Premières Lignes #184 : La brigade des buses, Ludovic Mélon

PREMIÈRES LIGNES #184

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

La brigade des buses, Ludovic Mélon

Une pépite venue de Belgique : plus crazy crime que cosy crime, d’une drôlerie irrésistible !

Tout frais élu à la mairie, Oliver Larnac nomme à la tête de la 10e division de police son vieil ami et complice Jack Lescrot, qui n’a pourtant vraiment rien d’un flic.

Sur place, Jack découvre une situation calamiteuse : l’équipe ne compte plus que trois enquêteurs un peu bras cassés et assez tire-au-flanc, heureusement secondés par Prosper, un formidable cochon renifleur de faux billets. On surnomme désormais cette division la brigade des buses.

La mission de Jack est double : rétablir la réputation de la brigade et accessoirement rester en vie. Car, il le découvre bien vite, ses prédécesseurs ont subi un sort peu réjouissant…

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La brigade des buses

À défaut d’une honnêteté sans faille, des années de précautions variées avaient évité à Jack de séjourner en prison. Ainsi une fenêtre entrouverte le prévint de la présence d’un groupe de policiers, quelques mètres plus bas, dont les radios crépitaient de concert.

La bouche pâteuse et les tempes douloureuses, Jack ouvrit un œil encroûté et s’étira dans le canapé. Sa vue s’accommoda lentement sur le luxueux appartement qui l’entourait. Plutôt spacieux, lumineux et meublé avec goût, il avait dû coûter une fortune à son propriétaire en voyage d’affaires. Au même titre que cette montre, pensa Jack en attrapant une Rolex posée sur le guéridon installé derrière sa tête.

Ses doigts hésitèrent quelques instants sur un étui à cigares de premier choix avant de s’en défaire. À la réflexion, son haleine était probablement inflammable.

Il se passa les mains sur le visage. Ces dernières rencontrèrent successivement une barbe de trois jours, une collection de fines cicatrices étalées le long de traits anguleux et aboutirent dans un désordre de cheveux bruns. Il s’extirpa paisiblement du canapé moelleux et regarda à travers la fenêtre donnant sur la vaste place des Palais, encore assez peu peuplée à l’heure des premiers rayons de soleil. Seuls quelques combis de police, agglutinés au pied de son immeuble, avaient matière à inquiéter.

Jack enfila un peignoir en flanelle rose bonbon trop petit et contourna une divinité grecque en marbre blanc arrivée au cours de la nuit. S’installant à table, l’homme se fit la réflexion qu’un appartement au rez-de-chaussée serait à l’avenir plus commode.

Des bruits de pas précipités se multipliaient dans l’escalier des communs. L’un des policiers donnait des injonctions aux autres avec une excitation que la lourde porte de l’appartement ne suffisait pas à filtrer. À l’évidence, toute discrétion était inutile. L’immeuble, comme les autres de

a place, datait de la Renaissance et comportait un unique escalier central en guise d’issue. De cet étage, fuir par la fenêtre garantissait de finir en lasagne sur le trottoir. Une lasagne très plate. Et de toute façon, Jack avait le vertige.

Il se versa une généreuse portion de céréales colorées en forme de dinosaures et prit son téléphone pour consulter l’actualité. La une était consacrée au vol d’un tableau de maître dans l’hôtel particulier d’une célébrité. Si les gens comprenaient qu’ils ne doivent pas laisser traîner d’échelle dans leur jardin, déplora Jack en regardant ledit tableau, posé dans un coin de la pièce.

— Police ! Ouvrez cette porte ! hurla-t-on dans le couloir.

Jack, sans détourner les yeux de l’article, s’efforçait de mâcher l’impressionnante quantité de céréales qu’il venait d’enfourner. Ces derniers mois, les vols d’objets d’art avaient gagné en popularité dans la presse. Attribués à un seul personnage, ces vols bravaient toujours davantage l’autorité, résignée à répéter que l’enquête suivait son cours. Les inspecteurs estimaient cette formulation plus élégante que « oh vous savez, votre voleur, on n’est pas près de l’attraper. Ah ça non. Voyez, on a des tonnes d’indices mais pas l’ombre d’une piste sur le type qui les sème ».

À l’heure où une énième crise économique accaparait l’actualité, les lecteurs ne crachaient pas sur un peu de distraction. En outre, l’avantage des vols d’objets hors de prix, c’est qu’ils n’inquiétaient que ceux qui en possédaient. Voyant le sujet grimper au sommet des vues, les rédactions ne voulaient pour rien au monde passer à côté d’un détail croustillant, quitte à enjoliver les péripéties de celui qu’on avait surnommé le Rossignol. À défaut d’originalité, c’était vendeur et facile à trouver dans un moteur de recherche.

La vieille taupe qui vivait au rez-de-chaussée avait dû le dénoncer, après l’avoir croisé avec ce tableau.

— Dernier avertissement ! Si vous n’ouvrez pas, nous cassons cette porte.

Témoignant de la présence d’un bélier, un bruit sourd fit trembler les murs de l’immeuble. Quelques secondes plus tard, un craquement sonore indiqua que la porte des voisins du dessous venait de céder. Puisant une nouvelle fois dans son bol, l’intéressé se félicita d’avoir migré d’un étage au cours de la nuit. Le premier jour de sa nouvelle carrière s’annonçait plutôt bien.

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