Premières Lignes #165 : City of the windows, Robert Pobi

PREMIÈRES LIGNES #165

Bonjour, ravie de vous retrouver pour un nouveau rendez-vous du dimanche : premières lignes, créé par Ma Lecturothèque.

Le concept est très simple, chaque dimanche, il faut choisir un livre et en citer les premières lignes.

Je poursuis aujourd’hui avec vous ce nouveau rendez-vous hebdomadaire !

Et merci à Aurélia pour ce challenge.

Le livre en cause

City of windows, Robert Pobi

1

19 décembre
New York
À l’angle de la 42e Rue et de Park Avenue

Nimi Olsen commit l’erreur de vouloir traverser la 42e Rue un demi-bloc avant l’intersection. Elle était maintenant coincée sur la crête de neige fondue qui serpentait au milieu de la route. Les voitures s’élançaient avec une vigueur assassine et, toutes les quelques secondes, un rétroviseur lui frôlait la hanche.

La circulation était inhabituellement tendue – les New-Yorkais étaient au bout du rouleau, excédés et prêts à mettre le feu aux poudres à la première occasion. Cela faisait deux semaines que les températures étaient inférieures à zéro. La plus grosse vague de froid depuis un siècle. La moitié des chaînes d’info y voyaient l’expression du dérèglement climatique et le signe que l’humanité courait à sa perte ; pour l’autre moitié, ce gel était la preuve irréfutable que le réchauffement planétaire était un complot ourdi par des bouffeurs de salade en voiture électrique. La seule chose sur laquelle tout le monde s’entendait, c’était qu’il faisait froid.

Tout New-Yorkais s’était un jour retrouvé dans cette position, en équilibre précaire au milieu de la route, à jouer les matadors entre les voitures déchaînées. C’était un moyen comme un autre de finir dans la rubrique nécrologique. Nimi avait grandi ici, habituée à l’idée que d’autres gens se faisaient renverser. Tous les ans, plus de quinze mille piétons tâtaient de la carrosserie et allaient faire un tour en ambulance. Et si quelques centaines d’entre eux seulement succombaient à leurs blessures, ce n’était pas une statistique qu’elle tenait à vérifier.

À l’affût, Nimi espérait une accalmie dans la ruée des voitures. Son numéro de funambule durait déjà depuis cinq minutes, elle avait besoin de sentir la terre ferme sous la semelle de ses bottines.

Comme par magie, le ballet du trafic s’interrompit et une berline noire qui descendait la 42e ralentit après avoir dépassé le viaduc de Park Avenue. Le conducteur lui fit signe de passer.

Nimi sourit au conducteur en s’avançant devant la calandre, leva la main et articula silencieusement merci.

Soudain, le pare-brise du véhicule explosa et la tête de l’homme disparut, purement et simplement. Un bref instant, l’horloge arrêta son balancier. Tout s’immobilisa.

Puis le coup de feu retentit.

Nimi poussa un cri.

La voiture – désormais sans chauffeur – s’élança en avant.

Dans un réflexe qu’en termes cliniques on nommerait « l’instinct », Nimi commença à courir.

Si la chaussée avait été moins glissante, elle aurait eu une meilleure adhérence.

Si ses jambes avaient été plus longues, elle aurait pu atteindre le trottoir.

Si elle avait été plus corpulente, ses organes auraient été mieux protégés.

Un autre jour, elle aurait pu s’en sortir.

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