Premières Lignes #182 : Revolver, Duane Swierczynski

PREMIÈRES LIGNES #182

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Revolver, Duane Swierczynski

4e de couv :

Tout commence à Philadelphie le 7 mai 1965. La ville est secouée par des émeutes raciales. Dans un bar au coin d’une rue, l’officier de police Stan Walczak et son coéquipier George Wildey sont abattus à coups de revolver. Le double meurtre restera non résolu. En 1995, le fils de Stan, devenu inspecteur, enquête sur l’assassinat d’une journaliste, mais cherche toujours à savoir qui a tué son père. C’est Audrey, la petite-fille de Stan, étudiante en criminologie, qui conduira la famille à la vérité.

 

STAN WALCZAK
7 mai 1965


L’agent Stanislaw « Stan » Walczak avale généralement la bière par litres, mais cette après-midi chaude de printemps, il y va doucement. Du dos de sa main épaisse il essuie la sueur qui perle sur son front. Il fait 23 °C et l’air est très moite. Son sang polonais ne supporte pas l’humidité.
Il jette un coup d’œil à son équipier, George W. Wildey.
Contrairement à Stan, Wildey transpire rarement. Et il ne boit pratiquement jamais. Mais il a décrété qu’après la semaine qu’ils viennent de passer, une petite mousse était tout à fait appropriée. Stan ne pouvait qu’être d’accord.
Ils sont en civil mais toute personne qui entrerait dans le bar les repérerait immédiatement. À North Philly, jamais un Blanc ne traînerait avec un Noir, à moins que ce ne soit de la flicaille sous couverture.
Techniquement, ils font tous deux l’école buissonnière.
À une douzaine de rues de là, des manifestants sont rassemblés autour de Girard College, et Stan et George sont censés être sur place pour aider à maintenir l’ordre. Il y a plus de cent trente ans, l’homme le plus riche de Philadelphie a légué l’essentiel de son énorme fortune pour la construction
d’une école destinée aux orphelins « pauvres, blancs, de sexe masculin » à la périphérie de la ville. Pendant les cent années qui ont suivi, des quartiers ont poussé tout autour du campus.
Le secteur, allemand au départ, est devenu irlandais, puis juif, et enfin noir, alors même que les étudiants de Girard College restaient pauvres, blancs et de sexe masculin.
Cependant, après l’arrêt de la Cour suprême Brown vs. Board of Education, les Noirs ont commencé à défendre leur droit à fréquenter le College. Les manifestations organisées par la NAACP ont démarré il y a sept jours, et le chef de la police a envoyé mille hommes sur les lieux pour que la situation ne dégénère pas. La dernière chose qu’on voudrait, c’est une insurrection cataclysmique comme celle qui a eu lieu en août dernier sur Columbia Avenue.
Stan et George se sont vu confier cette mission depuis le premier jour. Une punition, ils ne peuvent le comprendre autrement. Ils ont sûrement gonflé quelqu’un de très haut placé.
Mais malgré les craintes de voir éclater une nouvelle fronde, il ne s’est rien passé, en réalité. Quelques clowns ont essayé de franchir le mur d’enceinte de sept mètres de haut, mais c’est tout. Autrement, beaucoup de temps à rester plantés là, sans rien faire. Stan est quasi sûr qu’ils ne vont manquer à personne.
« T’emmènes toujours Jimmy au match, ce soir ? demande
George.
– C’est prévu, ouais, répond Stan.
– Je suis pas trop sûr des Phillies. En face, c’est les Cardinals, quand même. Qui sont champions du monde. Les Phillies vont devoir inventer quelque chose de nouveau, cette fois.
– Ils vont s’en sortir.
– Tu oublies que les Cards ont toujours Simmons et Sadecki !
– Et nous, on a Dick Allen et Tony Taylor, qui est le meilleur joueur de deuxième base, rétorque Stan dont le doigt épais tape sur le comptoir pour souligner chaque syllabe. Tu veux comparer les gauchers ? Regarde plutôt Covington.
– Si tu veux, mais tu es en train de parler de l’équipe qui a commis vingt-deux fautes sur les douze derniers matches. Pas bon, ça.
– Ils ont beaucoup joué à l’extérieur. On a dix matches à domicile devant nous.
– Tu rêves. »
Stan n’a rien à répondre à ça. Il veut juste que son fils Jimmy voie un beau match, qu’il retrouve un peu de cette exaltation d’août dernier, quand les Phils étaient imbattables et que toute la ville avait l’impression que c’était important. Quelque chose à attendre avec passion, plutôt qu’un autre été à redouter la suite. Il avale sa bière sans précipitation, en se répétant d’y aller doucement. Après tout, il a toute la journée pour boire.
« Laisse-moi choisir trois trucs dans le juke-box », dit George au bout d’un moment.
Stan acquiesce. « O.K., si tu veux. »
Il règne un silence de mort dans le bar. Il n’y a qu’eux deux, plus deux alcoolos dans le fond, chacun à sa table. Le barman décrépit essuie le comptoir, soulève les verres pour passer son chiffon, les repose, sans jamais croiser leur regard.
Le chiffon sent l’eau de Javel industrielle.
Tout à coup, Stan pense à quelque chose. Il se tourne à demi sur son tabouret et s’écrie : « Hé, pas question de nous mettre ta soul de merde.
– Allez… fait George avec un grand sourire. Tu adores la soul de merde. »
Au fond de lui, Stan trouve que certains morceaux de cette soul de merde sont pas mal du tout. Mais il ne l’avouera à personne. Surtout pas à son coéquipier.
George glisse le quarter dans la fente

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

• Lady Butterfly & Co
• Cœur d’encre
• Ladiescolocblog
• À vos crimes
• Ju lit les mots
• Voyages de K
• Les paravers de Millina
• 4e de couverture
• Les livres de Rose
• Mots et pelotes
• Miss Biblio Addict !!
• La magie des livres
• Elo Dit
• Zoé prend la plume
• Sauce Ririline
• Light and Smell

• Le parfum des mots
• Chatperlipopette
• L’autodidacte aux mille livres

En Panne

En Panne

Voilà 3 mois et demi que votre blog est à l’arrêt.

Et pourtant on aurait pu croire que durant les mois d’avril et mai ou moins j’aurai eu plus de temps pour m’occuper de celui-ci. Mais je sais pas vous, mais ma période de confinement a été surbookée. Et depuis la reprise c’est encore pire.

Mais soyez rassurer bientôt je pense qu’à nouveau au moins une fois par semaine, je reviendrai ici vous présenter les premières lignes voire les premiers chapitres de mes lectures.

Je reviendrai aussi avec le nouvel Exquis cadavre exquis de notre grand frère, Collectif Polar.

Et oui une seconde saison a été lancé en mars dernier et près de 90 auteurs ont répondu présents à l’appel. Aussi notre macchabée se construit à toute vitesse et je vous le présenterai ici d’ici quelques semaines, ou avant si ça se trouve.

En tous les cas, merci d’être rester fidèle à A vos crimes, même quand j’étais à l’arrêt, totalement en panne.

Et à très vite pour d’autre aventure.

