Premières lignes #172 : Repentie, Margot Douaihy

PREMIÈRES LIGNES #172

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Repentie, Margot Douaihy

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Le diable ne se cache pas dans les détails. Le mal prospère dans les angles morts. Il se nourrit de l’absence, des espaces négatifs, un peu comme le flou qui règne autour des mains d’un prestidigitateur. Les détails, quant à eux, sont l’œuvre du Seigneur. Et mon job à moi consiste justement à maintenir l’ordre dans ces détails.

Il m’a fallu près de quatre heures et demie pour terminer la lessive et nettoyer les vitraux. Je ne sentais plus mon corps. Tous mes muscles tiraient. Même avaler était devenu douloureux. Si bien qu’au moment où mes sœurs se sont dirigées vers la salle de réunion, leurs dossiers et leurs documents pressés contre leur habit noir, j’ai préféré m’accorder un moment de réflexion divine dans l’allée. Autrement dit, une pause clope. On était dimanche, et la nuit tombait.

Une entorse au jour du Seigneur, je sais. Pas de quoi être fière. Mais après tout, carpe diem.

Une heure tranquille, voilà tout ce dont j’avais besoin. J’avais eu l’impression toute la journée d’être écrasée sous un nuage lourd de menaces. L’air était épais, chargé de poussière, râpeux comme les mains et les pieds d’un pèlerin. La chaleur collante n’a rien d’inhabituel à La Nouvelle-Orléans, sauf que c’était encore pire ce jour-là. Le soleil était aussi rouge qu’un énorme bouton de moustique. Quelque chose mijotait doucement, dissimulant à peine la violence du bouillonnement. Hors de question d’encaisser un nouveau blâme.

Le premier trimestre se terminait dans une semaine et deux gosses s’étaient déjà plaints de moi. « Toujours sur notre dos, avait gribouillé l’un deux, je sens plus mes doigts ! » L’autre (anonyme, vous noterez bien) avait écrit : « Les cours de musique, c’est de la TORTURE !!! » Ce qui m’inquiétait, c’était que mère Augustine, la supérieure du couvent et la directrice de l’école, aussi solide et robuste qu’un nœud de marin, profite de la réunion du dimanche pour me cuisiner devant tout le monde. Ce qui allait inévitablement conduire sœur Honorée à s’emparer d’incidents mineurs pour légitimer la croisade qu’elle a lancée contre moi. Les conneries débitées par cette bonne femme étaient tellement énormes qu’on aurait dû les retranscrire dans les Évangiles. Bon, d’accord, je mettais la barre haut. Super haut. Mais l’Institut Saint-Sébastien était l’un des derniers établissements catholiques privés ; loin d’être chic, c’était quand même une école d’élite. Je faisais répéter mes classes une heure entière, cinq jours par semaine. Comme un orchestre professionnel. Comment voulez-vous apprendre, sinon ? S’investir, chaque jour, il n’y a pas de miracle. Et je ne rendrais pas service aux élèves si je m’y prenais autrement. À Dieu encore moins.

Souffrir ? Un privilège.

Ressentir la douleur ? La preuve qu’on progresse.

Avoir mal ? Celle qu’on est en train de changer.

Tout le monde peut changer. Même moi.

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