en maillot sur la plage. Comme on disait ici, « en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jour » ! Le prêtre l’avait compris au fil des années passées sur l’îlot. En ces terres battues par les vents et les vagues, rien n’était jamais acquis.

L’homme sensé savait se plier aux caprices du ciel. L’homme d’Église pensait pouvoir les justifier.

PREMIÈRES LIGNE #121 : L’île des damnés, Angélina Delcroix

PREMIÈRES LIGNE #121

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

L’île des damnés, Angélina Delcroix

Prologue

D’ici, personne ne peut l’entendre crier. Ça tombe bien, elle n’en a pas l’intention. Il vient déjà de la violer à trois reprises, elle ne lui offrira pas la satisfaction de sa douleur ou de sa peur en hurlant comme une midinette. Heureusement pour lui, elle ne peut pas rompre les cordes qui la maintiennent bien droite contre l’arbre. Il goûterait alors à sa haine, il couinerait comme un marcassin. Ils l’ont tous fait quand leur jouissance montante a basculé vers une fin douloureuse. La « Prostituée de la mort » a été son surnom, jusqu’à son arrivée ici. Ironie de l’histoire, aujourd’hui, cette chose qu’on appelle un homme est en train de lui faire subir le sort minable d’une lente agonie dégradante. Elle lui crache au visage alors qu’il remonte son pantalon et n’a pas le temps de voir arriver l’effet boomerang. Il lui décoche un coup de poing qui envoie son crâne percuter le tronc robuste lui servant de tuteur. Son nez fait un bruit sec, son esprit vacille. Sa tête retombe lourdement vers l’avant et danse dans le vide en laissant couler un filet rouge.

La pleine lune offre un plan satisfaisant. Caché derrière un fourré, il observe la scène. Raide et immobile, la chemise bleue fermée jusqu’à la glotte, les cheveux plaqués de chaque côté de la raie latérale, il attend. La mise à mort ne lui provoque aucune émotion. Pas de dégoût, pas d’excitation non plus. Électroencéphalogramme plat. Il attend son tour. Son truc à lui, c’est la mort quand elle est déjà là. Ni avant, ni pendant… après.

Il sait que celui de la chambre 12 en a bientôt fini avec elle. Cet imbécile ne varie jamais son mode opératoire.

— Tu n’as même pas les couilles de m’affronter ! crache-t-elle en même temps qu’un spray rougeâtre alors qu’elle recouvre ses esprits. Un porc serait mieux monté que toi.

— Ah ouais ! grogne celui de la chambre 12. Tu veux vraiment que je te remontre ?

Un éclat de rire vient soudainement le tacler. La femme augmente le volume et ne s’arrête plus. Peut-être pour évacuer. Peut-être pour en finir au plus vite. Peut-être par simple folie.

Elle sent les mains se poser autour de son cou. Les rires ne passent bientôt plus la limite de la trachée et le résultat sonore ressemble à une tête de lecture écrasée sur un vinyle. Elle plonge son regard défiant dans les yeux de celui qui a le pouvoir ce soir. Elle sait qu’il va y chercher une lueur de panique, de supplication, de terreur. Elle ne lui offrira pas plus que les cris. Elle le nargue jusqu’au dernier souffle pour le priver de sa jouissance sadique. Il regarde la vie abandonner cette folle. Elle a gagné. Il ressent une énorme frustration.

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