Premières lignes # 157 : Carla ou les 28 nuits, Claire Menichi

PREMIÈRES LIGNEs #157

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Carla ou les 28 nuits, Claire Menichi

Paris, le 14 mars 1996

Cher Jean-Jacques,

C’est en toute discrétion que je fais parvenir à l’ami cher que vous êtes, ce manuscrit.

Il s’agit d’une pièce à ne pas divulguer, pièce maîtresse d’un procès d’assises dont j’ai été chargé comme expert par un juge d’instruction afin de déterminer le degré de discernement et par là de responsabilité pénale de l’auteur du crime (que je vais expliciter d’ici peu) au moment des faits incriminés. Vous n’êtes pas sans savoir que je me suis engagé au secret professionnel tout comme j’ai prêté serment pour cette mission.

Carla Kline, âgée de 22 ans encourt une peine de prison pour tentative d’homicide volontaire sur sa mère.

Le 1 mars 1996, au milieu de la nuit, Carla Kline, après s’est introduite avec son double de clef chez sa mère, s’est mise à mordre férocement le ventre de celle-ci tout en avalant la chair arrachée. Les cris de la mère ont réveillé le frère (venu pour le week-end sans que la fille ne le sache) lequel n’a réussi à libérer sa mère qu’en assénant plusieurs coups de poing sur le visage de sa sœur.

La mère a une plaie profonde à l’abdomen avec perforation jusqu’à l’intestin grêle et également des marques de morsure sur le torse notamment la poitrine ; toutefois son état vital n’est pas en jeu. La fille a la mandibule cassée, de multiples contusions au visage et est maintenant placée en unité de soins à Fresnes. Vu son état de santé, je n’ai pas encore pu la questionner et établir une pathologie clinique.

La police a trouvé dans son sac à dos un rouleau de papier (des feuilles scotchées entre elles) recouvert d’écriture manuscrite en pattes-de-mouches (néanmoins sans schizographie) et de dates très précises et récentes. Dans le cadre de mon expertise, je l’ai lu et, pour permettre des lectures suivantes sans déchiffrage fastidieux, l’ai retranscrit en tapuscrit.

Cet écrit est cru, dérangeant, tissu de fantasmes, délires et m’a fait penser au cher marquis que vous affectionnez tant, sans la dimension philosophique, révolutionnaire, remplacée dans ce cas par une dimension nihiliste, destructive et auto-destructive.

Je me questionne sur le poids de cet écrit que bien sûr, je ne suppose pas un témoignage, mais doit-on y voir que pure délire hallucinatoire, prémonitoire ou y a-t-il au contraire une quelconque poétisation, une sublimation artistique à reconnaître ? Passage à l’acte il y a eu, dangerosité sur autrui également (quoique par choix symbolique sur la mère, sans vouloir minimiser son acte), y a-t-il un échappatoire artistique possible pour cette jeune fille visant à apaiser sa souffrance psychique et à éviter à la société une récidive ?

C’est donc pour la valeur littéraire, narrative de cet écrit que je vous sollicite. J’aurais besoin de votre avis, mon cher ami, dans un délai bref afin d’avancer dans mon expertise psychiatrique. Pouvez-vous, je le répète en toute discrétion, me rendre votre ressenti sur cet écrit ?

Je vous prie d’agréer, cher Jean-Jacques, ma sincère amitié et reconnaissance fraternelle,

Docteur Emile Cyrant,

Hôpital de la Salpêtrière

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