Trophée Anonym’us : Nouvelle N°8 : Tout ce qui est humain

dimanche 18 novembre 2018

Nouvelle N°8 : Tout ce qui est humain

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Tout ce qui est humain

Il fait noir entre deux lampadaires. Dans la brume les guirlandes de Noël scintillent et rappellent que c’est les fêtes. Pourtant c’est dans son cœur que ça clignote comme une menace.
Des flaques et des papiers sales pour les bas quartiers, plus loin des magasins et des cartes « Visa » qui chauffent.
À l’écart du tumulte des boutiques et des centres commerciaux, tapis dans la pénombre et le calme apparent du faubourg, il est là, il le sent…
C’est la nuit, il presse le pas. Il tressaille à un bruit et se retourne, ce n’est qu’un chat. Il scrute la pénombre un instant encore.
La mort en face il ne craint pas, c’est dans le dos qu’il la redoute.
Pourtant plus tard dans le halo d’un candélabre, c’est son ombre qui le fera frissonner.
***
Tout avait commencé ce jeudi après midi.
Il avait laissé son chien dans le salon. Ce dernier s’était couché résigné en soupirant. Ses yeux ronds aboyaient déjà l’inquiétude.
Il avait pris le bus. Une rincée s’annonçait, mais la porte s’est ouverte à temps sur un havre de chaleur et au sec.
Malgré l’inconfort, Il avait apprécié la banquette raide et l’étroitesse des rangées en écoutant le déluge marteler la tôle.
Un petit frisson d’aise l’a saisi en pensant qu’il était à deux doigts de rater le car et de se faire arroser. C’était un peu sa vie, une suite de petits bonheurs qu’il accueillait avec délectation, aussi futiles soient-ils. Il savait trop bien ce que l’existence réservait de mortifère, mais pas encore ce qui l’attendrait bientôt.
Radio Monte-Carlo, entre ses pubs et ses jeux imbéciles, hurlait un fait divers saignant et des embouteillages monstres sur les routes des sports d’hiver, la baisse de cinq euros des APL, la suppression de l’ISF et le scandale d’un penalty accordé à Ronaldo et…
Il mettrait quarante minutes pour rejoindre la ville, cahin-caha, et cahotant sur les rapetassages de la chaussée des bleds de banlieue, les oubliés des fastes urbanistiques de la métropole.
Il aurait tout le temps de lire les consignes de bords « Attachez votre ceinture », « interdiction de fumer », « de parler au chauffeur » et tant d’autres « défense de » aux incivilités potaches.
Tout le temps aussi d’admirer un portrait-robot placardé sur la vitre qui le séparait du conducteur. Un disparu ou peut-être un criminel qu’une balafre sur la joue en forme de S singularisait. Ça l’avait bien fait marrer cette tronche de BD sinistre au-dessus du numéro de téléphone de la préfecture.
Puis, en gare routière, les portes s’étaient ouvertes sur une immense agora cerclée d’immeubles encore en construction.
Cinéma, commerces et bureaux feraient le nouveau pôle du centre de l’agglomération. Un nid de création d’emploi pour plumer les nids voisins qui se couvriraient alors d’affiches « à vendre » ou « à louer ».
Dans le flux des voyageurs de la périphérie et dans la cohue de gens pressés, sous le déluge qu’il n’éviterait pas cette fois, il passerait sous la voûte sombre d’un des ponts ferroviaires occupés par les caddys et les cartons de quelques SDF.
Dans le ciel, des nuages percés de bleu entre deux averses cinglantes et au sol sur le goudron grené de trous, les flaques sales qu’il devait franchir sans se mouiller les pieds. D’un côté, le moteur des berlines et des bus, de l’autre, le grondement des trains et le crissement de leurs freins quand ils entraient en gare.
Après un quart d’heure de ce parcours du combattant, Sam avait enfin franchi la petite porte vitrée du vieil immeuble qui abritait le comité local du Secours Populaire. C’était ainsi tous les jeudis.
Dès l’entrée, entre les rayons de livres rangés vaille que vaille au gré du flux des dons, une petite queue de bénéficiaires en attente sentait bon le métissage des peaux et des cultures. Hidjabs, casquettes, chevelures blondes ou brunes, black ou visage pâle, ils comptaient tous ici sur une main tendue et un sourire, où ailleurs on leur flanquait grimaces et coups de menton méprisant.
Plus loin dans la friperie, quelques-uns palpaient les tissus pour le petit bonheur de se vêtir dignement pour pas cher.
Enfin se dressait le comptoir d’accueil devant une salle d’attente bondée des mêmes femmes et hommes mélangés.
Au plafond d’un blanc terne, un néon. Sur les murs délavés rampaient des gaines électriques aux parcours improbables que des affiches du Secours Populaire cachaient.
« Tout ce qui est humain est nôtre » disaient-elles.
Sur un côté quatre box. C’est dans l’un d’eux que Sam prendrait place pour accueillir individuellement les demandeurs d’un secours d’urgence ou régulier. Il évaluait là les besoins de chaque bénéficiaire ainsi que leurs difficultés. Il écoutait parfois leurs confidences et le don d’une oreille bienveillante n’était pas le moindre des secours qu’il offrait.
Six mois qu’il consacrait un peu de son temps en ce lieu. Il connaissait trop bien l’association pour en avoir bénéficié des années et enfin devenir accueillant à son tour.
Il se le rappelait chaque fois qu’un visage défait franchissait la porte de son box.
Il en verrait une dizaine aujourd’hui, de la retraitée de soixante-dix ans seule au minimum vieillesse à la jeune mère d’origine maghrébine, analphabète, emballée de tissu de la tête aux pieds que son mari venait de quitter.
Des femmes surtout des femmes…
***
L’après-midi s’était passé. Dès dix-sept heures, on avait allumé le néon. Dehors une brume dense envahissait les rues et la nuit semblait déjà prendre ses aises.
La salle d’attente s’était peu à peu vidée. Les derniers bénévoles se préparaient à partir et les locaux se plongeaient doucement dans un sinistre silence.
Sur le passage, Maryse sa collègue du box voisin a accroché Sam par le bras.
— Dis, j’arrête là ce soir, je n’en peux plus, je partirai quand tu en auras fini avec la suivante. Celui-là je ne le sens pas… Elle a tendu le cou vers un homme alcoolisé qui titubait au fond du couloir.
Elle était au bord des larmes. Sam l’a serré dans ses bras pour réchauffer son cœur. Peut-être avait-il un faible pour elle…
C’était une instit retraitée qui alternait ici réception ou atelier d’alphabétisation. Une chouette femme Maryse, un roc de coutume, mais ce soir-là, dans l’obscurité précoce qui tombait, la perspective de recevoir cet homme alcoolisé, peut-être violent et difficile à gérer, était au-delà ses forces.
Même si elle savait qu’il n’exprimait là qu’une misère abrupte, celle du fond du trou, celle de la rue dont on ne revenait pas toujours vivant.
Il ne restait qu’une femme dans la salle d’attente.
— Madame Halaoui Aïssa ?
Sam a lu sa fiche en diagonale.
Une femme seule encore, dont l’épaisseur du dossier témoignait de multiples passages au Secours Pop.
Elle s’est levée péniblement en tirant un chariot de course. Elle boitait et avait un étrange rictus.
Elle a tendu tous ses papiers ou pas grand-chose.
— Je vous laisse trier, vous n’y trouverez rien de nouveau depuis la dernière fois, sauf les APL qui ont baissé.
Sur sa fiche se lisait le journal de ses passages au Secours avec les mots banals de la vie de beaucoup ici :
Chômage, maladie, dette, en attente du RSA, RSA interrompu, trop-perçus à rembourser.
Deux ont attiré l’attention de Sam : violences et traumatisme crânien.
— Vous avez été victime de violences…
— Conjugales, oui ! C’est il y a bien longtemps…
Et elle a fait le récit de son premier « grand amour » à Angoulême, sa ville de naissance. Il y avait trente ans. Elle a raconté les coups durant des années, les tortures psychiques, puis un soir alors qu’elle était enceinte de 6 mois, la gifle, un aller et retour et un coup de genou dans le ventre.
Elle a mimé le geste et son regard s’est allumé un instant d’une étrange lueur sauvage.
— Je n’en suis pas morte ! Une hémorragie cérébrale, tout de même, et une fausse couche !
Un Procès et la prison pour son tortionnaire.
— Rodrigo qu’il s’appelait ce salopard ! Je le vois encore avec son cran d’arrêt qu’il me mettait sous la gorge pour me faire peur comme dans les films !
J’en fais toujours des cauchemars.
La lumière de la salle d’attente s’est éteinte soudain. Un cadre noir a occupé l’espace de la vitre du box. Sam ne s’en est pas ému, trop occupé par le discours d’Aïssa.
Elle avait raconté là une tranche de sa vie et il avait tout pris dans la gueule.
Il serait bientôt dix-huit heures et la nuit montait avec la noirceur de son récit.
Le visage hirsute du poivrot est alors apparu dans l’encadrement vitré du box comme un diable qui sortirait de sa boîte. Sam a sursauté surpris par cette apparition dans l’obscurité de la salle d’attente. Maryse avait-elle baissé les bras ?
Aïssa tournait le dos à la baie. Elle n’a rien soupçonné
Son débit s’est ralenti pour parler de Pascal, son autre grand amour.
— On était enfin heureux tous les deux, il m’a prise avec mon handicap. Il m’a prise stérile et il m’a aimé, oui, beaucoup.
De la main gauche elle a caressé sa main droite recroquevillée, séquelle parétique de son traumatisme crânien, comme son rictus qui s’effaçait quand son visage exprimait la tristesse.
— Mon Pascal, il est mort d’une leucémie foudroyante l’an dernier…
Sam a dégluti un trop-plein d’émotion puis il a rédigé des bons d’aide alimentaire.
Il lui proposera des activités pour rompre l’isolement et le flyer d’une place de théâtre offerte au secours pop. Le sourire étrange d’une Aïssa dubitative a accueilli ces attentions si rares ailleurs, où souvent seul l’estomac des précaires préoccupait les aidants…
Elle a récupéré ses papiers et s’est levée en le remerciant, il lui a ouvert la porte.
— Courage, Madame, et n’hésitez pas à reprendre rendez-vous au moindre problème. Je suis là tous les jeudis.
Laisser un pont et un dernier sourire pour briser la honte se disait-il. Ce soir, Aïssa mangerait bien et peut-être cogiterait-elle sur les ateliers-cuisines parmi les activités. Le théâtre, elle n’y était jamais allée, pourquoi pas ?
La salle d’attente était toujours dans le noir, le silence y régnait. Le cœur de Sam s’est emballé. Quand il a éclairé, le poivrot somnolait sur une chaise.
Maryse était déjà partie et ce n’était pas d’elle.
Le pochard a ouvert un œil pour dévisager la femme. Elle n’a posé qu’un regard furtif sur l’homme. Ce dernier a pénétré dans le box. Il portait un sac de course vide et barbouillé de tags informes.
Il s’est affalé aussitôt sur la chaise, une forte odeur de sueur a alors envahi la pièce. Quand il a ouvert la bouche, c’est un fumé de bonbon mentholé et d’haleine alcoolisé qui a saturé l’atmosphère.
— Ah ! une Maghrébine ! Toujours à pleurer de l’aide, faudrait toutes les pendre par les nichons !
Cette réflexion immonde a sidéré Sam, mais ce dernier a trouvé qu’elle allait bien avec la puanteur du personnage. En d’autres temps, l’homme aurait pris la porte. Mais il avait vieilli et c’est par lassitude qu’il ne réagît pas à ces propos racistes.
Des yeux bleus et la peau ridée par les années de rue, il ne respirait pas la santé avec son teint gris qu’une barbe sauvage masquait mal. Une gueule à faire frémir qui pourtant lui paraissait familière. Seules sa taille et ses épaules larges en imposaient, mais comme une menace…
— Donne-moi vite mon panier, le magasin va fermer.
— Ils ne fermeront pas, ils vous attendent, n’ayez crainte. On va faire le point sur votre situation.
L’homme a éclaté de rire en exposant une rangée de dents jaunes éparses.
— Ma situation ! Elle est bien bonne !
Son hilarité retenait une violence prête à exploser.
Et il est parti dans un discours confus que sa voix éraillée ponctuait d’un : « Saloperie ! » à chaque phrase.
Il était né à Lille mais avait travaillé à Angoulême un temps. Puis, il avait fait deux ans de prison.
— Une histoire à la noix ! Saloperie ! Ma gonzesse. Elle est allée raconter aux flics que je la frappais !
Ses yeux injectés s’allumaient d’une étrange lueur à l’évocation de ce passé trouble.
— Ce n’était pas vrai ?
— Bien sûr que non ! Saloperie ! J’en suis ressorti, sans boulot, interdit de séjour à Angoulême. Je n’avais plus que la route. Si je la retrouve, couic ! A-t-il fait en posant son pouce sur son cou.
Hier, on m’a viré d’Emmaüs. Un salopard m’a cherché, il m’a trouvé.
Il a mimé un coup de boule. Sa tête était prête à cogner encore.
— Faudrait abréger ! Mec.
L’homme s’impatientait, mais Sam était ailleurs, loin les bravades haineuses du sans-abri. Pas facile d’abandonner les codes de violence de la rue dans le petit espace d’un bureau, il savait.
En revanche, Angoulême, violence conjugale, prison… il venait d’entendre à l’instant, de la bouche d’Aïssa, le même récit.
Ce n’est pas possible ! simple coïncidence, a-t-il pensé.
— Il me faudrait votre carte d’identité pour remplir la fiche.
L’homme qui semblait pressé lui a tendu le papier en se levant brusquement pour lui tourner le dos et coller son nez sur la vitre du box comme un lion sur les barreaux de sa cage.
Le sang de Sam s’est glacé quand il a lu sur la carte :
Rodrigo, Pablo Rodrigo !
Il s’est remémoré le croisement de Pablo et d’Aïssa dans la salle d’attente quelques minutes plus tôt. Elle avait alors baissé les yeux, lui ne l’avait pas reconnue.
Son origine maghrébine ne lui avait pourtant pas échappé !
Il a rendu la carte en tremblant sans se focaliser plus sur la photo d’un Rodrigo, là imberbe…
Désormais, il devrait gagner du temps. Cette pauvre femme était en danger. En prenant son temps, il a fait un bon pour un panier d’aide alimentaire, et un autre pour les fringues et un autre pour un kit d’hygiène corporelle et un autre pour l’épicerie solidaire. Il faillira même en faire un pour des jouets !
Il aurait donné tout ce qu’il pouvait pour qu’Aïssa récupère son panier au magasin et soit loin !
Qu’ils ne se croisent surtout plus.
L’homme a enfin posé sur Sam un regard plein de haine puis a pris son sac de course tagué pour sortir et gagner le dépôt à une centaine de mètres de là. Bientôt, sa lourde silhouette s’enfoncera dans l’obscurité entre deux lampadaires.
Sam a téléphoné aussitôt au magasin pour s’assurer que Mme Halaoui n’y était plus. Il aura la surprise d’apprendre qu’elle ne s’y était pas rendue.
« Ce n’est pas plus mal, elle est donc à l’abri », a-t-il pensé.
Il avait raté son car, il prendrait le suivant dans une bonne heure.
Il s’est enfermé prudemment et a essayé en vain de faire le vide dans son esprit.
Plus tard, avant de partir, il s’est humidifié le visage devant le miroir des toilettes hommes en observant les rides qui bouffaient son portrait. Curieusement, le parfum de Maryse y régnait, il y avait aussi des flagrances moins subtiles de sueur et d’alcool, celles de Rodrigo…
Le souvenir de ses yeux d’un bleu intense qui l’avaient glacé quelques minutes plus tôt le hantait.
Il éteindra en suite les lumières, puis fermera la porte du local, dès lors avec une pointe d’inquiétude.
La nuit avait repris ses droits. Sur les arbres au fond de l’avenue, des guirlandes bleuâtres mimaient la neige, mais l’air restait doux pour la saison. Les fêtes se feraient au balcon.
Il a repris le chemin inverse avec ses trous, ses flaques et ses bosses, sous le fracas des trains et dans la puanteur du gazole.
Une réminiscence obscure le terrifiait peu à peu, comme un portrait-robot aperçu dans le bus qui prendrait des couleurs, comme du rouge sur un fait divers en noir et blanc entendu sur les ondes :
D’Angoulême au sud de la France, le parcours sanglant d’un zonard.
Par quel circuit tordu sa mémoire a glissé d’une gueule imprimée sur un papier de la préfecture aux broussailles de la barbe d’un Rodrigo ?
Une parano glaçante s’est emparée doucement de son esprit.
***
Oui, tout a commencé ce jeudi après-midi…
Mais ce soir quand le trafic se calme, le moindre claquement de pas dans le dos de Sam résonne comme un danger.
Il se sent suivi. Il se pense traqué jusqu’à ce qu’il se retourne pour ne discerner qu’un lointain quidam sans la dégaine du Pablo qu’il redoute désormais.
Il imagine sa présence partout, son agressivité, sa haine et son odeur aussi.
— Mais enfin, quel film te fais-tu ? pense-t-il pour se rassurer.
Pourquoi Maryse ne l’a-t-elle pas attendu ?
Une question encore pour une angoissante absence de réponse.
Comme à l’aller, il longe le viaduc ferroviaire où chaque arche lui paraît autant de pièges. Le cœur serré, il repasse sous l’une d’elles. Il ne reste qu’un caddy, un sans-abri dort sur un carton, le dos calé sur un sac de course plein bariolé de tags. Tout près, un col de bouteille brisée aux arêtes acérées gît sur le goudron. Le sang de Sam ne fait qu’un tour, celui du clodo coule le long de son duvet en formant à la faible clarté d’un candélabre une rigole au reflet métallique.
Faut-il fuir, appeler les flics ? Ce n’est pas son genre.
Il s’agenouille prudemment pour soulever un pan du sac de couchage qui cache le visage du « dormeur ». Aussitôt à la lueur du téléphone, les yeux bleus de Rodrigo figés par la mort accrochent ceux de Sam. Sur la joue touffue du cadavre, dans le halo blanc de la diode, se révèle une cicatrice en forme de S, sa tête inerte pivote alors en laissant bâiller la profonde plaie qui barre son cou.
Sam sursaute et détourne le regard de cette vision d’horreur.
Dans la brume que la clarté jaune d’un lampadaire déchire, il discerne à une trentaine de mètres la silhouette boiteuse aux pas pressés d’Aïssa qui fuit. Il se redresse nauséeux, mais ne fait rien pour l’arrêter.
À son tour il s’éloigne en pensant que l’homme n’a rien vu venir et que la mort vengeresse l’a frappé dans son sommeil d’ivrogne, l’estomac plein. C’est déjà ça…
Il se console aussi en pensant qu’Aïssa, un poids de moins sur son ventre meurtri, ira demain chercher son panier et que les cauchemars qui hantent ses nuits se seront dissipés à jamais dans les ténèbres de ce pont.
Peut-être échappera-t-elle à « leur » police, car il n’attend rien non plus de « leur » justice, peut-être parce qu’il n’est pas de ce monde où des souris ahuries plébiscitent des rats voraces tous les cinq ans. Peut-être parce qu’un chat noir feule dans son cœur depuis toujours.
— Pour le coup là, la justice est déjà rendue. pense-t-il
Même s’il ne l’approuve pas, il ne donne à personne la légitimité de juger Aïssa.
Il arrive à temps pour prendre son bus et retrouver au chaud sa banquette inconfortable.
Il appelle le domicile de Maryse pour prendre de ses nouvelles. Son mari inquiet lui répond qu’elle n’est pas rentrée…
La radio de bord clame la faible participation dans une manif parisienne contre il ne sait quel nouveau recul des droits sociaux. Elle chante aussi les vertus de la dernière Volkswagen à 15 000 euros, le match nul de Vichy contre le FC canut Lyon…
Et le tueur fou d’Angoulême qui court toujours !
« Parce qu’ils ne savent pas encore ! », pense-t-il.
Lui ne sait pas non plus que le corps de Maryse gît sans vie dans les toilettes du Secours Populaire et ne sera découvert que quelques heures plus tard.
Bientôt c’est son chien qu’il caressera. Il lui contera sa soirée et les yeux ronds et attentifs du clebs lui japperont :
« Tout ce qui est humain est tien, mon Sam. »

 Ahhh, quel titre ! » : Un nom pour notre cadavre exquis.

« Ahhh, quel titre ! » : Un nom pour notre cadavre exquis.

Attention Jeu-concours

Coucou mes polardeux,

Comme le dit si bien Cécile :

« Pour les 3 ans du blog nous nous sommes lancés, au Collectif, dans une aventure un peu folle, celle d’un cadavre exquis ! Et quelle aventure, dans laquelle plus de 60 contributeurs ont plongé avec nous avec autant de styles, de rebondissements et de brio !

Vous avez salivé, bondi, hurlé avec nous à chaque épisode comme votre voisine devant Plus belle la vie ou votre voisin devant Amour, Gloire et Massacres ? Ou vous vous mordez les doigts de ne pas avoir osé venir nous rejoindre dans cette folle ronde des cadavres ? Ne vous inquiétez pas, nous avons encore en stock quelques surprises pour vous. « 

Notre Exquis Cadavre Exquis, vous l’avez suivi. Vous y avez même participé si cela se trouve.

Alors aujourd’hui c’est simple, nous vous demandons de lui trouver un nom. Ou plutôt un titre.

Durant six mois vous avez pu lire sur nos pages les aventures de Camille. Enfin celles pour résoudre sa mort.

Aujourd’hui nous allons lancer un concours vous permettant de fournir une identité à notre cadavre.

Concours « Ahhh, quel titre ! »

Imaginez un titre accrocheur, incisif, humoristique, dramatique ou juste décalé pour cette œuvre protéiforme, unique et multiple tout à la fois.

Un titre qui ira comme un gant à notre cadavre…

Pour cela, vous devez être abonné à notre blog  Collectif Polar…

Et avoir lu le cadavre exquis dans son intégralité !

Vous trouverez ci dessous 5 récapitulatifs qui vous permettront de lire la première version de ce cadavre exquis.

Récap 1

Récap 2

Récap 3

Récap 4

Récap 5

Et répondre à notre question « Quel titre pour notre cadavre exquis ? »

Nous envoyez votre réponse avant le 31 octobre par mail : collectif.polar@gmail.com

Allez à vous de jouer

Et belle inspiration à vous !

 

Collectif Polar cadavre exquis Titre légistes de l »Exquis Cadavre Exquis

Isabelle Bourdial, Cécile Pellault et Geneviève Van Landuyt

Et si on jouait avec notre cadavre exquis : Un nom et une couverture pour un cadavre !

Et si on jouait avec notre cadavre

Un nom et une couverture pour un cadavre !

 

Pour les 3 ans du blog nous nous sommes lancés, au Collectif, dans une aventure un peu folle, celle d’un cadavre exquis ! Et quelle aventure, dans laquelle plus de 60 contributeurs ont plongé avec nous avec autant de styles, de rebondissements et de brio !

Vous avez salivé, bondi, hurlé avec nous à chaque épisode comme votre voisine devant Plus belle la vie ou votre voisin devant Amour, Gloire et Massacres ? Ou vous vous mordez les doigts de ne pas avoir osé venir nous rejoindre dans cette folle ronde des cadavres ? Ne vous inquiétez pas, nous avons encore en stock quelques surprises pour vous.

Nous allons lancer deux concours vous permettant de fournir une identité à notre cadavre et de lui offrir la couverture qu’il mérite !

Concours « Ahhh, quel titre ! »

  • Imaginez un titre accrocheur, incisif, humoristique, dramatique ou juste décalé pour cette œuvre protéiforme, unique et multiple tout à la fois. Un titre qui ira comme un gant à notre cadavre…

Concours « Couv de choc »

  • Créez un visuel de couverture. Photo, Photomontage, graphisme, dessins, tant que les œuvres sont de vous, lâchez-vous. Envoyez votre contribution pour avoir la chance d’être l’heureux élu qui pourra clamer haut et fort « J’ai couvert Le cadavre du Collectif Polar ».

Pour cela, vous devez être abonné à notre blog  Collectif Polar…

Et avoir lu le cadavre exquis dans son intégralité !

Vous trouverez ci dessous 5 récapitulatifs qui vous permettront de lire la première version de ce cadavre exquis.

Récap 1

Récap 2

Récap 3

Récap 4

Récap 5

Voilà, préparez-vous à jouer avec nous

et à très bientôt pour offrir

un nom et une couverture pour un cadavre !

Notre concours « Ahhh, quel titre ! » démarre le 20 au soir.

Tenez-vous Prêt(e)s

 

Exquis Cadavre Exquis, la 5e et dernière récap

Exquis Cadavre Exquis, la 5e et dernière récap

Arrêt sur image, venez découvrir l’état de notre exquis cadavre exquis…

Voici le final de notre Exquis cadavre exquis que vous avez suivi avec attention

Et…

peut-être avez vous aussi tenu le scalpel pour faire avancer notre histoire !

Mais cette fois c’est belle est bien terminé.

Après 68 épisode et un épilogue, notre cadavre à enfin livrait tous ses secrets.

Aussi pour vous voici les 15 derniers chapitres

Episode 55 à 68 + épilogue

Allez…Bonne dégustation…


Episode 55 by Mark Zellweger

Temps Mossad à Paris

À l’ambassade d’Israël à Paris, non loin des Champs-Elysées, Rebecca Leibowitz reçut une alerte code 1 sur son smartphone. Cela signifiait qu’Il y avait une urgence dans l’opération qu’elle supervisait en ce moment. Habituellement basée en Suisse et étant détachée auprès du Sword de Mark Walpen, le Mossad lui avait demandé de rejoindre la capitale française en urgence afin d’épauler l’équipe locale qui avait mis en place une opération délicate. Cela faisait plusieurs mois que, par des informateurs de la police française, le Mossad avait eu vent d’un gros trafic d’étiquettes de vin. Intrinsèquement, cela ne l’intéressait guère, sauf que cela se recoupait avec des informations signalant que ce trafic pourrait servir à en couvrir un autre, un trafic d’armes celui-là, en faveur du Hamas ! Et de cela il n’était pas question.

Dès le départ, le Mossad suivait l’affaire de près et s’était rapproché suffisamment des demi-frères Blanchard et Lalande pour avoir appris que ces deux gugusses franchissaient régulièrement la ligne rouge et utilisaient de temps à autre des tueurs à gages et autres hommes de main.

