Premières Lignes #182 : Revolver, Duane Swierczynski

PREMIÈRES LIGNES #182

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Revolver, Duane Swierczynski

4e de couv :

Tout commence à Philadelphie le 7 mai 1965. La ville est secouée par des émeutes raciales. Dans un bar au coin d’une rue, l’officier de police Stan Walczak et son coéquipier George Wildey sont abattus à coups de revolver. Le double meurtre restera non résolu. En 1995, le fils de Stan, devenu inspecteur, enquête sur l’assassinat d’une journaliste, mais cherche toujours à savoir qui a tué son père. C’est Audrey, la petite-fille de Stan, étudiante en criminologie, qui conduira la famille à la vérité.

 

STAN WALCZAK
7 mai 1965


L’agent Stanislaw « Stan » Walczak avale généralement la bière par litres, mais cette après-midi chaude de printemps, il y va doucement. Du dos de sa main épaisse il essuie la sueur qui perle sur son front. Il fait 23 °C et l’air est très moite. Son sang polonais ne supporte pas l’humidité.
Il jette un coup d’œil à son équipier, George W. Wildey.
Contrairement à Stan, Wildey transpire rarement. Et il ne boit pratiquement jamais. Mais il a décrété qu’après la semaine qu’ils viennent de passer, une petite mousse était tout à fait appropriée. Stan ne pouvait qu’être d’accord.
Ils sont en civil mais toute personne qui entrerait dans le bar les repérerait immédiatement. À North Philly, jamais un Blanc ne traînerait avec un Noir, à moins que ce ne soit de la flicaille sous couverture.
Techniquement, ils font tous deux l’école buissonnière.
À une douzaine de rues de là, des manifestants sont rassemblés autour de Girard College, et Stan et George sont censés être sur place pour aider à maintenir l’ordre. Il y a plus de cent trente ans, l’homme le plus riche de Philadelphie a légué l’essentiel de son énorme fortune pour la construction
d’une école destinée aux orphelins « pauvres, blancs, de sexe masculin » à la périphérie de la ville. Pendant les cent années qui ont suivi, des quartiers ont poussé tout autour du campus.
Le secteur, allemand au départ, est devenu irlandais, puis juif, et enfin noir, alors même que les étudiants de Girard College restaient pauvres, blancs et de sexe masculin.
Cependant, après l’arrêt de la Cour suprême Brown vs. Board of Education, les Noirs ont commencé à défendre leur droit à fréquenter le College. Les manifestations organisées par la NAACP ont démarré il y a sept jours, et le chef de la police a envoyé mille hommes sur les lieux pour que la situation ne dégénère pas. La dernière chose qu’on voudrait, c’est une insurrection cataclysmique comme celle qui a eu lieu en août dernier sur Columbia Avenue.
Stan et George se sont vu confier cette mission depuis le premier jour. Une punition, ils ne peuvent le comprendre autrement. Ils ont sûrement gonflé quelqu’un de très haut placé.
Mais malgré les craintes de voir éclater une nouvelle fronde, il ne s’est rien passé, en réalité. Quelques clowns ont essayé de franchir le mur d’enceinte de sept mètres de haut, mais c’est tout. Autrement, beaucoup de temps à rester plantés là, sans rien faire. Stan est quasi sûr qu’ils ne vont manquer à personne.
« T’emmènes toujours Jimmy au match, ce soir ? demande
George.
– C’est prévu, ouais, répond Stan.
– Je suis pas trop sûr des Phillies. En face, c’est les Cardinals, quand même. Qui sont champions du monde. Les Phillies vont devoir inventer quelque chose de nouveau, cette fois.
– Ils vont s’en sortir.
– Tu oublies que les Cards ont toujours Simmons et Sadecki !
– Et nous, on a Dick Allen et Tony Taylor, qui est le meilleur joueur de deuxième base, rétorque Stan dont le doigt épais tape sur le comptoir pour souligner chaque syllabe. Tu veux comparer les gauchers ? Regarde plutôt Covington.
– Si tu veux, mais tu es en train de parler de l’équipe qui a commis vingt-deux fautes sur les douze derniers matches. Pas bon, ça.
– Ils ont beaucoup joué à l’extérieur. On a dix matches à domicile devant nous.
– Tu rêves. »
Stan n’a rien à répondre à ça. Il veut juste que son fils Jimmy voie un beau match, qu’il retrouve un peu de cette exaltation d’août dernier, quand les Phils étaient imbattables et que toute la ville avait l’impression que c’était important. Quelque chose à attendre avec passion, plutôt qu’un autre été à redouter la suite. Il avale sa bière sans précipitation, en se répétant d’y aller doucement. Après tout, il a toute la journée pour boire.
« Laisse-moi choisir trois trucs dans le juke-box », dit George au bout d’un moment.
Stan acquiesce. « O.K., si tu veux. »
Il règne un silence de mort dans le bar. Il n’y a qu’eux deux, plus deux alcoolos dans le fond, chacun à sa table. Le barman décrépit essuie le comptoir, soulève les verres pour passer son chiffon, les repose, sans jamais croiser leur regard.
Le chiffon sent l’eau de Javel industrielle.
Tout à coup, Stan pense à quelque chose. Il se tourne à demi sur son tabouret et s’écrie : « Hé, pas question de nous mettre ta soul de merde.
– Allez… fait George avec un grand sourire. Tu adores la soul de merde. »
Au fond de lui, Stan trouve que certains morceaux de cette soul de merde sont pas mal du tout. Mais il ne l’avouera à personne. Surtout pas à son coéquipier.
George glisse le quarter dans la fente

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Auteur : Collectif Polar : chronique de nuit

Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

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