Premières Lignes #146 ; Les petits meurtres du mardi, Sylvie Baron

PREMIÈRES LIGNE #146

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

Les petits meurtres du mardi, Sylvie Baron

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Quand on travaille dans la médiathèque d’une petite ville, on finit par connaître les secrets de tout le monde.

Odile Lavergne le sait bien, il ne lui a pas fallu longtemps pour deviner, en raison des ouvrages empruntés, les peines de cœur, les rêves d’amour, les angoisses hypocondriaques, les nostalgies du temps d’avant, les désirs de vengeance ou tout simplement le besoin éperdu de reconnaissance de certains de ses concitoyens.

Il faut ajouter qu’Odile a le don de savoir écouter les autres, de faire preuve d’empathie et d’encourager les confidences.

— Bonjour, vous êtes bien à la médiathèque de Marcolès, que puis-je faire pour vous ?

Cette simple annonce qu’elle distille plusieurs fois par jour de sa voix chantante au téléphone met tout de suite à l’aise son interlocuteur. Dans un monde où tout va trop vite, comment ne pas apprécier cette pause offerte qui permet de prendre son temps et de le perdre sans aucune culpabilité ?

Odile multiplie aussi les petites phrases pleines de compassion.

« C’est vraiment désolant ! »

« Si ce n’est pas malheureux, tout de même. »

« Il faut bien du courage pour supporter tout cela. »

Cette dernière est sa préférée, celle qui fait mouche à tous les coups car du courage, tout le monde aimerait en avoir, mais personne n’en a vraiment.

C’est beau le courage, ça suppose de la force de cœur, de la fermeté de caractère.

En tout cas, ça ne se refuse pas si on vous en prête. L’impétrant ainsi valorisé peut rougir ou relever la tête, il se sent subitement meilleur, un flot nouveau court dans ses artères pour l’exhorter à passer à l’action.

Odile est naturellement bienveillante, elle a les pieds sur terre et un cœur gros comme un mammouth. La quarantaine, célibataire, elle a gardé une silhouette d’enfant, petite et fluette. Ses yeux bleus sont immenses et toujours empreints de bonté, comme son sourire. À la voir s’agiter entre les rangées de livres ou derrière son bureau d’accueil, on dirait une petite fille en train de jouer.

C’est exactement le cas, en fait. Ses lecteurs sont ses poupées qu’elle conseille, console et n’hésite pas à morigéner quand il le faut. Elle aimerait tellement pouvoir organiser leurs vies pour les rendre meilleures.

Odile est une manipulatrice qui s’ignore.

Avec son sourire, ses tasses de thé brûlant, son sirop de citron et ses gâteaux maison, elle a su se rendre indispensable et faire de la médiathèque un cocon feutré qui attire les âmes en peine aussi sûrement qu’une lanterne brillante fascine les moustiques un soir d’été.

Des âmes en peine, on en trouve partout, autant à Marcolès que dans les autres bourgades. Des timides, des rejetés, des incompris, des solitaires, des aigris, des gens qui s’ennuient et ont tout simplement besoin d’exister. Ceux-là mêmes que captent en général les réseaux sociaux.

Ici, à Marcolès, c’est naturellement autour d’Odile qu’ils se réunissent. Tous les mardis, à 20 heures précises, en référence au fameux Club du mardi qui, dans la nouvelle d’Agatha Christie du même nom, réunit autour de son héroïne Miss Marple un groupe de détectives amateurs.

Car Odile est une fan de la Grande Dame du Crime. Elle connaît son 

œuvre par cœur. À la médiathèque, un coin spécial lui est consacré. Tous ses romans sont mis en valeur sur une étagère recouverte de velours noir, en plusieurs volumes pour les plus importants, sans oublier les éditions avec gros caractères pour les malvoyants et même quelques adaptations en bandes dessinées pour ceux qui ont une préférence pour le genre.

C’est bien sûr l’auteure qu’elle recommande le plus.

Sa devise phare, « Un coup de moins bien, un Agatha et ça repart », est bien connue des habitués des lieux. Certains s’en moquent discrètement, mais ici, à Marcolès, la Duchesse de la Mort a de nombreux adeptes et le Club du mardi rassemble un groupe de passionnés qui ne manqueraient sous aucun prétexte cette réunion hebdomadaire.

Un brin hétéroclite tout de même, ce Club du mardi, il faut bien le reconnaître. Huit membres en tout, en comptant Odile, à bénéficier de l’appellation privilégiée de « fidèles ».

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

• Lady Butterfly & Co
• Cœur d’encre
• Ladiescolocblog
• À vos crimes
• Ju lit les mots
• Voyages de K
• Les paravers de Millina
• 4e de couverture
• Les livres de Rose
• Mots et pelotes
• Miss Biblio Addict !!

malecturotheque.wordpress.com/2023/03/12/premieres-lignes-363/

Auteur : Collectif Polar : chronique de nuit

Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

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