Premières Lignes #186 : L’envers de la charité, Pascal Grand

PREMIÈRES LIGNES #186

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

L’envers de la charité, Pascal Grand

Mercredi 7 juin 1786 – Lyon

« S’en est allée au bal
La jeune demoiselle
Lui en a pris bien mal
Car n’a pas reparu chez elle !
La fille Mariette Lapalud s’est rendue avant-hier
au bal donné au café de l’Âne Vert au Pré-Morand… »

Toussaint s’approcha de la croisée, ouverte sur la place noyée de soleil. Il jeta un œil au crieur arrêté au milieu de la placette. Coiffé d’un chapeau orné de plumes, l’homme ponctuait chaque annonce du tintement d’une clochette qu’il agitait à bout de bras. Faisant cercle autour de lui, des femmes en profitaient pour s’octroyer une courte pause, elles avaient posé leurs paniers et fardeaux à leurs pieds. Mains sur les hanches, elles penchaient la tête sur le côté pour mieux entendre les nouvelles. Des porteurs d’eau et des vendeurs ambulants de limonade et de café vinrent élargir le cercle, puis des journaliers et des affaneurs, ces traîne-savates qu’on voyait tout au long de la sainte journée aller de port en port sur les rives de la Saône, à l’affût de quelques sols à gagner.

— La journée promet d’être chaude, dit-il, plus pour lui-même que pour Hortense qui sortait de la chambre, vêtue seulement d’un pantalon court de batiste et d’une chemise.

— Tant mieux, notre promenade sur l’Île Barbe n’en sera que plus agréable.

— J’espère que les garçons du collège ne lésinent pas sur les sels d’alun… Sinon, mon cadavre va se répandre par tous ses orifices…

Hortense jeta un œil par la fenêtre.

— Vous êtes horrible… mais ne soyez pas tant inquiet, votre leçon inaugurale sera un franc succès. Que nous dit notre aboyeur ?

La cloche tintait de nouveau.

« Vous direz des patenôtres
Pour le sieur Crozet
Qui a quitté nous autres
Chutant du toit qu’il réparait… »

Hortense fit volte-face, se saisit d’une lettre posée sur le maroquin de cuir pour s’éventer. Puis, réalisant ce qu’était le papier qu’elle utilisait comme éventail, elle le déplia et lut les premières lignes silencieusement.

— Je n’en reviens toujours pas…

Elle se mit à déclamer le texte avec emphase, simulant une mauvaise comédienne qu’ils avaient vue dans une pièce de Corneille à Orléans :

Monsieur Toussaint,

Je vous fais parvenir cette lettre pour vous dire le très vif intérêt que Messire Andouillé, Premier Chirurgien de Sa Majesté et Président de l’Académie Royale de chirurgie de Lyon, a pris à la lecture de votre ouvrage récemment paru, le « Traité de médecine judiciaire à l’usage des chirurgiens-jurés ».

Messire Andouillé a formé le souhait que vous soyez invité à donner un cours pratique au Collège royal de Chirurgie de Lyon. Il s’en est ouvert à Monseigneur le Duc de Villeroy, Gouverneur et Lieutenant Général pour le Roi de la Ville de Lyon, qui a souscrit à cette brillante proposition et a demandé au Consulat de rendre ce projet possible. Il me revient l‘honneur de vous transmettre cette invitation : si vous acceptez d’enseigner les fondements de la chirurgie judiciaire à une assemblée de médecins et chirurgiens lyonnais, au sein du Collège de Chirurgie, la Ville vous versera la somme de 3 000 livres et pourvoira à votre logement pour le temps de votre séjour à Lyon.

Je vous prie de me faire savoir si cette proposition vous agrée, et je ne m’avance guère en disant que Monseigneur le Duc de Villeroy intercédera pour que vous obteniez un congé de l’École de Chirurgie d’Orléans.

M. Guérin, Chirurgien, Lieutenant de M. le premier Chirurgien du Roi

— C’est à peine croyable, vous avez reçu cette lettre en février, et nous voici, le sept juin, installés à Lyon, place Saint-Michel1 de surcroît, à deux pas d’Ainay. Moi qui rêvais de vivre ici, dans la deuxième ville du royaume !

— Vous savez bien que nous n’y sommes que pour deux mois, la durée du cours que je dois donner.

— Je gage qu’ils feront tout pour vous retenir… « Le traité de votre époux a mis les sociétés savantes en émoi » – souvenez-vous de ce qu’écrivait mon cousin l’abbé du Bois d’Oingt…

— J’ai hâte de voir de quel bois il est fait, votre cousin. Depuis le temps que vous me parlez de lui…

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