PREMIÈRES LIGNE #117 : Cinabre, Nicolas Druart

PREMIÈRES LIGNE #117

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes. (ou parfois le lundi)

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Cinabre, Nicolas Druart

Prologue

Son hilarité résonnait en cascade dans le boyau de velours bordeaux. La bouche grande ouverte, expulsant les gémissements de l’aliénation, l’homme en robe de chambre titubait le long d’un dédale de couloirs sombres, illuminés par des lanternes suspendues au plafond, qui répandaient des cônes rougeâtres sur les formes géométriques de la moquette. L’éclairage tamisé fluctuait par endroits, était absent à d’autres, immergeant des zones entières du corridor dans une pénombre angoissante. Les lieux étaient déserts, les portes des chambres qui jalonnaient l’étage, fermées, silencieuses. Abandonnées. En proie à un fou rire incontrôlable, l’homme avançait plié en deux, la main en appui contre le revêtement molletonné des murs grenat.

Des larmes affluèrent – de joie ou de désespoir, il l’ignorait. Voûté comme si une chape de folie enserrait ses épaules, il chancelait dans l’obscurité, tel un marin ivre sur le pont d’un bateau pris dans la tempête.

Le sol tanguait ; les parois s’éloignaient, se rapprochaient. Désorienté, l’homme ferma les yeux. Les rouvrit. Tout était flou dans son esprit. Sa vision brouillée distordait les motifs qui ornaient les murs et la moquette : les losanges s’arrondissaient, les lignes ondulaient. Le couloir dans sa totalité semblait se contracter, se relâcher, tel un appendice moquetté qui respirait.

La ceinture du peignoir dénouée et les attributs valdinguant allègrement, il tourna à l’angle du corridor dans le plus simple appareil, puis déboucha dans un nouvel étau de velours. Il s’immobilisa un instant, sidéré, avant de glousser de plus belle.

Chambre 802.

Il était revenu à son point de départ. Il avait marché pendant une durée indéterminée sans croiser une seule sortie de secours ni la moindre cage d’escalier, pas même les ascenseurs qui l’avaient élevé jusqu’à ce niveau vertigineux. L’architecte de cet établissement labyrinthique était assurément un fou. Ou un génie. Les murs bougeaient, l’homme au peignoir en était désormais persuadé. Et ils murmuraient, aussi. Il pouvait les entendre, tel un sifflement étouffé qui bourdonnait dans ses tympans.

L’hôtel était vivant.

Il se dirigea vers la porte de sa chambre, restée ouverte. Entra dans la salle de bains en se cognant au mobilier. Se posta devant le grand miroir encastré dans le carrelage mural.

Une ombre se tenait à la place de son reflet, silhouette oblongue, ténébreuse, drapée dans une ample tenue noire flottante. Effaré, il la contempla quelques secondes avant que le bras de celle-ci traverse la glace. Elle lui tendit un couteau. Alors qu’il s’en saisissait, il s’assit sur le rebord de la baignoire en souriant plus largement encore. À trop s’esclaffer, ses abdominaux et les muscles de son visage le faisaient souffrir.

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