Il n’en fallut pas plus pour que l’Institut remette dans le circuit sa fameuse Amanda qu’il utilisait déjà depuis quelques années. Amanda, la star des tueuses à gages, nageait dans le darknet avec aisance et était considérée comme le must en termes d’élimination !

Si Amanda avait envoyé ce message, cela signifiait qu’un incident grave lui était arrivé et que Rebecca devait lancer au plus vite une mission de récupération de son agent. Elle se mit aussitôt à la tâche.

Pendant ce temps, dans la rue où résidait le brave Jo et sa conquête du jour, la Peugeot 306 du brigadier-chef Lerek était stationnée. Ce dernier ayant reçu l’info que quelque chose de gros se préparait là, par un de ses amis de la DGSI, il n’allait pas le rater. Surtout que ces derniers temps, sa situation se dégradait fortement au sein de l’équipe des enquêteurs de la brigade. Depuis que le petit jeune, tout juste sorti de l’école de police, le brigadier-chef Nobel, était arrivé, il n’y en avait plus que pour lui. Nobel par-ci, Nobel par-là… Lerek avait le sentiment que pour la brigade il appartenait au passé. Il lui fallait du sensationnel pour remettre ce petit morveux à sa place et ainsi montrer qui était le plus futé.

Quand Nobel lui avait demandé de le rejoindre à Lariboisière, il lui avait répondu par l’affirmative, mais il avait filé direct vers cette adresse et attendait, scrutant cette fenêtre dont la lumière restait allumée.

Une bière à la main, concentré vers le porche de l’immeuble, il ne put rater l’entrée de trois personnes qui, comme par hasard, portaient toutes des sweats à capuche et des lunettes de soleil.

« Ce coup-ci, c’est pour moi ! » fit Lerek pour lui-même en sortant de sa voiture.

Episode 56 par Elias Awad

La fesse à DN

Par la faute des deux gogols, ce connard de flic fouineur a échappé à une séance de mise à mort au cours de laquelle les deux bas-du-front auraient rivalisé de savoir-faire, tout en rigolant comme d’habitude. Il se devait d’être là pour poser les questions et entendre les réponses avant de le laisser aux bons soins des frères Mazoj. Mais disparu, l’enflure de flic, évanoui dans la nature ! Blanchard est furieux. Ils ne rient plus après leur bourde, ces deux cons ! Mais chez Anton, il y a quelque chose de louche… Le géant, le plus vicelard des deux, celui dont il aurait fallu doser les ardeurs si l’on voulait tirer quelque chose d’utile du flic, avait sur sa tronche quelque chose de plus que, juste, l’air penaud de qui a gaffé grave… Mais quoi ?! Blanchard en est là de ses réflexions quand son Galaxy S9 se met à vibrer contre sa fesse droite.

— « Quoi ?!!! Meeerde ! Quand ?! A l’arme blanche ! Et les chiens ?!… »

« C’était lui le génie, et c’est moi qui suis vivant ! », pense Blanchard. La réflexion lui traverse l’esprit pendant l’appel. Mais l’éphémère sourire qui passe au coin de sa bouche cède vite la place à la panique, en même temps qu’une sueur froide envahit instantanément son cuir chevelu ! La panique et sa copine, la parano. Qu’est-ce qu’il a, Anton ? Qu’est-ce qu’il sait qu’il garde pour lui ? Bruno voulait faire taire la vieille une fois pour toutes. « Anton, Pavel ! » crie-t-il aux deux frères en sueur en train de fendre des bûches, histoire de s’occuper.  « A l’hôpital ! La vieille ! Tout de suite !», aboie Blanchard en faisant courir son index sur sa gorge. Une fraction de seconde, Anton suspend son geste, le regard dans le vide. Une fraction de seconde qui n’échappe pas à Blanchard. « Je panique, là ! Faut que j’arrête mon cinéma !  Qu’ils dégagent la vieille, un point c’est tout. Bruno devait avoir de solides raisons de la faire taire alors même qu’il en était follement amoureux… »

— « Bouge-toi ! », hurle-t-il au grand Tchèque qui se dirigeait d’un pas lent (trop lent ?) vers la voiture où le frangin était déjà au volant.

* * *

Enfin arrivée dans la maison de l’Oise, Carole savoure chaque instant d’une douche longue et bien chaude. Elle réfléchit, tout en se débarrassant des quelques éclaboussures du sang de Bruno. Blanchard d’abord ou Amanda ? Le demi-frère a commandité l’assassinat, même si c’est Lalande qui l’a décidé. L’envoyer ad patres ne lui poserait pas plus de problème, même s’il devait être maintenant sur ses gardes. Elle sait qu’elle fera, là aussi, le geste de sang-froid. Mais cette femme dont sa jumelle était amoureuse…

L’eau coulant sur la large cicatrice de brûlure qui court sur l’arrière de sa cuisse droite, de la fesse (la fesse à DN, comme elle l’appelle) presque jusqu’au pli du genou, ramène Carole, aujourd’hui comme presque tous les jours, à l’accident. Le gros Range qui la suivait depuis un bout de temps cette nuit-là alors qu’elle rentrait de Sélestat par la D1083, qui l’a lentement doublée dans Benfeld, le passager cagoulé qui a profité de l’éclairage public pour la dévisager longuement. Puis, en rase campagne peu après la sortie de la ville, l’éblouissement des phares venant en sens inverse. Puis le choc. N’était celui qu’elle appelle depuis son “Grand Frère”, Carole aurait sûrement péri lors de l’explosion du véhicule. Après, bien après, la mémoire lui est revenue pan après pan… Les avances incessantes de Bruno quand il vivait à la maison, le viol pour la punir de l’avoir si longtemps « humilié » en lui crachant à la figure son mépris, sa propre menace de tout raconter à sa mère, et la vidéo que son beau-père avait faite pendant le viol et qu’il menaçait à son tour de montrer à Laure… Cette vidéo, expression de toute la perversité du personnage, où elle s’entendait haletant en rythme des « ouiii Bruno », des « vas-y Bruno ». C’était bien sa voix, mais retravaillée en studio pour que ses cris d’encouragement, repiqués d’une vidéo de course au sac à patates, du temps des beaux jours où tout allait bien, deviennent des feulements de femelle en rut !

* * *

Au moment où Lerek traverse la rue devant l’immeuble d’Amanda pour suivre les trois encagoulés qui sentent les ennuis à plein nez, un scooter qu’il n’avait pas vu lui démarre sous le nez. Sans doute était-il garé dans le renfoncement de l’entrée de l’immeuble, dissimulé par l’obscurité et les voitures alignées le long du trottoir … « Merde, merde et merde ! », se dit-il. « Suivre les trois barbouzes ou retourner prendre la voiture et poursuivre ce qui n’a peut-être rien à voir avec tout ça ?! »

Episode 57 by Kate Wagner

Personne ne sortira indemne

Lerek retrouva sa voiture, écrasa sa cigarette, et s’y engouffra avec une rapidité surprenante malgré les vertiges qui l’assaillaient. Il avait oublié, comme trop souvent en ce moment, de manger. Fumer lui coupait l’appétit comme aucune pilule amaigrissante magique n’était capable de le faire. Demeurer mince et affûté pour rester dans la course. Il voulait garder son physique de jeune séducteur mais, à plus de 40 ans, cela devenait de plus en plus difficile.

Il démarra dans un bruit désagréable de crissement de pneus et dans l’odeur de gomme brûlée. La décision de suivre le scooter était une fulgurance qu’il regrettait déjà mais trop tard, il devait aller jusqu’au bout. Peut-être la chance allait, pour une fois, tourner à nouveau en sa faveur. Elle ferait de lui le leader qu’il avait toujours été aux yeux de nombre de ses collègues. Féminines surtout.

Il grilla un premier feu rouge à l’angle de la rue Van Landuyt et du Boulevard Perrault. Il roulait vite mais le scooter, plus maniable, prenait de l’avance. La silhouette de cuir sombre, casquée de noir, incarnait à elle seule toutes les violences.

Lerek tourna brusquement à droite et soupira de soulagement en distinguant le deux-roues au bout de la route. Ce moment d’inattention à se focaliser sur sa cible lui coûta plusieurs précieuses secondes. Une femme traversait au passage piéton, poussant la trottinette d’une fillette en robe rouge. Détail troublant que Lerek enregistrait malgré lui. Il voyait le point d’impact se rapprocher à une allure vertigineuse. Impossible de l’éviter. Il imaginait les deux petits pantins tournoyer dans le ciel gris. Il appuya avec force sur la pédale de frein comme si l’énergie de sa rage pouvait décupler son efficacité. Il voyait à présent la couleur des yeux écarquillés de la mère. Elle ressemblait à un lapin pris dans les phares. Puis, un clignement de paupières pour s’apercevoir que sa voiture s’était stabilisée, le parechoc collé à la hanche de la petite. La sueur ruisselait le long de sa colonne vertébrale. L’odeur opiacée de la peur emplissait l’habitacle de la Peugeot.

Il ne prit pas le temps de s’apitoyer sur les piétonnes, les contourna et redémarra dans un tourbillon de gaz d’échappement. Paniqué, il chercha à visualiser le scooter. Il l’avait perdu.

Impossible. Ne pas baisser les bras. Fonce Lerek, montre-leur qui tu es, montre-leur quel seigneur ils peuvent vénérer. Il passait la cinquième, à fond au feu rouge du carrefour des Surréalistes lorsque, venant de sa gauche, une grosse BMV ne put l’esquiver. Le choc, terrible, enfonça la portière du flic pour atteindre quasiment le siège passager. Lerek, dans la carcasse fumante et le verre brisé, sentit ses os craquer, sa bouche se remplir du goût ferreux du sang et s’étonna de ne ressentir aucune douleur. Il glissait doucement dans un autre monde, revit sa vie en accéléré. Sa dernière pensée fut que personne n’allait sortit indemne de cette histoire de dingues.

Episode 58 by Jean-Paul dos Santos Guerreiro

In extremis

Dès son incorporation dans la brigade, Nobel sentit une tension constante au sein de l’équipe. Trop de meurtres, trop de questions, pas assez de réponses… La pression de leurs supérieurs devenait ingérable. Et puis, pourquoi, dès son arrivée, Lerek l’avait-il pris littéralement en grippe, malgré tous ses efforts ? Il était toujours sur son dos à essayer de le piéger!

Pourtant, s’il y en avait bien un qu’il admirait, c’était Lerek.

Que serait-il devenu sans lui ?

Un voyou, un dealer peut-être ?

Pire, sûrement !

A 15 ans, Nobel en était à son troisième braquage quand il s’était retrouvé face à ce policier qui, après l’avoir appréhendé, était venu le voir plusieurs fois en détention.  A l’époque, il avait le crâne rasé, chétif, à peine cinquante kilos, pour un mètre soixante-dix-sept. Il avait repris ses études pour celui qui était devenu « sa référence ». Quand il s’inscrivit à l’école de police, il avait fait son possible pour être dans la même brigade que Lerek, celui qui lui avait redonné un motif de vivre et une vraie envie d’aider son prochain.

Quelle fut sa surprise en arrivant ! Cheveux grisonnant et l’air bougon, Lerek l’avait tout de suite pris de haut. Nobel n’avait même pas osé lui dire qui il était et pourquoi il était là… Tous les jours, il voyait Lerek s’enfoncer dans un monde gris et taciturne. Ses doigts complètement jaunis par la nicotine à force d’enchaîner les cigarettes. Plus que des envies, c’était devenu un véritable besoin. Il les allumait nerveusement, en plus des cafés qu’il buvait à toute heure de la journée, et qui ne lui étaient plus d’aucune utilité, juste un réflexe.

Ce matin, il décida de faire à son tour quelque chose pour lui. L’envie de le mettre au pied du mur, de lui demander ce qui lui était arrivé. Il appela Lerek pour qu’il vienne à Lariboisière. Il était en bas du poste de police, et le vit arriver quelques minutes plus tard… Il s’attendait à le voir tourner sur sa droite, mais Lerek filait tout droit, dans la direction opposée. Pourquoi ? Nobel décida de le suivre. Il eut à ce moment-là, une drôle d’intuition.

* * *

Cela faisait quelques minutes que Lerek stationnait au pied d’un immeuble, une cigarette à la main, une bière dans l’autre. Nobel n’osait l’aborder. Soudain, il jeta sa cigarette à peine entamée dehors et la bière sur le siège passager, démarra en trombe pour suivre un scooter qui filait déjà à toute vitesse. Nobel démarra à son tour. Lerek roulait comme un fou, atteignant des vitesses dangereuses, évitant de justesse une jeune maman et sa fille avec une trottinette, grillant les feux et les stops. Sa chance l’abandonna quand un gros 4×4 blanc le percuta de plein fouet.

Il s’arrêta frein à main à fond et dérapa. Il sortit de son véhicule téléphone à la main et appela les urgences en leur signalant le lieu de l’accident. Les occupants de la BMW étaient sonnés mais indemnes, les airbags avaient rempli leur fonction.

L’état du véhicule obligea Nobel à passer par la portière du passager pour voir l’état du blessé.

Pas fameux. Il ne ressentait aucun pouls, ni respiration. Nobel tenta une réanimation pendant plusieurs minutes avant l’arrivée des urgences. Lerek se reveilla enfin, en hurlant… Ses jambes avaient l’air complètement broyées suite à la déformation de la portière, coincées par la boîte de vitesse.

— Putain ! Mes jambes… Ça fait un mal de chien.

— Ne bouge pas, Lerek ! Les secours arrivent !

— Ne bouge pas… Tu te fous de ma gueule ? Où veux-tu que j’aille dans cet état ? Et qu’est-ce que tu fous là, Nobel ? Tu devais pas aller à Lariboisière ?

— Il fallait que je te parle. Savoir ce qui t’étais arrivé, pourquoi tu as tant changé. Tu n’es plus le Lerek de mes souvenirs.…

— Le Lerek de tes souvenirs.… C’est quoi cette connerie encore ?

— Mon nom n’est pas Nobel. Je m’appelle Jacques. Jacques Seyssau !

— Mais…

— Non, ne dis rien ! Laisse-moi finir. J’ai voulu suivre ton exemple Lerek, rentrer dans la police mais avec mon casier, j’ai dû me refaire une identité. Je ne t’ai pas dit non plus qui j’étais car ma vie, ma rédemption reposent sur un faux, sur un mensonge. Je ne voulais pas t’y impliquer.

— Jacques ? L’ado paumé ?

— Oui !

— Oh, Jacques !… Oh, putain !… J’crois bien que tu viens d’me sauver la vie, gamin ! dit-il en s’évanouissant de nouveau, pendant que l’auto-radio s’arrêta sur un morceau de « In Extremo ».

Au loin, on entendait déjà les sirènes hurlantes des secours…

Episode 59 by Élodie Torrente

Une folle alliée

Tandis que les pompiers s’affairaient autour de Lerek, essayant de le dégager de la carcasse, Blanchard et les frères Mazoj s’apprêtaient à en finir avec l’ex-femme de feu Bruno Lalande. Suivis de près par Sebastián Lerot qui retournait à la case départ. Celle qui avait permis aux deux molosses tchèques de lui casser la tête puis de l’enfermer pieds et poings liés dans le coffre de leur voiture.

Sur le parking, alors que Lerot se remémorait ces funestes instants, Blanchard sortit de son véhicule laissant les deux autres dans l’habitacle. Ils le rejoindraient plus tard, habillés en blanc, comme ils l’ont toujours été pour s’occuper, à coups de piqûres, de Laure Longchamps. Si, et rien n’était moins sûr, la mère de Camille et de Carole était toujours de ce monde avec la dose de sédatif qu’ils lui avaient injectée la veille.

Lerot se gara discrètement à quelques mètres des autres, derrière un gros Range Rover. Un couple et un adolescent en descendaient. Sans perdre Blanchard de vue, il engagea la conversation avec le père au visage blême. Un quadragénaire de type golfeur portant casquette et chemise Lacoste qui, au bout de quelques pas, manquât de tomber. Retenu in extremis par sa femme et le bras vigoureux de Lerot, l’homme blafard échappa de peu au sol. C’est alors que l’épouse expliqua à l’inspecteur le choc violent qu’ils venaient de subir en percutant une voiture lancée à pleine allure. Des larmes coulaient sur ses joues. Vu l’état de l’autre véhicule, le chauffeur était mort. C’était sûr ! Ils étaient devenus en un quart de seconde et malgré eux, des meurtriers. Jamais, elle ne s’en remettrait. L’adolescent silencieux avançait à leur côté, les yeux rivés sur son smartphone.

