Premières Lignes #185 : Ce pays qu’on assassine, Gilles Vincent

PREMIÈRES LIGNES #185

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Ce pays qu’on assassine, Gilles Vincent

Première partie

1

Marseille, lundi 31 août,
vingt-trois heures quarante-sept.

Quand la commissaire débouche avenue des Chartreux, la première chose qu’elle discerne, tremblotant dans l’air moite du soir, est le reflet du réverbère sur la parka de cuir. Un flottement lumineux, tout en vibrations. De loin, elle devine le corps inerte, les jambes sous la bécane renversée, elle distingue la carcasse affaissée contre le trottoir, les bras en croix.

Elle laisse les clés se balancer à l’aplomb du contact, pousse fermement la portière et pose les deux pieds sur le bitume encore trempé d’orage.

La commissaire Aïcha Sadia respire l’odeur caféinée du goudron chaud après l’averse.

Machinal, le glissement des doigts entre ses boucles brunes, cette façon à elle de mettre un semblant d’ordre entre les mèches. En deux temps trois mouvements, elle allume une mentholée, s’encrasse les alvéoles et fait les premiers pas vers la scène de crime.

Le fourmillement de la machinerie policière la conforte dans l’idée qu’elle débarque avec un sacré retard. Les types de la Scientifique, affublés comme des cosmonautes, fouinent déjà un peu partout, tandis que les gars de l’antigang, debout, un peu à l’écart, échangent à voix basse comme des chasseurs aux pieds du gibier abattu. Sans compter les CRS qui quadrillent la zone, en contrôlent chaque accès. Et puis les journalistes, les photographes, les curieux de tout poil maintenus à distance.

Ce soir, elle n’était pas de service. Aussi, a-t-elle hésité un moment sur la meilleure façon d’occuper la soirée. Finalement, face à l’offensive orageuse, elle a opté pour la solution Palme d’or en avant-première au ciné du quartier. Une histoire de conflit ethnique au Sri Lanka, de réfugiés tamouls, de leur intégration dans la France des quartiers.

En sortant, elle a rallumé son portable, noté les douze appels en absence de Théo Mathias, le légiste de l’équipe.

– Dis, Théo, tu ne peux pas me lâcher ? Pour une fois que je me fais une toile, peinarde.

Puis elle l’a écouté énumérer les raisons de ses appels successifs : la moto, le feu rouge, la balle précédant les coups de grâce, et puis tout le sang autour du casque qui gagne le bitume, dessine sa couronne mortuaire.

Une exécution en règle.

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