Tout en supportant le quidam et en réconfortant la femme, Lerot, ainsi joint à cette famille, entra dans l’hôpital sans attirer les soupçons de Blanchard. Une fois parvenu à l’accueil et le père de famille confié à des mains expertes, il prétexta une visite urgente pour s’éclipser et suivre, à distance, celui qu’il soupçonnait d’un prochain meurtre. Avec la casquette du mari sur la tête, offerte de bonne grâce par la femme reconnaissante, il put mieux se fondre dans les couloirs sans être démasqué par l’escroc qui empruntait la direction du service psychiatrique.

Lerot ne put s’empêcher d’être soulagé. Il avait eu peur en se garant que les trois enfoirés ne s’en prennent à sa chère Rémini. Il se promit d’ailleurs de profiter de sa venue ici pour lui faire une petite visite ensuite. Enfin, si tout se passait bien. Car, à trois contre un, même avec sa carte de flic et dans un hôpital, vu les rebondissements de cette histoire, de nouveaux emmerdements ne l’étonneraient pas. Rien ne s’était déroulé comme prévu. Même son eczéma avait disparu, sans crier gare. Lui qui, de longue date, l’empêchait de vivre sans se gratter. Il n’était donc pas à un coup de théâtre de plus.

Au bout de cinq minutes à longer les longs murs vieillots de l’hôpital du nord de la capitale, il s’arrêta à l’angle d’un couloir et, à une vingtaine de mètres, tendit l’oreille pour écouter ce que disait l’infirmier posté à l’accueil du service psychiatrique. Par chance, ce n’était pas la jeune et douce infirmière de la veille. Le soignant du jour avait une voix grave et forte.

« Madame Longchamps. Vous êtes de la famille ?

— Je suis son frère.

— C’est le service administratif qui vous a prévenus ? Déjà ?

— Prévenu de quoi ?

— Eh bien… Comment dire… Attendez, je vais appeler un médecin.

— Elle est morte ? Une pointe de soulagement transparut dans la voix de Blanchard.

— Veuillez patienter. »

L’infirmier décrocha son téléphone pendant que le demi-frère de Lalande faisait les cent pas devant le comptoir.

Lerot, qui n’en avait pas perdu une miette, espérait que la vieille n’avait pas trépassé. Elle avait des choses à lui dire. Elle était au cœur de tous ces meurtres. Il en était maintenant convaincu. Avoir été agressé et kidnappé alors qu’il était près de s’entretenir avec elle avait forcément du sens. D’autant que les Mazoj étaient déguisés en infirmiers. Il avait bien fait de réfréner son envie de se protéger en fuyant et de les suivre. Fallait qu’il contacte la brigade de toute urgence. D’autant qu’il allait se prendre un sacré savon par Fabre ! Or, avec son maudit téléphone qui n’avait plus de jus, ce n’était pas gagné. Il le sortit quand même de sa poche au cas où, par le miracle des nouvelles technologies, il redémarrerait puisqu’il en avait besoin. Mais rien. Écran noir.

Tapi dans son coin, il décida d’attendre l’arrivée du médecin. Et avant que Blanchard n’ait le temps de se retourner pour repartir et, inévitablement, le découvrir, Sebastián déguerpit, après avoir entendu le psychiatre annoncer au soi-disant frère qu’à 7 heures ce matin, l’aide-soignante de service avait trouvé la chambre de Madame Laure Longchamps vide. La patiente était partie en laissant toutes ses affaires. En dehors d’une enveloppe et de sa pièce d’identité qu’elle conservait dans le fond de son armoire, rien n’avait été emporté.

Episode 60 by Oph

Exfiltration

Après leur entretien avec Dieter, Max et Costes s’engouffrèrent dans leur voiture. Direction Paris. Le déplacement n’avait pas été vain. Les informations obtenues par leur mystérieux contact donnaient le mobile du meurtre de Camille et il était urgent d’en aviser Lerot. Enquêter en free lance c’est bien, mais ils ne pouvaient faire justice eux-mêmes. Bien que souvent border-line, les deux compères voulaient, plus que tout, que les responsables de la mort de leur petite protégée payent pour leur crime.

Cinq sonneries, répondeur… « Chiotte » s’exclama Max en jetant son téléphone sur le tableau de bord.

— Impossible de joindre Lerot. À quoi lui sert son téléphone puisqu’il ne répond jamais !

Costes lui jeta alors un regard qui voulait tout dire, il mit le contact, passa la première et fit crisser les pneus en quittant le parking de Der listige Fuchs. Dans 10 heures ils seraient de retour dans la Capitale, peut-être moins. Si d’ici là Lerot ne donnait pas signe de vie, ils se rendraient directement dans le bureau du juge Fabre.

* * *

Quand Carole avait reçu l’appel de sa mère, il lui avait fallu quelques secondes pour réaliser qu’elle ne rêvait pas… Alors qu’elle la visitait régulièrement, elle ne semblait pourtant pas la reconnaître. Que s’était-il passé ? Comment était-elle sortie de ce brouillard qui semblait la dévorer depuis son internement ? Il serait temps de lui poser ces questions quand elle l’aurait rejointe. En attendant, il fallait la sortir de cet univers de blouses blanches et la rapatrier ici, à ses côtés. Là-bas, elle était en danger, même si ce porc de Lalande était mort, Blanchard courait toujours…

« Grand-frère ? C’est moi… Je vais encore avoir besoin de ton aide.

— Je t’écoute.

— Ma mère m’a appelée…

— Quoi ?

— Oui, elle est sortie des vapes et se souvient de tout. On ne peut pas la laisser là-bas, elle est en danger. Il faut la ramener près de moi, ici elle sera en sécurité.

— Je suppose que tu veux que j’aille « l’enlever » ?

— Tu veux bien ?

— Je m’en occupe. »

Après avoir raccroché, le « grand-frère » prit la direction de l’hôpital psychiatrique.

Laure écarquilla les yeux.

« Toi ?

— C’est Carole qui m’envoie. Elle veut que je te ramène près d’elle. Maintenant que tu as retrouvé tes esprits, tu es une menace pour Blanchard. Je t’emmène auprès de ta fille.

— Carole sait-elle qui tu es vraiment ?

— Non, je ne lui ai rien dit. »

Laure se leva et embrassa l’homme que sa fille lui avait envoyé.

Quand, quatre ans plus tôt, Laure avait pris conscience du danger que Lalande représentait pour ses filles, elle avait contacté Eric, frère de son défunt mari. Militaire de carrière, Eric passait son temps en OPEX. Les jumelles avaient entendu parler de tonton Rico mais ne l’avaient jamais rencontré. Le jour de l’accident de Carole, Eric la suivait de loin. C’est ce qui avait sauvé la vie de la jeune femme. Il avait choisi de ne pas en parler à Laure tant que Carole n’avait pas recouvré la mémoire et la santé après l’accident. Il souhaitait préserver sa belle-sœur. Malheureusement, il ne se doutait pas que Laure sombrerait dans la folie.

Profitant du changement de service et de la baisse de vigilance du personnel de l’hôpital, Eric et Laure quittèrent les lieux sans se retourner. Direction la baraque campagnarde. Il était temps de recomposer ce qu’il restait de leur famille et de faire la lumière sur la mort de Camille.

Episode 61 by Nina du Resto littéraire

Direction Lalande

Amanda se retourne dans le lit, cherchant une meilleure position, mais, lui arrachant un cri, une douleur fulgurante la réveille tout à fait. Les yeux dans le vague et l’esprit dans le brouillard, elle met quelques minutes à retrouver le fil des évènements. Je suis dans mon appartement avec la fille de Max et la sonnette retentit… J’ouvre…Un violent coup de poing me percute… Je me réfugie dans un bar…Je me réveille dans cette chambre et deux silhouettes sont au-dessus de moi en train de changer mon bandage…Mais où suis-je ?… D’une main décidée, elle cherche un interrupteur. Avec la lumière, elle découvre un petit mot glissé à son intention sur la table de nuit.

« Belle Camille, si tu te réveilles, fais comme chez toi ! Je serai vite de retour. Jo »

Au moins, elle n’a pas donné son vrai nom à l’inconnu(e), Jo, son bienfaiteur ou bienfaitrice de l’instant, qui sera sûrement déçu(e) à son retour.  Remerciant sa bonne étoile d’être en vie et surtout d’avoir su tenir sa langue. Malgré la terrible sensation de coaltar, elle tente de se lever, cherche ses fringues qu’elle ne trouve pas. Elle aperçoit et saisit une boîte de calmants sur la table de nuit, en avale deux. Dans sa tête un seul leitmotiv :

 « A nous deux, Mr Lalande. Une petite visite à votre villa est maintenant nécessaire »

* * *

De retour de la pharmacie, Carole entre le digicode de l’immeuble de son « grand frère ». Impatiente comme une enfant, elle se dirige vers la porte de l’appartement. Enfin, elle va retrouver sa maman. En la voyant, elle comprend à son regard qu’elle est vraiment redevenue elle-même. Elles se jettent dans les bras l’une de l’autre. La joie est si intense que Carole fond en larmes.

« Maman ! Merci Eric, merci. Mais explique-moi, que s’est-il passé ? A chaque fois que je venais te voir, tu étais incapable de me reconnaître et là, tu l’air si… normale !

— Calme-toi, ma chérie ! Je vais t’expliquer ou plutôt, Rico va t’expliquer car il y a, encore quelques minutes, je ne comprenais pas moi-même.

— Rico… Mais il faut croire que vous avez déjà bien fait connaissance tous les deux pour que tu lui donnes un petit nom ! En même temps, je savais qu’il te plairait !

— Non, Carole, tu n’y es pas. On se connait depuis longtemps avec Eric. Assieds-toi, on va tout t’expliquer. »

Interloquée, Carole s’assoit, à la fois curieuse et inquiète de ce qui l’attend.

« Dis-moi ma chérie te rappelles-tu de ton oncle ?

— Le frère de papa ? Oui, vaguement. Pourquoi ?

— Te rappelles-tu de son prénom ?

— Attends que je réfléchisse… »

Concentrée, Carole sonde sa mémoire et d’un coup, les yeux écarquillés, l’incrédulité sur le visage, elle se tourne vers Eric.

« Tonton Rico ! Vraiment ? Mais pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ?!

— Sans compter ta perte de mémoire, tu étais dans un sale état après l’accident… Puis, les mois ont passé,  tu t’évertuais à m’appeler grand frère, alors j’ai laissé couler. D’autant que la mort de ton père était encore pour toi une énorme blessure que je ne voulais pas rouvrir. Désolée Carole !

— Mais pour maman ?

— J’ai autre chose à te révéler. Comme tu le sais, Blanchard et Lalande ont deux gros bras tchèques qui font tout leur sale boulot. Eh bien, l’un d’eux, Anton, est un ami, un frère d’armes et j’ai une confiance aveugle en lui, malgré la brute qu’il peut être. Lorsqu’un soir on s’est retrouvé autour d’une bière et qu’il m’a parlé de son nouveau patron, le rapprochement avec vous a été rapide dans ma tête. Je lui ai donc demandé de veiller sur vous. J’ai… ou plutôt, il a échoué pour Camille…  J’avais aussi des soupçons sur la réalité de la folie soudaine de ta mère et j’ai demandé à Anton de chercher à savoir si Lalande ne la droguait pas. Mon intuition était bonne et Anton a simplement remplacé les comprimés par d’autres identiques mais inoffensifs. Il ne restait plus qu’à attendre que les effets se dissipent et que ta mère revienne dans notre monde en espérant que ce soit possible »

Toujours assise Carole est incrédule, son « grand frère » et son oncle Rico sont une seule et même personne.  Et si Anton avait été plus malin, sa sœur serait toujours en vie. Une rage intense s’empare d’elle.

« Merci pour maman, mais cela n’efface en rien la mort de Camille, sache-le. Maintenant, on bouge et on file chez Lalande. Les flics auront certainement déguerpi et je suis sûre que Blanchard va en profiter pour passer la villa au peigne fin afin de faire disparaître toutes les preuves. Et je veux être là !

— Comment être sûr qu’ils y seront à notre arrivée?

— Envoie un SMS à ton frère d’arme, Anton ! »

Episode 62 by Solène Bakowski

Le roussi vous va si bien

Amanda se redresse avec difficulté, s’assoit d’abord, marque une pause, puis pose ses pieds sur le sol avant de tenter de se mettre debout. Mais elle vacille, emportée par le poids de sa tête qui est à présent un véritable champ de courses. Affaiblie, elle manque de tourner de l’œil. Elle doit se rendre à l’évidence : dans son état, quitter cet appartement ne sera pas une sinécure. Sans compter que le ou la dénommée « Jo » — comment savoir avec un surnom pareil ? — lui a ôté la plupart de ses vêtements.

Après quelques secondes au cours desquelles elle s’efforce de faire la mise au point sur le mobilier qui l’entoure, elle titube vers un grand placard. Elle l’ouvre et en analyse brièvement le contenu jusqu’à déduire que « Jo » est a priori un homme plutôt jeune qui semble avoir un faible pour la couleur orange. Et la cigarette, si l’on considère les relents de tabac froid exhalé par les vêtements. Amanda réprime le haut de cœur qui lui soulève l’estomac et parvient à saisir un pantalon noir et un tee-shirt citrouille affublé d’un smiley idiot qu’elle enfile en serrant les dents tant sa poitrine, son menton, ses bras, ses jambes la font souffrir. Elle coince ensuite ses cheveux dans une casquette publicitaire à l’effigie d’une marque de whisky.

C’est bon, ça va le faire, se dit-elle, ragaillardie à l’idée de traverser la ville déguisée en homme et donc, parfaitement incognito.

Puis :

Merde, mes chaussures.

Elle lorgne, dépitée, du côté de la petite paire d’escarpins gisant sur le sol. Elle se résout alors à attraper des baskets qui lui paraissent immenses — Mais combien chausse ce type ? Du… 48 ???? — et dans lesquelles ses petits pieds flottent allègrement.

Espérons que je n’aie pas besoin de courir, conclut-elle en se glissant à l’extérieur de l’appartement, tout en se promettant vaguement de changer de boulot. Un truc plus calme. Un truc où elle n’aurait pas besoin de se couler dans des pompes aux allures de bateau de croisière et de revêtir un tee-shirt ridicule pour buter un type et, ainsi, sauver sa peau.

* * *

Pas de Laure. Blanchard est livide.

— Mais comment c’est possible ? grogne-t-il tout en s’efforçant de contenir sa colère pour ne pas effrayer le personnel hospitalier.

N’osant pas prendre l’infirmier directement à partie, il roule des yeux furibonds vers les deux Tchèques, qui attendent légèrement en retrait.

Une cloche tinte. Comme un cheveu sur la soupe. L’agacement monte d’un cran pour Blanchard, qui, à présent feule et plisse les yeux. Son cou gonfle. On dirait un taureau prêt à charger.

Anton se dépêche d’extirper le portable du fond de sa poche. Un SMS. Qu’il n’a pas le temps de lire.

— C’est pas le moment d’échanger des mots doux ! postillonne Blanchard en expulsant le téléphone des mains d’Anton pour faire passer ses nerfs.

* * *

— Il t’a répondu ? s’inquiète Carole qui, déjà, prépare son matériel.

Son oncle secoue la tête.

— Pas encore.

— Et si ton ami ne recevait pas le message ? Et s’ils nous tendaient un piège ? Et si…

Éric s’approche doucement de Laure dont la respiration saccadée s’adoucit sensiblement.

— N’oublie pas que ta fille est une magicienne, lui souffle-t-il sur un ton apaisant, avant de lancer un clin d’œil à Carole.

*****

Le téléphone d’Anton glisse sur le sol parfaitement lustré du couloir de l’hôpital, pour venir s’écraser sur le bout de la chaussure de Sebastiàn. Dans une tentative désespérée, celui-ci s’efforce de recroqueviller ses pieds. Trop tard. Anton dirige son immense carcasse droit sur lui. Et sur son eczéma qui, bien sûr, se remet à le démanger sévère.

Episode 63  by Aline Gorczak

Va-t-on en voir la fin ?

Sebastián retient sa respiration en espérant que le type parvienne à récupérer son téléphone avant qu’il n’arrive jusqu’à lui. Peine perdue, le Tchèque se retrouve nez à nez avec le flic. Moment suspendu où chacun évalue ses « chances ». Anton ramasse son appareil tout en fixant Sebastián et lui tourne le dos sans un mot. Lerot n’en revient pas. C’est quoi ce délire ? Il s’attend à chaque seconde à ce que le duo de gros bras lui tombe dessus. Il observe Blanchard piquer sa crise sur les deux Tchèques. Dans la foulée, il comprend que Madame Longchamps n’est plus ici. Mille questions se bousculent sous son crâne. Comment une femme n’ayant plus toute sa tête, qui semble apathique, peut quitter un établissement médical sans que personne n’intervienne ? Qui l’a aidée et pourquoi ? Que sait-elle ?

C’est Valérie qui lui avait parlé de Madame Longchamps comme étant une piste possible. Chose improbable, elle s’est volatilisée, elle aussi. Elle est folle d’avoir signé cette décharge et d’être partie dans son état. Il faut absolument qu’il lui parle et pas que de l’enquête mais avec ce p….. de téléphone HS, impossible. « Allez, bouge-toi, Lerot » se sermonne-t-il.

* * *

Impensable de rester à rien faire en attendant la Scientifique. Valérie fouine un peu par-ci, par-là. Il faudrait juste un petit coup de pouce pour que cette enquête avance. Marre de faire du surplace. Dans le bureau, Rémini remarque qu’un tiroir du bureau est légèrement entrouvert.  Une pochette rouge, un CD, un carnet en moleskine. Elle enrage : avoir ça sous la main et  ne pas pouvoir y jeter un œil. Elle repère une boîte de kleenex. Cela fera l’affaire. Bon, pas le temps de lire le CD avant l’arrivée du Juge. Parce qu’à n’en pas douter, il va ramener ses fesses ici. Dans le carnet en moleskine une suite de chiffres, qui pourrait être des dates et des initiales. Des transactions douteuses ? Pot de vin ? Pas trop le temps de déchiffrer là non plus. La pochette rouge, c’est autre chose. Elle contient trois séries de clichés, étiquetées des prénoms des jumelles, une montrant Carole, une autre série de Camille, qui, toutes les deux, semblent avoir été pistées sur plusieurs mois.  Et enfin, la dernière, des clichés de Carole… morte.

* * *

Nobel trouve le temps long, très long. Un chirurgien se dirige vers lui. Son visage fermé n’augure rien de bon.

« Je regrette, nous avons fait notre possible. Nous avons dû le réanimer deux fois pendant l’intervention. La troisième fois, nous n’avons pas pu le ramener. »

Coup de massue pour Nobel.

Episode 64 By David Smaja

 Ensemble, nous sommes plus forts !

Quelques heures plus tôt, sur le chemin de Paris, Max et Costes passèrent un coup de fil à Fabre. Max, en vieux routard de la chronique judiciaire, avait des rapports fort décomplexés avec le juge, contrairement aux flics qui tremblaient à chacun de ses mots. Une relation d’échange de bons procédés et d’égal à égal face à l’information s’était installée entre eux pour le bien de la justice, en général. Sans une hésitation, il avait composé le numéro du bureau du magistrat.

— Salut Fabre, C’est Lindberg. Je reviens d’Allemagne avec Costes. On a découvert que Lalande et Blanchard seraient impliqués dans le meurtre de Camille. Elle en savait trop sur leurs magouilles. On essaie de joindre Lerot mais il ne répond jamais à son foutu portable.

— Oui, je sais, il est aux abonnés absents, ce qui devient inquiétant. On a cherché à tracer sa voiture et elle a été signalée sur le parking de Lariboisière. Pas eu le temps d’envoyer du monde, c’est le branle-bas de combat chez Lalande qui s’est fait dessouder

— Ah bon mais par qui ?

— Ça, on l’ignore encore mais une équipe se rend sur place pour trouver la réponse.

— Ok, on te rejoint là-bas ! Envoie-moi les coordonnées par SMS.

— On passe d’abord jeter un œil à Lariboisière, c’est sur le chemin, coupe Costes. C’est un ours râleur, le Lerot, ce n’est pas dans ses habitudes de rester silencieux et de fermer sa gueule.

* * *

Sebastián observe Blanchard et ses acolytes en train de s’envoyer des amabilités devant l’employé de l’hôpital qui n’en mène pas large.

Il sent alors une poussée d’adrénaline lui vriller le corps, il réfléchit pendant quelques secondes, évalue ses forces, il ne peut pas ne rien faire, c’est viscéral. Il décide de remettre en branle sa machine à baffes, peu importe les conséquences et même si ses chances d’en sortir vivant sont minimes.

C’est à ce moment précis qu’une main s’abat sur son épaule. Sebastián s’apprête instinctivement à porter un coup en se retournant et arrête son geste avant une issue douloureuse pour le propriétaire de la main.

— Putain, Costes ! lâche-t-il dans un soupir.

— Bah alors Lerot, le monde entier te recherche et tu ne donnes aucun signe de vie, s’exclame Costes.

— Chut ! Blanchard et ses deux hommes de mains sont juste-là. Il faut qu’on les appréhende, venez avec moi !

— Ça tombe bien, je ne suis pas sorti à poil, lance Costes en exhibant son flingue.

Muni de son distributeur de chocolats en plomb, Costes prend les devants et se positionne en face des trois hommes.

— On la boucle et on lève les mains bien gentiment, messieurs, les somme-t-il

Blanchard, avec une rapidité qui prend tout le monde de court, sort un poignard, agrippe l’infirmier par le cou et hurle à Costes :

— Tu poses ça direct ou je l’égorge devant toi !

Avant de s’effondrer, K.O. sous le poing d’Anton. Lerot, Costes et Lindberg restent immobiles, abasourdis.

— Passez-lui les menottes avant qu’il ne se relève, leur commande Anton. Je vais tout vous expliquer.

* * *

A la villa, les sources vives s’agitent. Le juge Fabre, accompagné de la brigade scientifique, a déboulé. Oui, Valérie avait raison, c’est moche, très moche même. Après les premiers prélèvements effectués et toutes les précautions prises, Valérie va enfin pouvoir consulter le CD. Son cœur bat à tout rompre, son instinct de flic ne la trompe pas, elle sent que la clé de l’énigme est là. Les fils vont enfin se dénouer. Elle introduit le CD dans l’ordinateur…

Episode 65 by Armelle Carbonel

Le diable se cache dans les détails

Éric glisse son portable dans la poche de son jean. Il n’attend pas de réponse au message envoyé à Anton. Celui-ci tenterait certainement d’entacher sa détermination à se rendre chez Lalande. Rompu à la rudesse de sa formation militaire, il n’en demeure pas moins un homme, doté de faiblesses qui portent les doux noms de Laure et Carole. Ses clefs de voiture tintent au creux de sa main tandis qu’il observe les deux femmes assises sur les sièges en cuir brûlés par le soleil. Leur impatience rime avec le silence. Un tableau de famille figé sous la morsure du soleil, et l’immensité des champs. Sans prononcer un mot, ils s’engagent sur les entrelacs de bitume qui sillonnent la campagne, bifurquent sur des axes moins fréquentés et s’enfoncent au cœur des massifs boisés où la nuit ne tardera plus à déposer son voile funeste. Les heures défilent, cadencées par le ronronnement du moteur et les souvenirs interdits que chacun garde précieusement scellés au fond d’une gorge nouée par l’angoisse. Le temps s’échappe vers une issue inéluctable. La villa de Lalande se profile enfin derrière une barrière végétale propice aux cauchemars. Noirceur et vengeance bouillonnant d’un même sang.

— Arrête-toi ! », s’écrit soudain Carole, achevant le silence si bien installé.

Par-delà les cimes, le ciel s’éclaire d’un étrange ballet de lumières. L’agitation soulevée par la brise confirme leur crainte : les flics ont investi les lieux.

« On fait quoi ? s’inquiète Laure, le teint blême.

— On se tire ».

Qu’auraient-ils pu envisager d’autre ? Une bonne nuit de sommeil — tant est que Morphée daigne se pointer — leur éclaircirait les idées. Réfléchir. Chercher une marge de manœuvre. Tuer Blanchard.

Un motel sordide à la lisière de la ville ferait l’affaire.

« Deux chambres », commande Éric, soucieux de mettre les siens à l’abri.

Carole et sa mère s’engouffrent dans la première tandis que son oncle disparait dans le capharnaüm mitoyen. La jeune femme surprend le regard pétri de tendresse dont il la couve. Elle se sent soudain mal à l’aise… Jamais auparavant il ne l’avait percée avec une telle intensité qui semblait signifier : je t’aime plus que tout.

Au plus fort de la nuit, Carole sursaute sur sa couche inconfortable. Elle constate le vide laissé par sa mère dans ce lit de misère. S’effraie du bruit d’une altercation dans la chambre voisine. Des voix qui portent, des gosiers hurlants, des menaces jetées contre les parois trop minces pour les dissimuler. L’oreille collée au mur, elle entend les bribes d’une colère terrifiante :

« Tu allais le lui dire… Je l’ai lu dans ton regard…

— Laure, s’il te plaît…

— Non ! J’ai déjà perdu une fille… Confiance… Peux pas avouer… Trahison… ».

Puis le cri d’un verre brisé, d’un crâne qui explose sous une pluie de plaintes douloureuses.

Carole se rue hors de la chambre. A cet instant, Laure apparaît sur la coursive, les mains ruisselant de la preuve écarlate de son forfait. Abasourdie, la jeune femme recule dans ce vide qui l’attire inexorablement.

« Mon dieu… Qu’as-tu fait, maman ? Éric ?

— Ce n’est pas ce que tu crois… C’était un accident… » gémit Laure.

Carole hurle après son oncle — son oncle, vraiment ? -, ce grand frère, son sauveur. Cet homme mort.

A ses yeux hallucinés, Laure Longchamps n’aurait eu aucun mal à convaincre un expert que sa place était en HP. Une unité qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Pour le bien de tous.

Episode 66 by Nathalie Mota

« Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît »

Valérie avait la sensation qu’un concert de black métal se déroulait dans sa poitrine.  Son cœur battait si fort qu’il résonnait dans ses tempes. Le CD était introduit depuis deux minutes déjà et le vieux PC faisait autant de bruit qu’un avion qui décolle.

Ses pensées naviguaient en eaux troubles, elle n’en pouvait plus de cette enquête qui partait dans tous les sens.

Elle aurait aimé que Sebastián soit auprès d’elle pour profiter de cette découverte et elle s’étonnait de penser à lui à cet instant précis. Cet idiot l’agaçait autant qu’il….

Son téléphone sonnait. Le nom de Lerot s’affichait, enfin des nouvelles !

— C’est pas trop tôt, Lerot ! Des jours que j’essaie de te joindre !

— Salut Rémini. Je te demande pardon, j’ai eu quelques impondérables… et tu es mal placée pour me fustiger, c’est quoi cette histoire de décharge ?

— On règlera nos comptes plus tard.  Où es-tu ?

— Pas loin de toi, j’arrive dans cinq minutes et j’ai des tonnes de choses à te raconter.

La communication fut coupée. Valérie regarda son téléphone d’un air perplexe. Cet abruti commençait sérieusement à lui courir sur le haricot et ce PC qui ne démarrait pas ! Elle entendit alors des pas dans les escaliers. Si un mec de la scientifique se pointait à cet instant, elle le jetterait manu militari. La porte s’ouvrit d’un coup sec et elle eut à peine le temps de se retourner que Sebastián entrait dans le bureau et se jetait sur elle pour l’enserrer comme un Robinson qui n’avait pas vu d’autre être humain depuis 20 ans. Elle se retrouva prisonnière, étouffant dans la chemise de Lerot qui puait le mauvais after-shave.

Elle se débattit tant bien que mal mais le bougre était plus fort qu’elle et elle finit par céder. Ce n’était pas si mal, finalement…

— Je me suis fait un sang d’encre, Val. Ne me fais plus jamais un coup pareil.

— …

— Oui, je sais. Tu en as bavé mais je suis là maintenant.

— Mmmmoooootttffffff !

— Je serai toujours là pour te protéger, tu le sais. Tu l’as toujours su. Tu peux me demander n’importe quoi. Te décrocher la lune, apprendre l’accordéon, devenir pompom girl… Tout ce que tu veux, je le ferai.

Sebastián relâcha son étreinte et prit le visage de Valérie entre ses mains. C’était maintenant ou jamais, il devait le faire ou l’occasion ne se représenterait peut-être plus. Il prit une grande inspiration, plongea son regard dans celui de Valérie et là, il oublia tout. Ses emmerdes, cette putain d’enquête, son eczéma. Il approcha ses lèvres de celles de la jeune femme et l’embrassa.

Episode 67 by Fanny HATT

L’amour filial

Carole agit rapidement. Elle ramassa le téléphone de son « oncle », son portefeuille, les mit dans sa veste et fit asseoir sa mère dans leur chambre après lui avoir lavé les mains.

— Tu ne bouges pas !  lui hurla-t-elle.

Elle se précipita dehors et alla discrètement à la voiture. Elle prit le bidon d’essence plein et revint en asperger la chambre où se trouvait Eric. Elle alla voir sa mère qui lui demanda :

— Comment va ton père ?

Carole resta troublée un instant mais elle avait tout compris la veille. Avant tout, il fallait qu’elle sorte sa mère de là et qu’elle la ramène à l’hôpital. Elle ne voulait pas qu’elle finisse ses jours en prison. Elle l’installa dans la voiture et retourna vider le reste de l’essence dans leur chambre. Une allumette craqua, les vieux rideaux, le lit et la vieille moquette s’embrasèrent aussitôt. Le temps que les secours arrivent, elles seraient loin et il n’y aurait plus une trace de leur passage. Elle démarra en trombe et pleura en pensant à son père…

Lorsqu’elle arriva par l’arrière de l’hôpital, elle prit garde aux caméras. Elle conduisit sa mère à l’intérieur et sut qu’elle ne la reverrait plus.

Sa mère, sans réaction, se laissa guider quelques pas puis continua à marcher le long du couloir jusqu’à ce que Carole entende une aide-soignante lui demander ce qu’elle faisait là.

* * *

Amanda, qui stationnait plus loin, fit le reste à pied pour s’approcher de la maison de Lalande. Soudain, une camionnette noire aux vitres teintées s’arrêta à sa hauteur. Une main lui tendit un téléphone d’où une voix sortit en hébreu :

— Agent Amanda, affaire terminée, retour au bercail.

Et elle s’engouffra dans le véhicule qui se fondit dans la pénombre de la nuit.

* * *

Valérie se dégagea tendrement de ce baiser.

— Sebastián… regarde… Sur mon pc… des listes, des photos, tous les trafics de Lalande de A à Z… ses complices, son demi-frère. C’est lui qui a commandité le meurtre de Camille ! Il est également responsable de la mort de son autre belle-fille, Carole… Un vrai salaud… Il faisait administrer de la drogue à son ex-femme à l’hôpital par un complice… Il faut retourner la voir à l’hôpital.

Au même moment, leurs portable bipèrent. Ils reçurent tous deux le même sms de Nobel leur annonçant le décès de Lerek.

Dernier épisode Nick Gardel

L’amour mon cul

Le premier cube s’abîma dans le liquide bouillant. Un tour de cuillère créa un vortex qui découpa la mousse compacte. Le second sucre prit le même chemin, mais déjà l’attention n’y était plus. Le juge Favre touillait distraitement son café, l’œil dans le vague. Il attendait.

Les épaules carrées de Max plongèrent le bistrot dans une semi-obscurité quand il passa la porte.

Ils étaient seuls dans ce boui-boui qui était depuis longtemps leur point de ralliement. Le juge fit néanmoins signe au journaliste, mais reprit rapidement son air las.

— Pas la forme des grands jours, on dirait… commenta le journaliste.

— Quand tu passes ta journée à patauger dans un merdier sans nom…

— J’avais cru comprendre que ça se décantait, pourtant.

—Tu te fous de moi ? Même mon expresso est plus clair que ce bourbier. On s’ébat dans l’hémoglobine et les pressions de la moitié des ministères. Toute la chaine de commandement est court-circuitée et devine qui va servir de fusible !

— D’habitude c’est plutôt les flics qui morflent, monsieur le juge…

— Avec la médiatisation du double attentat sur Rémini, elle est quasiment intouchable, idem pour Sebastián.

— Il s’agirait surtout de leur foutre la paix…

— Et la mienne de paix ? Ils s’en tirent bien de toute façon. Ils passent leur temps à s’entre-dévorer la couenne maintenant. Les petits oiseaux et les violons. Écœurant. Tout se barre à vau-l’eau.

— Sans compter que tu as Lerek qui est resté sur le carreau.

— Et que Nobel nous joue les pleureuses. Dépression post-traumatique, le gars n’est plus étanche. Les eaux de Versailles, les sanglots des grandes épopées. Hors-service aussi.

— Encore les ravages de la passion, rigola Max. En fait toute cette histoire est une vaste histoire d’amour.

— L’amour mon cul !

— Tu es vulgaire monsieur le juge.

— Je t’en foutrai de l’amour ! C’est surtout une histoire de dinguerie. Les Longchamps et ceux qui gravitent autour. La galaxie des tarés ! Lalande, complètement à la masse, son demi-frère, Blanchard, encore plus barge. Et dans la famille « fondu du bulbe », je demande la mère ! Celle-là, elle s’enfile maintenant les cachetons comme des Smarties, par boîte entière. Complètement ravagée. Elle confond tout, elle mélange tout et la plupart du temps, elle bave ! Camille, Carole, son beau-frère, son mari, toute la palanquée de cadavres qui viennent assaisonner ce plat pourri. En tout cas, ceux qu’on a retrouvés ! Parce que les placards sont garnis de squelettes. Du coup, il ne reste que bibi pour éponger le purin.

— Tes supérieurs se réveillent ?

— Eux et leurs copains ! Le moindre péteux avec un portefeuille prend son téléphone, histoire de voir s’il ne pourrait pas, au cas où, s’en servir pour me briser les noix. Des ministres se trouvent tout à coup vachement intéressés par l’enquête de Camille… L’intérieur, les affaires étrangères, même l’autre tanche de l’agriculture…

— Ça ne devrait pas t’étonner. Avec les infos contenues dans son dossier y avait de quoi mettre en bascule pas mal de monde…

— On va surtout faire tourner les chaises et quand la musique sera arrêtée, tout le monde aura retrouvé un strapontin… Remaniement et retraite, pas plus, pas moins. Les services secrets chapeautent le ménage.

— On ne va pas y gagner en clarté…

Le journaliste fit le tour du comptoir désert, laissa couler un filet doré depuis la tireuse et se servit un demi moussu.

— En fait, seule la meurtrière de Camille s’en tire, reprit-il après sa première gorgée.

— Rien n’est moins sûr… La fantômette a été exfiltrée par ses employeurs mais le véhicule n’est jamais arrivé à destination. La version officielle sera celle d’une banale perte de contrôle et d’un tragique accident routier. C’est toujours ça de pris pour les statistiques. Trois morts carbonisés dans l’estafette.

— Ça sent le pipeau à pleins poumons… El Condor pasa à la flûte de pan…

— Dans ce milieu, la seule certitude qu’on peut avoir c’est justement de ne pas en avoir.

— Philosophe, Monsieur le juge !

— Philosophe et emmerdé. Parce que, si tu fais le compte, il ne reste plus personne à charger pour le merdier. Il y aurait bien toi… Mais honnêtement, je ne vois pas comment.

— C’est toujours un plaisir…

— N’empêche, à ta place j’éviterais les velléités de publication dans un avenir proche et je choisirais cette période pour prendre des vacances. Toi et ta fille par exemple… Les tropiques, c’est bien les tropiques. Le turquoise et les palmiers, ça détend.

— J’ai pas exactement les moyens de me payer une cavale à l’autre bout du globe…

— Le coffre de Lalande a révélé un certain nombre d’enveloppes garnies. Je suis presque certain que le compte n’en a pas été fait avec toute la rigueur nécessaire. Tu sais combien la République peut être distraite parfois.

Favre fit glisser un fourreau de Kraft sur la table ronde. Il regarda Max qui souriait. L’affaire était entendue.

— J’imagine que tu vas continuer la brasse coulée dans la merde, dit le journaliste.

— Pour le moment, mon sort est en délibération. Je fais mon benêt qui ne comprend rien. On s’interroge encore pour savoir si je suis aussi con que j’en ai l’air. Dans l’absolu tout le monde se demande si je suis plus utile ici ou perdu dans un tribunal de province à instruire les ravages de l’alcoolisme.

— Ça laisse de la marge.

— La marge, c’est ce qui fait tenir les pages du cahier, dit le juge en quittant le bar.

* * *

Un rayon de soleil vient lui caresser l’épaule. Elle ouvre les yeux et regarde les courbes de celle qui dort encore à côté d’elle. Ses côtes lui font mal, surtout dans la position malcommode qu’elle est forcée de garder. Son bras est tendu et glisse sous le traversin jusqu’à la tête du lit. Son poignet est enserré dans un bracelet capitonné relié à un anneau dans le mur. Elle ne tire pas dessus. Elle comprend la raison de sa présence. Ce n’est pas de la résignation, c’est un gage pour celle qui s’étire maintenant à ses côtés.

Carole se tourne vers elle et plonge ses yeux dans les siens.

— Bien dormi ?

— Et toi ?

La jeune femme se redresse et lui caresse le visage. Le geste s’attarde sur son cou pour finalement venir effleurer sa poitrine bandée. Amanda retient sa respiration, anticipant la douleur.

— Tu as mal ? demande Carole.

— Un peu… Faut dire que je n’ai pas exactement la convalescence appropriée… Tu y as été fort tout de même. J’en reviens pas, où est-ce que tu as été chercher un lance-roquette ?

— Je le réservais à Lalande, mais finalement, je me suis dit qu’il pouvait aussi servir pour l’assassin de ma sœur.

Amanda déglutit. Elle tente de trouver des réponses dans les yeux de cette femme qui ressemble tant à Camille.

— …et puis il fallait bien ça pour en finir avec tes employeurs habituels, non ?

— Tu sais, ils ne sont jamais satisfaits. Surtout pas par les apparences. Ils me chercheront sans doute.

— Ça nous laisse un peu de temps au moins.

Carole saute du lit et se dirige vers la fenêtre. Son corps nu joue avec le soleil. Elle est belle. Le bracelet d’Amanda fait un cliquetis quand elle tente de changer de position.

— Ça nous met à égalité, reprend Carole. Moi aussi je suis morte après tout. Et puis tu étais si mignonne dans la carcasse de cette camionnette. Je n’ai pas eu le courage de te mettre une balle dans la tête.

Elle revient et chevauche la prisonnière qui renonce à se redresser.

— Il ne faut pas toujours tout expliquer.

De sa main libre, Amanda empaume le sein de la jeune femme qui lui plante un baiser sur les lèvres.

Il faudra du temps.

Elles en ont.

Épilogue by Cécile Pellault

Un pacte sinon rien

La sueur perlait sur son front, coulait depuis la naissance de sa colonne vertébrale jusqu’aux tréfonds de son être, tel le fleuve de sa peur. Sa mâchoire se contractait à chaque ressac de la nausée qui l’envahissait. Elle n’était pas loin de se transformer en marée qui éroderait la moindre parcelle de joie dans son cœur. L’effroi avait envahi son système nerveux, transformant chaque frisson en douleur fulgurante.

Geneviève tenait entre ses mains le dernier manuscrit de Claude France. Depuis qu’elle était son éditrice, c’est-à-dire depuis son tout premier roman, elle avait pu compter sur son poulain. Il lui fournissait toujours en temps et en heure son manuscrit qui partait ensuite à la correction, pour finir sa course en bonne place dans toutes les librairies et tous les espaces de ventes possibles et imaginables pour un thriller, vendu à des millions d’exemplaires en France et dans tous les pays friands de ses déclinaisons internationales. Les critiques étaient souvent mitigées. Les milieux littéraires bon teint le boudaient mais il était invité dans toutes les émissions de divertissement radiophoniques et télévisuelles. Et surtout, les Français et les Françaises l’adoraient, l’achetaient et étaient prêts à faire des heures de queue pour une dédicace de leur écrivain préféré.

Cependant, autant elle avait pu, jusqu’alors, transférer au pool de relectrices-correctrices le fichier annuel sans un regard approfondi, autant ce 20ème opus la plongeait dans la stupeur. Ce qu’elle avait entre les mains était une catastrophe, un délire ! Claude lui avait pitché le meurtre d’une journaliste, Camille, sur fond d’un complot international et d’une revanche familiale. Elle avait opiné, confiante dans les capacités de CF d’en faire un vrai page-turner. Mais elle avait sous les yeux plus de 60 chapitres avec autant de styles différents que de retournements de situations impossibles et inimaginables. Il avait repris la boisson, elle ne voyait que cela comme explication. Une jumelle tueuse et magicienne, la mise en scène d’écrivains connus sous des références à peine voilées, qui lui assurait une bataille juridique sévère avec les autres maisons d’éditions, un personnage principal abandonné en pleine campagne sans que l’on sache vraiment ce qu’il lui était arrivé avant un dénouement en forme de baiser… Et certains chapitres requéraient simplement l’usage de LSD pour la compréhension.

Geneviève se prit la tête entre les mains pour tenter de contenir la migraine qui brandissait l’épée de sa férocité. Qu’avait-elle fait pour mériter cela ? Il devait pourtant y avoir une explication. Claude se sabordait pour pouvoir changer de maison d’édition ? Un pari ? Une blague ? Une maladie neuronale dégénérative ? Même au pire de son alcoolisme, son écriture avait été exploitable. Pas toujours ses déclarations à la presse mais rien à voir avec ce truc qu’elle regardait avec horreur. Seule la mort de son auteur pouvait sauver cette rentrée littéraire. L’idée insidieuse fit son chemin assez facilement dans son esprit. Les chiffres de vente, la couverture médiatique commençaient à faire briller les yeux de l’éditrice qui s’étaient éteints comme des chandeliers sur lesquels un vent froid aurait soufflé à la lecture de ce machin livresque.  Qui pourrait être aussi désespéré qu’elle pour l’aider ? Son regard se posa sur la pile des manuscrits envoyés par la poste des aspirants au Saint Graal du contrat d’édition.

Qui serait assez aux abois pour accepter un pacte à la Faust ? Eliminer l’auteur célèbre contre un contrat pour le devenir. Elle lut les noms sur le tableau Excel établi par ses équipes reprenant ceux sélectionnés comme « Probables Plumes à signer », les PPS. Isabelle B, Lou V, Aurore Z, Cécile P, Elias A, Marylène LB, Michèle F, Maryse, Danièle T, Fleur, Aurélie, Caroline N, Yvan F, Eppy F, Noëlle, Lolo, Nicolas D, Yannick P, Pascal B, Frédérique-Sophie B, Fanny L, Sandrine D, Maud V, Aline G, Nathalie R, Guy R, Carlo C, Leelo D, David S, Danièle O, Céline B, Patrice G, Michel R, Marc S, Clémence, Michael C, Claude L, Lucienne C, Frédéric F, Nathalie J, Patrick F, Sylvie K, Sacha E, Sofia H, Florence L, Michael F, Loli C, Mark Z, Kate W, Jean-Paul D, (…). Autant commencer par la première de la liste, pensa-t-elle.

— « Allo, Isabelle B ? …Oui, Geneviève V des Editions Albin Sud… Seriez-vous disponible pour un rendez-vous pour discuter de votre avenir ?… Non,  pas dans nos locaux, un petit café Le Goethe… Oui, c’est ça !… A bientôt, Isabelle ! »

Geneviève raccrocha, soulagée. Avec Isabelle ou un autre, elle se sortirait de ce pétrin ou de ce cadavre de manuscrit. Un petit pacte et puis s’en ira.


Voilà cher(e)s amis lecteurs zé lectrices

Vous croyez en avoir fini avec notre cadavre exquis ? Et bien pas du tout

Il va revenir vous hanter sous forme de jeux-concours dans les jours prochains

Alors soyez attentif.

Bien à vous

Ge porte flingue de Collectif Polar

L’exquis cadavre exquis, épilogue

L’exquis cadavre exquis, épilogue

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Epilogue

by Cécile Pellault

 

Un pacte sinon rien

 

La sueur perlait sur son front, coulait depuis la naissance de sa colonne vertébrale jusqu’aux tréfonds de son être, tel le fleuve de sa peur. Sa mâchoire se contractait à chaque ressac de la nausée qui l’envahissait. Elle n’était pas loin de se transformer en marée qui éroderait la moindre parcelle de joie dans son cœur. L’effroi avait envahi son système nerveux transformant chaque frisson en douleur fulgurante.

Geneviève tenait entre ses mains le dernier manuscrit de Claude France. Depuis qu’elle était son éditrice, c’est-à-dire depuis son tout premier roman, elle avait pu compter sur son poulain. Il lui fournissait toujours en temps et en heure son manuscrit qui partait ensuite à la correction, pour finir sa course en bonne place dans toutes les librairies et tous les espaces de ventes possibles et imaginables pour un thriller, vendus à des millions d’exemplaires en France et dans tous les pays friands de ses déclinaisons internationales. Les critiques étaient souvent mitigées. Les milieux littéraires bon teint le boudaient mais il était invité dans toutes les émissions de divertissement radiophoniques et télévisuelles. Et surtout, les Français et les Françaises l’adoraient, l’achetaient et étaient prêts à faire des heures de queue pour une dédicace de leur écrivain préféré.

Cependant, autant elle avait pu, jusqu’alors, transférer au pool de relectrices-correctrices le fichier annuel sans un regard approfondi, autant ce 20ème opus la plongeait dans la stupeur. Ce qu’elle avait entre les mains était une catastrophe, un délire ! Claude lui avait pitché le meurtre d’une journaliste, Camille, sur fond d’un complot international et d’une revanche familiale. Elle avait opiné, confiante dans les capacités de CF d’en faire un vrai page-turner. Mais elle avait sous les yeux plus de 60 chapitres avec autant de styles différents que de retournements de situations impossibles et inimaginables. Il avait repris la boisson, elle ne voyait que cela comme explication. Une jumelle tueuse et magicienne, la mise en scène d’écrivains connus qui lui assurait une bataille juridique sévère avec les autres maisons d’éditions, un personnage principal abandonné en pleine campagne sans que l’on sache vraiment ce qu’il lui était arrivé avant un dénouement en forme de baiser… Et certains chapitres requéraient simplement l’usage de LSD pour la compréhension.

Geneviève se prit la tête entre les mains pour tenter de contenir la migraine qui brandissait l’épée de sa férocité. Qu’avait-elle fait pour mériter cela ? Il devait pourtant y avoir une explication. Claude se sabordait pour pouvoir changer de maison d’édition ? Un pari ? Une blague ? Une maladie neuronale dégénérative ? Même au pire de son alcoolisme, son écriture avait été exploitable. Pas toujours ses déclarations à la presse mais rien à voir avec ce truc qu’elle regardait avec horreur. Seule la mort de son auteur pouvait sauver cette rentrée littéraire. L’idée insidieuse fit son chemin assez facilement dans son esprit. Les chiffres de vente, la couverture médiatique commençaient à faire briller les yeux de l’éditrice qui s’étaient éteints comme des chandeliers sur lesquels un vent froid aurait soufflé à la lecture de ce machin livresque.  Qui pourrait être aussi désespéré qu’elle pour l’aider ? Son regard se posa sur la pile des manuscrits envoyés par la poste des aspirants au Saint Graal du contrat d’édition.

Qui serait assez aux abois pour accepter un pacte à la Faust ? Eliminer l’auteur célèbre contre un contrat pour le devenir. Elle lut les noms sur le tableau Excel établi par ses équipes reprenant ceux sélectionnés comme « Probables Plumes à signer », les PPS. Isabelle B, Lou V, Aurore Z, Cécile P, Elias A, Marylène LB, Michèle F, Maryse, Danièle T, Fleur, Aurélie, Caroline N, Yvan F, Eppy F, Noëlle, Lolo, Nicolas D, Yannick P, Pascal B, Frédérique-Sophie B, Fanny L, Sandrine D, Maud V, Aline G, Nathalie R, Guy R, Carlo C, Leelo D, David S, Danièle O, Céline B, Patrice G, Michel R, Marc S, Clémence, Michael C, Claude L, Lucienne C, Frédéric F, Nathalie J, Patrick F, Sylvie K, Sacha E, Sofia H, Florence L, Michael F, Loli C, Mark Z, Kate W, Jean-Paul D, (…). Autant commencer par la première de la liste, pensa-t-elle.

 – « Allo, Isabelle B ? …Oui, Geneviève V des Editions Albin Sud… Seriez-vous disponible pour un rendez-vous pour discuter de votre avenir ?… Non, pas dans nos locaux, un petit café Le Goethe… Oui, c’est ça !… A bientôt, Isabelle ! »

Geneviève raccrocha, soulagée. Avec Isabelle ou un autre, elle se sortirait de ce pétrin ou de ce cadavre de manuscrit. Un petit pacte et puis s’en ira.

L’exquis cadavre exquis, épisode final

L’exquis cadavre exquis, épisode 68

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Episode 68 et dernier chapitre

by Nick Gardel

L’amour mon cul

Le premier cube s’abîma dans le liquide bouillant. Un tour de cuillère créa un vortex qui découpa la mousse compacte. Le second sucre prit le même chemin, mais déjà l’attention n’y était plus. Le juge Favre touillait distraitement son café, l’œil dans le vague. Il attendait.

Les épaules carrées de Max plongèrent le bistrot dans une semi-obscurité quand il passa la porte.

Ils étaient seuls dans ce boui-boui qui était depuis longtemps leur point de ralliement. Le juge fit néanmoins signe au journaliste, mais reprit rapidement son air las.

— Pas la forme des grands jours, on dirait… commenta le journaliste.

— Quand tu passes ta journée à patauger dans un merdier sans nom…

— J’avais cru comprendre que ça se décantait, pourtant.

—Tu te fous de moi ? Même mon expresso est plus clair que ce bourbier. On s’ébat dans l’hémoglobine et les pressions de la moitié des ministères. Toute la chaine de commandement est court-circuitée et devine qui va servir de fusible !

— D’habitude c’est plutôt les flics qui morflent, monsieur le juge…

— Avec la médiatisation du double attentat sur Rémini, elle est quasiment intouchable, idem pour Sebastián.

— Il s’agirait surtout de leur foutre la paix…

— Et la mienne de paix ? Ils s’en tirent bien de toute façon. Ils passent leur temps à s’entre-dévorer la couenne maintenant. Les petits oiseaux et les violons. Écœurant. Tout se barre à vau-l’eau.

— Sans compter que tu as Norek qui est resté sur le carreau.

—Et que Lebel nous joue les pleureuses. Dépression post-traumatique, le gars n’est plus étanche. Les eaux de Versailles, les sanglots des grandes épopées. Hors-service aussi.

— Encore les ravages de la passion, rigola Max. En fait toute cette histoire est une vaste histoire d’amour.

— L’amour mon cul !

— Tu es vulgaire monsieur le juge.

— Je t’en foutrai de l’amour ! C’est surtout une histoire de dinguerie. Les Longchamps et ceux qui gravitent autour. La galaxie des tarés ! Lalande, complètement à la masse, son demi-frère, Blanchard, encore plus barge. Et dans la famille « fondu du bulbe », je demande la mère ! Celle-là, elle s’enfile maintenant les cachetons comme des Smarties, par boîte entière. Complètement ravagée. Elle confond tout, elle mélange tout et la plupart du temps, elle bave ! Camille, Carole, son beau-frère, son mari, toute la palanquée de cadavres qui viennent assaisonner ce plat pourri. En tout cas, ceux qu’on a retrouvés ! Parce que les placards sont garnis de squelettes. Du coup, il ne reste que bibi pour éponger le purin.

— Tes supérieurs se réveillent ?

— Eux et leurs copains ! Le moindre péteux avec un portefeuille prend son téléphone, histoire de voir s’il ne pourrait pas, au cas où, s’en servir pour me briser les noix. Des ministres se trouvent tout à coup vachement intéressés par l’enquête de Camille… L’intérieur, les affaires étrangères, même l’autre tanche de l’agriculture…

— Ça ne devrait pas t’étonner. Avec les infos contenues dans son dossier y avait de quoi mettre en bascule pas mal de monde…

— On va surtout faire tourner les chaises et quand la musique sera arrêtée, tout le monde aura retrouvé un strapontin… Remaniement et retraite, pas plus, pas moins. Les services secrets chapeautent le ménage.

— On ne va pas y gagner en clarté…

Le journaliste fit le tour du comptoir désert, laissa couler un filet doré depuis la tireuse et se servit un demi moussu.

— En fait, seule la meurtrière de Camille s’en tire, reprit-il après sa première gorgée.

— Rien n’est moins sûr… La fantômette a été exfiltrée par ses employeurs mais le véhicule n’est jamais arrivé à destination. La version officielle sera celle d’une banale perte de contrôle et d’un tragique accident routier. C’est toujours ça de pris pour les statistiques. Trois morts carbonisés dans l’estafette.

— Ça sent le pipeau à pleins poumons… El Condor pasa à la flûte de pan…

— Dans ce milieu, la seule certitude qu’on peut avoir c’est justement de ne pas en avoir.

— Philosophe, Monsieur le juge !

— Philosophe et emmerdé. Parce que, si tu fais le compte, il ne reste plus personne à charger pour le merdier. Il y aurait bien toi… Mais honnêtement, je ne vois pas comment.

— C’est toujours un plaisir…

— N’empêche, à ta place j’éviterais les velléités de publication dans un avenir proche et je choisirais cette période pour prendre des vacances. Toi et ta fille par exemple… Les tropiques, c’est bien les tropiques. Le turquoise et les palmiers, ça détend.

— J’ai pas exactement les moyens de me payer une cavale à l’autre bout du globe…

— Le coffre de Lalande a révélé un certain nombre d’enveloppes garnies. Je suis presque certain que le compte n’en a pas été fait avec toute la rigueur nécessaire. Tu sais combien la République peut être distraite parfois.

Favre fit glisser un fourreau de Kraft sur la table ronde. Il regarda Max qui souriait. L’affaire était entendue.

— J’imagine que tu vas continuer la brasse coulée dans la merde, dit le journaliste.

— Pour le moment, mon sort est en délibération. Je fais mon benêt qui ne comprend rien. On s’interroge encore pour savoir si je suis aussi con que j’en ai l’air. Dans l’absolu tout le monde se demande si je suis plus utile ici ou perdu dans un tribunal de province à instruire les ravages de l’alcoolisme.

— Ça laisse de la marge.

— La marge, c’est ce qui fait tenir les pages du cahier, dit le juge en quittant le bar.

 

* * *

Un rayon de soleil vient lui caresser l’épaule. Elle ouvre les yeux et regarde les courbes de celle qui dort encore à côté d’elle. Ses côtes lui font mal, surtout dans la position malcommode qu’elle est forcée de garder. Son bras est tendu et glisse sous le traversin jusqu’à la tête du lit. Son poignet est enserré dans un bracelet capitonné relié à un anneau dans le mur. Elle ne tire pas dessus. Elle comprend la raison de sa présence. Ce n’est pas de la résignation, c’est un gage pour celle qui s’étire maintenant à ses côtés.

Carole se tourne vers elle et plonge ses yeux dans les siens.

— Bien dormi ?

— Et toi ?

La jeune femme se redresse et lui caresse le visage. Le geste s’attarde sur son cou pour finalement venir effleurer sa poitrine bandée. Amanda retient sa respiration, anticipant la douleur.

— Tu as mal ? demande Carole.

— Un peu… Faut dire que je n’ai pas exactement la convalescence appropriée… Tu y as été fort tout de même. J’en reviens pas, où est-ce que tu as été chercher un lance-roquette ?

— Je le réservais à Lalande, mais finalement, je me suis dit qu’il pouvait aussi servir pour l’assassin de ma sœur.

Amanda déglutit. Elle tente de trouver des réponses dans les yeux de cette femme qui ressemble tant à Camille.

— …et puis il fallait bien ça pour en finir avec tes employeurs habituels, non ?

— Tu sais, ils ne sont jamais satisfaits. Surtout pas par les apparences. Ils me chercheront sans doute.

— Ça nous laisse un peu de temps au moins.

Carole saute du lit et se dirige vers la fenêtre. Son corps nu joue avec le soleil. Elle est belle. Le bracelet d’Amanda fait un cliquetis quand elle tente de changer de position.

— Ça nous met à égalité, reprend Carole. Moi aussi je suis morte après tout. Et puis tu étais si mignonne dans la carcasse de cette camionnette. Je n’ai pas eu le courage de te mettre une balle dans la tête.

Elle revient et chevauche la prisonnière qui renonce à se redresser.

— Il ne faut pas toujours tout expliquer.

De sa main libre, Amanda empaume le sein de la jeune femme qui lui plante un baiser sur les lèvres.

Il faudra du temps.

Elles en ont.

 

L’exquis cadavre exquis, épisode 67

L’exquis cadavre exquis, épisode 67

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Episode 67

by Fanny HATT

L’amour filial

 

Carole agit rapidement. Elle ramassa le téléphone de son « oncle », son portefeuille, les mit dans sa veste et fit asseoir sa mère dans leur chambre après lui avoir lavé les mains.

 – « Tu ne bouges pas ! » lui hurla-t-elle.

Elle se précipita dehors et alla discrètement à la voiture. Elle prit le bidon d’essence plein et revint en asperger la chambre où se trouvait Eric. Elle alla voir sa mère qui lui demanda :

 – « Comment va ton père ? »

Carole resta troublée un instant mais elle avait tout compris la veille. Avant tout, il fallait qu’elle sorte sa mère de là et qu’elle la ramène à l’hôpital. Elle ne voulait pas qu’elle finisse ses jours en prison. Elle l’installa dans la voiture et retourna vider le reste de l’essence dans leur chambre. Une allumette craqua, les vieux rideaux, le lit et la vieille moquette s’embrasèrent aussitôt. Le temps que les secours arrivent, elles seraient loin et il n’y aurait plus une trace de leur passage. Elle démarra en trombe et pleura en pensant à son père…

Lorsqu’elle arriva par l’arrière de l’hôpital, elle prit garde aux caméras. Elle conduisit sa mère à l’intérieur et sut qu’elle ne la reverrait plus.

Sa mère, sans réaction, se laissa guider quelques pas puis continua à marcher le long du couloir jusqu’à ce que Carole entende une aide-soignante lui demander ce qu’elle faisait là.

 

****

 

Amanda, qui stationnait plus loin, fit le reste à pied pour s’approcher de la maison de Lalande. Soudain, une camionnette noire aux vitres teintées s’arrêta à sa hauteur. Une main lui tendit un téléphone d’où une voix sortit en hébreu :

 – Agent Amanda, affaire terminée, retour au bercail.

Et elle s’engouffra dans le véhicule qui se fondit dans la pénombre de la nuit.

 

****

 

Valérie se dégagea tendrement de ce baiser.

«  Sebastián… regarde… Sur mon pc… des listes, des photos, tous les trafics de Lalande de A à Z… ses complices, son demi-frère. C’est lui qui a commandité le meurtre de Camille ! Il est également responsable de la mort de son autre belle-fille, Carole… Un vrai salaud… Il faisait administrer de la drogue à son ex-femme à l’hôpital par un complice… ». Il faut retourner la voir à l’hôpital.

Au même moment, leurs portable bipèrent. Ils reçurent tous deux le même sms de Lebel leur annonçant le décès de Norek.

 

L’exquis cadavre exquis, épisode 66

L’exquis cadavre exquis, épisode 66

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Episode 66  by

Nathalie Mota de Sous les pavés la page 

 

« Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît »

 

Valérie avait la sensation qu’un concert de black métal se déroulait dans sa poitrine.  Son cœur battait si fort qu’il résonnait dans ses tempes. Le CD était introduit depuis deux minutes déjà et le vieux PC faisait autant de bruit qu’un avion qui décolle.

Ses pensées naviguaient en eaux troubles, elle n’en pouvait plus de cette enquête qui partait dans tous les sens.

Elle aurait aimé que Sebastián soit auprès d’elle pour profiter de cette découverte et elle s’étonnait de penser à lui à cet instant précis. Cet idiot l’agaçait autant qu’il….

Son téléphone sonnait. Le nom de Lerot s’affichait, enfin des nouvelles !

        –  C’est pas trop tôt, Lerot ! Des jours que j’essaie de te joindre !

        –  Salut Rémini. Je te demande pardon, j’ai eu quelques impondérables…             et tu es mal placée pour me fustiger, c’est quoi cette histoire de                          décharge ?

        – On règlera nos comptes plus tard. Où es-tu ?

        –  Pas loin de toi, j’arrive dans cinq minutes et j’ai des tonnes de choses à             te raconter.

La communication fut coupée. Valérie regarda son téléphone d’un air perplexe. Cet abruti commençait sérieusement à lui courir sur le haricot et ce PC qui ne démarrait pas ! Elle entendit alors des pas dans les escaliers. Si un mec de la scientifique se pointait à cet instant, elle le jetterait manu militari. La porte s’ouvrit d’un coup sec et elle eut à peine le temps de se retourner que Sebastián entrait dans le bureau et se jetait sur elle pour l’enserrer comme un Robinson qui n’avait pas vu d’autre être humain depuis 20 ans. Elle se retrouva prisonnière, étouffant dans la chemise de Lerot qui puait le mauvais after-shave.

Elle se débattit tant bien que mal mais le bougre était plus fort qu’elle et elle finit par céder. Ce n’était pas si mal, finalement…

       –  Je me suis fait un sang d’encre, Val. Ne me fais plus jamais un coup                      pareil.

       –  Mfffmmmmppfff…

        –  Oui, je sais. Tu en as bavé mais je suis là maintenant.

        –  Mmmmoooootttffffff !

         –  Je serai toujours là pour te protéger, tu le sais. Tu l’as toujours su. Tu               peux me demander n’importe quoi. Te décrocher la lune, apprendre                 l’accordéon, devenir pompom girl… Tout ce que tu veux, je le ferai.

Sebastián relâcha son étreinte et prit le visage de Valérie entre ses mains. C’était maintenant ou jamais, il devait le faire ou l’occasion ne se représenterait peut-être plus. Il prit une grande inspiration, plongea son regard dans celui de Valérie et là, il oublia tout. Ses emmerdes, cette putain d’enquête, son eczéma. Il approcha ses lèvres de celles de la jeune femme et l’embrassa.

L’exquis cadavre exquis, épisode 65

L’exquis cadavre exquis, épisode 65

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Episode 65 

by Armelle Carbonel

Le diable se cache dans les détails

Éric glisse son portable dans la poche de son jean. Il n’attend pas de réponse au message envoyé à Anton. Celui-ci tenterait certainement d’entamer sa détermination à se rendre chez Lalande. Rompu à la rudesse de sa formation militaire, il n’en demeure pas moins un homme, doté de faiblesses qui portent les doux noms de Laure et Carole. Ses clefs de voiture tintent au creux de sa main tandis qu’il observe les deux femmes assises sur les sièges en cuir brûlés par le soleil. Leur impatience rime avec le silence. Un tableau de famille figé sous la morsure du soleil. Sans prononcer un mot, ils s’engagent sur les entrelacs de bitume qui sillonnent l’Espagne, bifurquent sur des axes moins fréquentés et s’enfoncent au cœur des massifs boisés où la nuit ne tardera plus à déposer son voile funeste. Les heures défilent, cadencées par le ronronnement du moteur et les souvenirs interdits que chacun garde précieusement scellés au fond d’une gorge nouée par l’angoisse. Le temps s’échappe vers une issue inéluctable. La villa de Lalande se profile enfin derrière une barrière végétale propice aux cauchemars. Noirceur et vengeance bouillonnant d’un même sang.

– Arrête-toi ! », s’écrit soudain Carole, achevant le silence si bien installé.

Par-delà les cimes, le ciel s’éclaire d’un étrange ballet de lumières. L’agitation soulevée par la brise confirme leur crainte : les flics ont investi les lieux.

« On fait quoi ? s’inquiète Laure, le teint blême.

 – On se tire ».

Qu’auraient-ils pu envisager d’autre ? Une bonne nuit de sommeil – tant est que Morphée daigne se pointer – leur éclaircirait les idées. Réfléchir. Chercher une marge de manœuvre. Tuer Blanchard.

Un motel sordide à la lisière de la ville ferait l’affaire.

« Deux chambres », commande Éric, soucieux de mettre les siens à l’abri.

Carole et sa mère s’engouffrent dans la première tandis que son oncle disparait dans le capharnaüm mitoyen. La jeune femme surprend le regard pétri de tendresse dont il la couve. Elle se sent soudain mal à l’aise… Jamais auparavant il ne l’avait percée avec une telle intensité qui semblait signifier : je t’aime plus que tout.

Au plus fort de la nuit, Carole sursaute sur sa couche inconfortable. Elle constate le vide laissé par sa mère dans ce lit de misère. S’effraie du bruit d’une altercation dans la chambre voisine. Des voix qui portent, des gosiers hurlants, des menaces jetées contre les parois trop minces pour les dissimuler. L’oreille collée au mur, elle entend les bribes d’une colère terrifiante :

« Tu allais le lui dire… Je l’ai lu dans ton regard…

 – Laure, s’il te plaît…

 – Non ! J’ai déjà perdu une fille… Confiance… Peux pas avouer… Trahison… ».

Puis le cri d’un verre brisé, d’un crâne qui explose sous une pluie de plaintes douloureuses.

Carole se rue hors de la chambre. A cet instant, Laure apparaît sur la coursive, les mains ruisselant de la preuve écarlate de son forfait. Abasourdie, la jeune femme recule dans ce vide qui l’attire inexorablement.

« Mon dieu… Qu’as-tu fait, maman ? Éric ?

 – Ce n’est pas ce que tu crois… C’était un accident… » gémit Laure.

Carole hurle après son oncle – son oncle, vraiment ? -, ce grand frère, son sauveur. Cet homme mort.

A ses yeux hallucinés, Laure Longchamps n’aurait eu aucun mal à convaincre un expert que sa place était en HP. Une unité qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Pour le bien de tous.

 

L’exquis cadavre exquis, épisode 64

L’exquis cadavre exquis, épisode 64

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Episode 64 

by Divad

 Ensemble, nous sommes plus forts !

 

Quelques heures plus tôt, sur le chemin de Paris, Max et Costes passèrent un coup de fil à Fabre. Max, en vieux routard de la chronique judiciaire, avait des rapports forts décomplexés avec le juge, contrairement aux flics qui tremblaient à chacun de ses mots. Une relation d’échange de bons procédés et d’égaux face à l’information s’était installée entre eux pour le bien de la justice, en général. Sans une hésitation, il avait composé le numéro du bureau du magistrat.

 

–  Salut Fabre, C’est Lindberg. Je reviens d’Allemagne avec Costes. On a découvert que Lalande et Blanchard seraient impliqués dans le meurtre de Camille. Elle en savait trop sur leurs magouilles. On essaie de joindre Lerot mais il ne répond jamais à son foutu portable.

–  Oui, je sais, il est aux abonnés absents ce qui devient inquiétant. On a cherché à tracer sa voiture et elle a été signalée sur le parking de Lariboisière. Pas eu le temps d’envoyer du monde, c’est le branle-bas de combat chez Lalande qui s’est fait dessouder

– Ah bon mais par qui ?

– Ça, on l’ignore encore mais une équipe se rend sur place pour trouver la réponse.

–  Ok, on te rejoint là-bas ! Envoie-moi les coordonnées par SMS.

–  On passe d’abord jeter un œil à Lariboisière, c’est sur le chemin, coupe Costes. C’est un râleur, le Lerot, ce n’est pas dans ses habitudes de rester silencieux et de fermer sa gueule.

 

*******

Sebastián observe Blanchard et ses acolytes en train de s’envoyer des amabilités devant l’employé de l’hôpital qui n’en mène pas large.

Il sent alors une poussée d’adrénaline lui vriller le corps, il réfléchit pendant quelques secondes, évalue ses forces, il ne peut pas ne rien faire, c’est viscéral. Il décide de remettre en branle sa machine à baffes, peu importe les conséquences et même si ses chances d’en sortir vivant sont minimes.

C’est à ce moment précis qu’une main s’abat sur son épaule. Sebastián s’apprête instinctivement à porter un coup en se retournant et arrête son geste avant une issue douloureuse pour le propriétaire de la main.

 

–  Putain, Costes ! lâche-t-il dans un soupir.

–  Bah alors Lerot, le monde entier te recherche et tu ne donnes aucun signe de vie, s’exclame Costes.

–  Chut ! Blanchard et ses deux hommes de mains sont juste-là. Il faut qu’on les appréhende, venez avec moi !

–  Ça tombe bien, je ne suis pas sorti à poil, lance Costes en exhibant son flingue.

 

Muni de son distributeur de chocolats en plomb, Costes prend les devants et se positionne en face des trois hommes.

–  On la boucle et on lève les mains bien gentiment messieurs, les somme-t-il

 

Blanchard, avec une rapidité qui prend tout le monde de court, sort un poignard, agrippe l’infirmier par le cou et hurle à Costes :

–  Tu poses ça direct ou je l’égorge devant toi !

 

Avant de s’effondrer, K.O. sous le poing d’Anton. Lerot, Costes et Lindberg restent immobiles, abasourdis.

 –  Passez-lui les menottes avant qu’il ne se relève, leur commande Anton. Je vais tout vous expliquer.

 

*******

A la villa, les sources vives s’agitent. Le juge Fabre, accompagné de la brigade scientifique, a déboulé. Oui, Valérie avait raison, c’est moche, très moche même. Après les premiers prélèvements effectués et toutes les précautions prises, Valérie va enfin pouvoir consulter le CD. Son cœur bat à tout rompre, son instinct de flic ne le trompe pas, elle sent que la clé de l’énigme est là. Les fils vont enfin se dénouer. Elle introduit le CD dans l’ordinateur

L’exquis cadavre exquis, épisode 63

L’exquis cadavre exquis, épisode 63

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Episode 63

by miss Enila

 va-t-on en voir la fin ?

Sebastián retient sa respiration en espérant que le type parvienne à récupérer son téléphone avant qu’il n’arrive jusqu’à lui. Peine perdue, le Tchèque se retrouve nez à nez avec le flic. Moment suspendu où chacun évalue ses « chances ». Anton ramasse son appareil tout en fixant Sebastián et lui tourne le dos sans un mot. Lerot n’en revient pas. C’est quoi ce délire ? Il s’attend à chaque seconde à ce que le duo de gros bras lui tombe dessus. Il observe Blanchard piquer sa crise sur les deux Tchèques. Dans la foulée, il comprend que Madame Longchamps n’est plus ici. Mille questions se bousculent sous son crâne. Comment une femme n’ayant plus toute sa tête, qui semble apathique, peut  quitter un établissement médical sans que personne n’intervienne ? Qui l’a aidée et pourquoi ? Que sait-elle ?

C’est Valérie qui lui avait parlé de Madame Longchamps comme étant une piste possible. Chose improbable, elle s’est volatilisée, elle aussi. Elle est folle d’avoir signé cette décharge et d’être partie dans son état. Il faut absolument qu’il lui parle et pas que de l’enquête mais avec ce p….. de téléphone HS, impossible. « Allez, bouge-toi, Lerot » se sermonne-t-il.

*******

Impensable de rester à rien faire en attendant la Scientifique. Valérie fouine un peu par-ci, par-là. Il faudrait juste un petit coup de pouce pour que cette enquête avance. Marre de faire du surplace. Dans le bureau, Rémini remarque qu’un tiroir du bureau est légèrement entrouvert.  Une pochette rouge, un CD, un carnet en moleskine. Elle enrage : avoir ça sous la main et  ne pas pouvoir y jeter un œil. Elle repère une boîte de kleenex. Cela fera l’affaire. Bon, pas le temps de lire le CD avant l’arrivée du Juge. Parce qu’à n’en pas douter, il va ramener ses fesses ici. Dans le carnet en moleskine une suite de chiffres, qui pourraient être des dates et des initiales. Des transactions douteuses ? Pot de vin ? Pas trop le temps de déchiffrer là non plus. La pochette rouge, c’est autre chose. Elle contient trois séries de clichés, étiquetées des prénoms des jumelles, une montrant Carole, une autre série de Camille, qui, toutes les deux, semblent avoir été pistées sur plusieurs mois.  Et enfin, la dernière, des clichés de Carole… morte.

*******

Lebel trouve le temps long, très long. Un chirurgien se dirige vers lui. Son visage fermé n’augure rien de bon.

« Je regrette, nous avons fait notre possible. Nous avons dû le réanimer deux fois pendant l’intervention. La troisième fois, nous n’avons pas pu le ramener. »

Coup de massue pour Lebel.

L’exquis cadavre exquis, épisode 62

L’exquis cadavre exquis, épisode 62

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Exquis Cadavre Exquis. Episode 62 Solène

Episode 62

by Solène Bakowski

Le roussi vous va si bien

 Amanda se redresse avec difficulté, s’assoit d’abord, marque une pause, puis pose ses pieds sur le sol avant de tenter de se mettre debout. Mais elle vacille, emportée par le poids de sa tête qui est à présent un véritable champ de courses. Affaiblie, elle manque de tourner de l’œil. Elle doit se rendre à l’évidence : dans son état, quitter cet appartement ne sera pas une sinécure. Sans compter que le ou la dénommée « Jo » – comment savoir avec un surnom pareil ? – lui a ôté la plupart de ses vêtements.

Après quelques secondes au cours desquelles elle s’efforce de faire la mise au point sur le mobilier qui l’entoure, elle titube vers un grand placard. Elle l’ouvre et en analyse brièvement le contenu jusqu’à déduire que « Jo » est a priori un homme plutôt jeune qui semble avoir un faible pour la couleur orange. Et la cigarette, si l’on considère les relents de tabac froid exhalé par les vêtements. Amanda réprime le haut de cœur qui lui soulève l’estomac et parvient à saisir un pantalon noir et un tee-shirt citrouille affublé d’un smiley idiot qu’elle enfile en serrant les dents tant sa poitrine, son menton, ses bras, ses jambes la font souffrir. Elle coince ensuite ses cheveux dans une casquette publicitaire à l’effigie d’une marque de whisky.

C’est bon, ça va le faire, se dit-elle, ragaillardie à l’idée de traverser la ville déguisée en homme et donc, parfaitement incognito.

Puis :

Merde, mes chaussures.

Elle lorgne, dépitée, du côté de la petite paire d’escarpins gisant sur le sol. Elle se résout alors à attraper des baskets qui lui paraissent immenses – Mais combien chausse ce type ? Du… 48 ???? – et dans lesquelles ses petits pieds flottent allègrement.

Espérons que je n’aie pas besoin de courir, conclut-elle en se glissant à l’extérieur de l’appartement, tout en se promettant vaguement de changer de boulot. Un truc plus calme. Un truc où elle n’aurait pas besoin de se couler dans des pompes aux allures de bateau de croisière et de revêtir un tee-shirt ridicule pour buter un type et, ainsi, sauver sa peau.

*****

Pas de Laure. Blanchard est livide.

— Mais comment c’est possible ? grogne-t-il tout en s’efforçant de contenir sa colère pour ne pas effrayer le personnel hospitalier.

N’osant pas prendre l’infirmier directement à partie, il roule des yeux furibonds vers les deux Tchèques, qui attendent légèrement en retrait.

Une cloche tinte. Comme un cheveu sur la soupe. L’agacement monte d’un cran pour Blanchard, qui, à présent feule et plisse les yeux. Son cou gonfle. On dirait un taureau prêt à charger.

Anton se dépêche d’extirper le portable du fond de sa poche. Un SMS. Qu’il n’a pas le temps de lire.

— C’est pas le moment d’échanger des mots doux ! postillonne Blanchard en expulsant le téléphone des mains d’Anton pour faire passer ses nerfs.

*****

— Il t’a répondu ? s’inquiète Carole qui, déjà, prépare son matériel.

Son oncle secoue la tête.

— Pas encore.

— Et si ton ami ne recevait pas le message ? Et s’ils nous tendaient un piège ? Et si…

Éric s’approche doucement de Laure dont la respiration saccadée s’adoucit sensiblement.

— N’oublie pas que ta fille est une magicienne, lui souffle-t-il sur un ton apaisant, avant de lancer un clin d’œil à Carole.

*****

Le téléphone d’Anton glisse sur le sol parfaitement lustré du couloir de l’hôpital, pour venir s’écraser sur le bout de la chaussure de Sebastiàn. Dans une tentative désespérée, celui-ci s’efforce de recroqueviller ses pieds. Trop tard. Anton dirige son immense carcasse droit sur lui. Et sur son eczéma qui, bien sûr, se remet à le démanger sévère.

L’exquis cadavre exquis, épisode 61

L’exquis cadavre exquis, épisode 61

Elle s’appelait Camille, avait la phobie de la chlorophylle et n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une serre pour tenter d’échapper à son l’Assassin .

Les inspecteurs Lerot et Remini sont sur le coup mais de nombreuses questions restent encore inexpliquées

Pourquoi Max a-t-il été si troublé en apprenant la mort de Camille ? Qui envoyait à la victime de petits cercueils en bois ? Que sait la brigade financière sur cette mystérieuse affaire ?

Accrochez-vous, l’histoire se complique ! Camille a-t-elle été assassinée parce qu’elle enquêtait sur un vaste scandale pharmaceutique, avec Klatschmohn Aktion ? Ou bien à cause d’un détournement de fonds lié au Museum ? A moins qu’elle n’ait découvert l’escroquerie vinicole de son beau-père. Et si sa disparition était liée à celle de sa soeur jumelle ? La dépression de sa mère explique-t-elle son silence ? Quant à Costes, le privé à la réputation sulfureuse, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire ?

Maintenant la suite c’est vous qui l’inventez !


L’exquis cadavre exquis

Exquis Cadavre Exquis. Episode 61 nina

EPISODE 61

by Nina du Resto littéraire

 DIRECTION LALANDE

 

Amanda se retourne dans le lit, cherchant une meilleure position, mais, lui arrachant un cri, une douleur fulgurante la réveille tout à fait. Les yeux dans le vague et l’esprit dans le brouillard, elle met quelques minutes à retrouver le fil des évènements. Je suis dans mon appartement avec la fille de Max et la sonnette retentit… J’ouvre…Un violent coup de poing me percute… Je me réfugie dans un bar…Je me réveille dans cette chambre et deux silhouettes sont au dessus de moi en train de changer mon bandage…Mais où suis-je ?… D’une main décidée, elle cherche un interrupteur. Avec la lumière, elle découvre un petit mot glissé à son intention sur la table de nuit.

« Belle Camille, si tu te réveilles, fais comme chez toi ! Je serai vite de retour. Jo »

Au moins, elle n’a pas donné son vrai nom à l inconnu(e), Jo, son bienfaiteur ou bienfaitrice de l’instant, qui sera sûrement déçu(e) à son retour.  Remerciant sa bonne étoile d’être en vie et surtout d’avoir su tenir sa langue. Malgré la terrible sensation de coaltar, elle tente de se lever, cherche ses fringues qu’elle ne trouve pas. Elle aperçoit et saisit une boîte de calmants sur la table de nuit, en avale deux. Dans sa tête un seul leitmotiv  :

« A nous deux, Mr Lalande. Une petite visite à votre villa est maintenant nécessaire »

******

De retour de la pharmacie, Carole entre le digicode de l’immeuble de son « grand frère ». Impatiente comme une enfant, elle se dirige vers la porte de l’appartement. Enfin, elle va retrouver sa maman. En la voyant, elle comprend à son regard qu’elle est vraiment redevenue elle-même. Elles se jettent dans les bras l’une de l’autre. La joie est si intense que Carole fond en larmes.

« Maman ! Merci Eric, merci. Mais explique-moi, que s’est-il passé ? A chaque fois que je venais te voir, tu étais incapable de me reconnaître et là, tu l’air si… normale !

– Calme-toi, ma chérie ! Je vais t’expliquer ou plutôt, Rico va t’expliquer car il y a, encore quelques minutes, je ne comprenais pas moi-même.

– Rico… Mais il faut croire que vous avez déjà bien fait connaissance tous les deux pour que tu lui donnes un petit nom ! En même temps, je savais qu’il te plairait !

– Non, Carole, tu n’y es pas. On se connait depuis longtemps avec Eric. Assieds-toi, on va tout t’expliquer. »

Interloquée, Carole s’assoit, à la fois curieuse et inquiète de ce qui l’attend.

« Dis-moi ma chérie te rappelles-tu de ton oncle ?

-Le frère de papa ? Oui, vaguement. Pourquoi ?

-Te rappelles-tu de son prénom ?

– Attends que je réfléchisse… »

Concentrée, Carole sonde sa mémoire et d’un coup, les yeux écarquillés, l’incrédulité sur le visage, elle se tourne vers Eric.

« Tonton Rico ! Vraiment ? Mais pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ?!

– Sans compter ta perte de mémoire, tu étais dans un sale état après l’accident… Puis, les mois ont passé,  tu t’évertuais à m’appeler grand frère, alors j’ai laissé couler. D’autant que la mort de ton père était encore pour toi une énorme blessure que je ne voulais pas rouvrir. Désolée Carole !

– Mais pour maman ?

– J’ai autre chose à te révéler. Comme tu le sais, Blanchard et Lalande ont deux gros bras tchèques qui font tout leur sale boulot. Eh bien, l’un d’eux, Anton, est un ami, un frère d’armes et j’ai une confiance aveugle en lui, malgré la brute qu’il peut être. Lorsqu’un soir on s’est retrouvé autour d’une bière et qu’il m’a parlé de son nouveau patron, le rapprochement avec vous a été rapide dans ma tête. Je lui ai donc demandé de veiller sur vous. J’ai… ou plutôt, il a échoué pour Camille…  J’avais aussi  des soupçons sur la réalité de la folie soudaine de ta mère et  j’ai demandé à Anton de chercher à savoir si Lalande ne la droguait pas. Mon intuition était bonne et Anton a simplement remplacé les comprimés par d’autres identiques mais inoffensifs. Il ne restait plus qu’à attendre que les effets se dissipent et que ta mère revienne dans notre monde en espérant que ce soit possible»

Toujours assise Carole est incrédule, son « grand frère » et son oncle Rico sont une seule et même personne.  Et si  Anton avait été plus malin, sa sœur serait toujours en vie. Une rage intense s’empare d’elle.

« Merci pour maman, mais cela n’efface en rien la mort de Camille, sache-le. Maintenant, on bouge et on file chez Lalande. Les flics auront certainement déguerpi et je suis sûre que Blanchard va en profiter pour passer la villa au peigne fin afin de faire disparaître toutes les preuves. Et je veux être là !

– Comment être sur qu’ils y seront à notre arrivée?

– Envoie un SMS à ton frère d’arme, Anton ! »